Yvon Michel sera impliqué dans son 72e combat de championnat du monde lorsque Kim Clavel et Yesica Nery Plata se retrouveront sur le ring de la Place Bell, jeudi soir, à Laval.

Depuis 1996 et le duel entre Éric Lucas et Fabrice Tiozzo, à Saint-Étienne, le promoteur en a vu de toutes les couleurs. Mais jamais n’avait-il dû utiliser Instagram pour contacter une adversaire, négocier directement avec elle et… recourir à Google Traduction pour se faire comprendre de son interlocutrice. Genèse de l’organisation d’un gala un peu particulière.

Tellement impressionné par la prestation de Clavel quand elle a détrôné Yesenia Gomez comme championne du monde des mi-mouches du WBC, l’été dernier, Michel a décidé de repousser le combat revanche. Il souhaitait lui proposer un défi de plus grande envergure.

Je me suis dit : elle est au sommet, ça ne sert à rien d’attendre un an pour faire une unification.

Yvon Michel

Il songeait alors à deux adversaires : Nery Plata, tenante de la ceinture de la WBA, et l’Argentine Evelin Nazarena Bermúdez, qui détenait alors les titres de l’IBF et de la WBO.

Pour Bermúdez, il a contacté directement son promoteur, qu’il connaissait bien. Pour Nery Plata, ce fut plus compliqué.

Michel a d’abord appelé ses homologues des galas récents auxquels la Mexicaine avait participé. Son succès a été mitigé. « Dans ce milieu-là, si tu demandes : “Êtes-vous le promoteur de tel boxeur ?”, tout le monde dit : “Ben oui, c’est sûr !” Mais ils ne me revenaient jamais… »

Il s’est donc tourné vers la World Boxing Association, qui lui a remis le numéro d’un gérant. « Il m’a dit de communiquer directement avec elle. C’est elle qui est la boss du groupe. »

Michel a utilisé une voie tout à fait moderne pour réussir à attirer l’attention de Nery Plata : un message sur sa page du réseau social Instagram.

Comme le promoteur canadien ne parle pas l’espagnol et que la boxeuse de 28 ans ne s’exprime que dans sa langue maternelle, il a eu recours à Google Traduction pour transmettre ses offres et contre-offres.

C’était la toute première fois que Michel négociait directement avec un boxeur pour un combat de championnat du monde. Et aussi la première fois qu’il le faisait par l’entremise d’un logiciel de traduction…

« Ça m’a surpris, mais ce qui m’a surtout surpris, c’est que ses demandes étaient toutes légitimes. Elle était vraiment structurée. Au début, c’est sûr que tu offres un peu moins [d’argent]. Elle m’est revenue et elle m’a dit : je vais y aller si tu réussis à me donner ça, mais n’essaie pas de farfiner. Elle voulait tant pour le transport, tant pour ci, tant pour ça, etc. Elle savait ce qu’elle voulait. »

Comme Nery Plata a été la première à se commettre, Michel a laissé tomber l’option Bermúdez : « Yesica vient ici pour deux raisons : premièrement, elle est convaincue qu’elle va gagner et, deuxièmement, elle va gagner la meilleure bourse de sa carrière. »

Clavel ensuite

Avec cet engagement, il lui restait ensuite à convaincre le clan Clavel, qui flottait encore sur un nuage après la victoire décisive contre Gomez au Casino de Montréal.

Michel en a d’abord glissé un mot à Stéphan Larouche, conseiller spécial de la boxeuse, qui « n’était pas sûr ».

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Kim Clavel

Au retour de vacances de Clavel et de son entraîneuse Danielle Bouchard, tout le groupe s’est réuni pour évaluer les perspectives. D’emblée, l’athlète de 32 ans était prête à plonger, « stimulée et motivée » par ce nouveau défi.

« Yvon aurait pu choisir des défenses optionnelles contre des filles classées dans le top 10 mondial pour garder la ceinture un peu plus longtemps, a souligné Clavel. Habituellement, un combat d’unification, ça vient après un certain moment. Nous, on a eu cette occasion-là. »

Le président du Groupe GYM est parvenu à un consensus avec Bouchard et Larouche.

