Un cruchon de Pedialyte devant elle, Kim Clavel n’avait pas besoin d’expliquer pourquoi son combat de championnat du monde devait être repoussé jusqu’au 13 janvier, mercredi matin.

Voix enrouée, nez bouché, gorge encombrée de sécrétions : à moins d’être une actrice extraordinaire, elle était manifestement « inapte à boxer », comme a dû lui faire comprendre son médecin la veille.

Avec son entraîneuse Danielle Bouchard et son conseiller Stéphan Larouche, elle tentait alors de gagner du temps et de remettre à mercredi matin la décision d’aller de l’avant ou non avec son affrontement contre la Mexicaine Yesica Nery Plata, jeudi soir, à la Place Bell de Laval.

Ce sont finalement les dirigeants du Groupe GYM qui ont tranché après avoir parlé au DFrancis Fontaine mardi soir. « On tire la plogue », lui a dit le président Yvon Michel, qui a fait tout pour que Clavel ne se considère pas comme fautive.

« C’est sûr qu’on subit un choc, mais on ne veut pas transmettre ça à Kim », a expliqué le promoteur, qui estime ses pertes « dans les six chiffres ».

« On ne veut pas qu’elle réalise ça. On voulait donc absolument qu’elle se sente le mieux possible. On leur disait que Kim, c’est un projet à long terme. Ce n’est pas du court terme. Ce n’est pas la fin du monde, ce qui va arriver. »

Malgré tout, Clavel avait l’air atterré en s’adressant aux journalistes en visioconférence.

« La boxe, ce n’est pas comme le basketball : quand tu ne files pas, tu ne peux pas rester sur le banc, a-t-elle rappelé. Je vais affronter la première mondiale. Me voyez-vous boxer dans cet état-là ? S’il arrive quelque chose, tout le monde aurait dit : gang de sans-desseins de l’avoir laissée boxer…

« Ce dont je me sens le plus mal, évidemment, c’est pour l’équipe de Plata. Son père, son frère, qui étaient ici. Pour tous les boxeurs, Caroline Veyre qui boxait [pour la première fois] au Québec, Derek [Pomerleau], Mazlun [Akdeniz], Eric Basran… Je m’en veux tellement. J’ai un sentiment de honte et de culpabilité. »

Je ne peux pas boxer dans cet état-là.

Kim Clavel

Clavel s’estime simplement « malchanceuse » après avoir « essayé de contrôler » tout ce qu’elle pouvait. « J’ai tout fait en mon pouvoir pour rester en santé pour ce combat. La grippe est vraiment agressive en ce moment. Je ne suis pas la seule. On voit tout ce monde dans les urgences.

« J’étais bien hydratée, je prenais mes vitamines chaque jour, mais comme boxeuse, quand tu commences à perdre du poids dans la dernière semaine, tu deviens plus vulnérable. »

« Pendant 36 heures, j’ai fait 40 de fièvre »

Après de premiers symptômes dimanche soir, la championne du WBC s’est mise à se sentir beaucoup moins bien après la conférence de presse de lundi matin au Casino de Montréal, où Michel a constaté qu’elle n’avait pas son « pep » et son entrain habituels.

« Je faisais de la température, j’ai commencé à avoir mal à la gorge, j’avais le nez très, très bouché. Pendant 36 heures, j’ai fait 40 de fièvre. »

Dans cet état, l’idée de faire du sauna et de prendre des bains chauds pour réduire son poids à la limite permise de 108 livres pour la pesée de mercredi paraissait incongrue.

Après un test de COVID-19 négatif, le DFontaine a diagnostiqué une grippe, une infection qui demande de deux à trois semaines pour se remettre.

« Il m’a écrit : Kim, tu es inapte à boxer et je n’hésiterai pas à le dire. Tu risques d’aggraver [ton état] ou de subir des blessures si tu boxes. Je vais être clair : quelqu’un qui fait de la fièvre pendant 48 heures avant un combat a toutes les chances de perdre. »

La native de Joliette a dû avoir l’impression de rejouer dans un mauvais film.

L’an dernier, son combat de championnat contre Yesenia Gomez, prévu en décembre, a été repoussé en raison d’une blessure au dos de la Québécoise. En mars, c’est la Mexicaine qui a demandé un report d’un mois après un cas de COVID-19 dans son entourage. À une semaine de l’affrontement remis en avril, Clavel a contracté le nouveau coronavirus…

La maladie a été particulièrement virulente. La boxeuse a passé deux semaines au lit avant de reprendre l’entraînement deux semaines plus tard. Sérieusement ralentie à son retour dans le gymnase, elle a craint d’être victime de la COVID longue.

Après avoir obtenu l’assurance qu’elle était pleinement guérie, GYM a reprogrammé le duel le 29 juillet, où Clavel (16-0, 3 K.-O.) a livré une prestation magistrale pour détrôner Gomez par décision unanime. C’est ce qui a convaincu Yvon Michel de l’opposer à Nery Plata (28-2, 3 K.-O.), détentrice de la ceinture WBA, dès décembre.

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Yesica Nery Plata et Kim Clavel

« Ce qui est un peu positif, c’est que la COVID, c’est quelque chose qu’on ne connaissait pas, a noté Clavel. Il y a les symptômes, as-tu la COVID longue ? Tu as le stress de la suite. Tandis que l’influenza, tu sais que c’est 10 jours de repos et que tu n’auras pas de symptômes à long terme. »

GYM s’est interrogé sur la pertinence de maintenir le gala de jeudi soir malgré l’absence de sa tête d’affiche. L’idée a rapidement été abandonnée au prix de « pleurs et de déceptions énormes » chez certains pugilistes impliqués, a relaté Yvon Michel.

« Après analyse, on s’est dit que si tu achètes des billets pour aller voir Céline Dion et qu’on présente Véronic DiCaire, tu n’es pas satisfait, tu deviens frustré. »

Nery Plata aurait absorbé la nouvelle avec philosophie. « OK, muchas gracias », a répondu la boxeuse mexicaine quand Michel lui a envoyé un texto pour lui expliquer la situation, mardi soir. Le promoteur l’a reçue avec son père entraîneur et son frère cadet à son bureau, mercredi matin. « Ils ne semblaient aigris en aucune façon et ils acceptent la date du 13 janvier sans problème. »

Le trio repartira à Mexico vendredi matin comme prévu. « Je lui ai proposé de laisser la ceinture ici, elle m’a dit non… »

Pour l’heure, les combats annoncés jeudi sont tous reconduits au 13 janvier, dont celui impliquant Marie-Pier Houle. Les détenteurs de billets – un peu plus de 3200 ont été vendus, selon le promoteur – peuvent les conserver pour le gala du 13 janvier. Ceux qui désirent un remboursement pourront l’obtenir.

« C’est mon rêve d’unifier ce championnat, a indiqué Clavel. Je suis si près de ce combat. Maintenant que je ne peux pas me battre, je dois être résiliente et c’est l’une de mes forces. Sur le coup, ça me semble être la fin du monde, mais quand je vais y repenser dans quelques mois, je sais que j’aurai beaucoup appris. »

Enfin un combat pour Rivas

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Óscar Rivas

Le Groupe GYM n’avait pas que de mauvaises nouvelles à annoncer mercredi : son poulain Óscar Rivas aura enfin l’occasion de remonter dans le ring, 15 mois après sa dernière bagarre. Le poids lourd québécois d’origine colombienne (28-1, 19 K.-O.) se mesurera à Efe Ajagba (16-1, 13 K.-O.) au Turning Stone Casino de Verona, dans l’État de New York, le 14 janvier prochain. Le Nigérian de 28 ans a disputé les Jeux olympiques de Rio avant de réussir un K.-O. au premier round dans six de ses huit premiers combats professionnels. Organisé en collaboration avec le promoteur Top Rank, le duel sera télédiffusé sur RDS2 et ESPN aux États-Unis. L’affrontement de Rivas en Pologne contre Lukasz Rozanski est repoussé d’une semaine ou deux, en mars. Il défendra alors sa ceinture des super-lourds-légers du WBC, acquise en octobre 2021. Deux de ses combats prévus dans son pays natal ont été mystérieusement annulés plus tôt cette année.