« Notre travail, c’est de s’assurer qu’on ne va pas trop lentement ni trop vite là-dedans. Kim avait alors 31 ans, elle en a maintenant 32. Moi, je pense qu’elle était rendue là. Elle peut encore progresser, mais pas tant que ça. »

Ses trois derniers combats m’ont indiqué que cette fille-là était prête.

Yvon Michel

Clavel (16-0, 3 K.-O.), qui aura droit elle aussi à la bourse la plus importante de sa carrière, fait confiance à la sagesse de son entourage. « Mais c’est une marche, a-t-elle convenu. Yesica est classée numéro un sur boxrec.com. C’est la championne dans ma catégorie. »

Le site de référence indépendant a calculé que Nery Plata avait 57 % des chances de l’emporter, contre 38 % pour Clavel. Pour une rare (première ?) fois depuis le début de sa carrière en 2017, la native de Joliette montera donc sur le ring à titre de négligée.

« C’est une motivation de plus de savoir que je suis la négligée, que je ne porte pas les mêmes souliers que d’habitude, a assuré Clavel en conférence de presse, lundi matin. Ça fait que j’ai encore plus faim. Je vais mordre dans mon protecteur buccal et prouver que le pourcentage qui me manque, je vais aller le chercher. »

Si Clavel décroche une deuxième couronne mondiale comme elle le souhaite, Michel a déjà des projets pour elle.

Il anticipe d’abord une unification des quatre ceintures, ce qui voudrait dire un combat contre la Costaricaine Yokaste Valle, qui a subtilisé les deux de Bermúdez, samedi, après une victoire par décision majoritaire en Californie. Le promoteur rêve ensuite d’une « méga-affrontement international » contre la vedette américaine Seniesa Estrada, championne mondiale WBA des 105 lb, qui a annoncé son intention de conquérir tous les titres jusqu’à 112 lb.

« Ce serait du calibre de celui de Katie Taylor contre Amanda Serrano [en avril au Madison Square Garden], a dit Michel. J’espère qu’on sera capable de faire ça ici, au Québec. On a un plan clair avec Kim. On souhaite juste qu’elle ne s’accroche pas les pieds [jeudi soir]. Je sais que ça va être dur, mais on pense qu’elle a ce qu’il faut. »

Personne n’aura besoin de Google Traduction pour comprendre l’importance du prochain combat à Laval.

« Une guerre »

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Yesica Nery Plata et Kim Clavel

Après une première rencontre samedi au Complexe sportif Claude-Robillard, Clavel et Nery Plata (28-2, 3 K.-O.) se sont retrouvées lundi matin au Casino de Montréal pour la traditionnelle conférence de presse pré-gala.

À l’opposé de Derek Pomerleau (3-0, 2 K.-O.) et de Mazlum Aknedis (17-0, 8 K.-O., champion WBC continental des Amériques), des combattants en match préliminaire qui semblaient prêts à en découdre sur-le-champ, la Québécoise et la Mexicaine se sont échangé de bons mots avec le sourire.

« Comme moi, elle ne voudra pas lâcher son championnat à sa première défense », a indiqué Nery Plata par l’entremise d’un interprète. « Le gagnant sera donc le public parce qu’il y aura une guerre sur le ring.

« Nous savons que Kim est rapide, comme mon adversaire précédente Yesica Bopp. Nous essaierons donc de travailler cela dans le combat. »

Clavel a assuré qu’elle ne se fierait pas qu’à sa vitesse : « C’est mon principal atout, mais pas le seul. J’ai beaucoup d’aptitudes et je pense que je suis une boxeuse très polyvalente dans le ring. Danielle m’a poussée dans mes limites à l’entraînement. J’ai eu des partenaires qui me bousculaient, me poussaient. J’ai eu des filles très techniques, qui y allaient en volume. J’en ai eu d’autres qui lançaient moins, mais qui étaient plus rapides. On va être prêtes à tout. »

La pesée aura lieu mercredi midi à la Place Bell de Laval. Les deux athlètes ont fait osciller la balance à 110 lb à une semaine du combat. Elles devraient donc facilement respecter la limite de 108 lb.

Simon Drouin, La Presse