(Manchester) Marie-Ève Dicaire, Kim Clavel, Marie-Pier Houle, la nouvelle venue Caroline Veyre… Le promoteur Yvon Michel ne s’y était pas arrêté, mais la moitié de son écurie ou presque est maintenant composée de boxeuses.

« Ça a évolué de façon incroyable », a constaté celui qui est promoteur depuis plus de 30 ans, vendredi après-midi, à Manchester.

Fraîchement arrivé d’Acapulco, lieu du congrès annuel du World Boxing Council (WBC), Michel venait d’assister à la pesée publique du gala de ce samedi soir au AO Arena, où sa protégée Dicaire tentera d’unifier les quatre titres de championne mondiale des super-mi-moyennes (154 lb) contre la Britannique Natasha Jonas.

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La Britannique Natasha Jonas et Marie-Ève Dicaire

Accompagné d’Alexandra Croft, sa partenaire d’affaires dans le groupe GYM, le routier de 69 ans s’est longuement entretenu avec Ben Shalom, son jeune homologue de Boxxer à l’origine de cette finale féminine d’une carte où il espère réunir 10 000 personnes.

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Trois semaines plus tôt, Boxxer a organisé un gala entièrement féminin à Londres. La vedette américaine Claressa Shields, seule tombeuse de Dicaire (18-1), s’est attirée les faveurs d’un public qui lui était hostile à l’origine. La soirée a battu des records de cotes d’écoute.

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Le promoteur Yvon Michel

Ç’a été le plus grand évènement féminin de tous les temps. C’était ridicule : il y avait 22 000 personnes sur place.

Ben Shalom

Dans ce contexte, il tombait sous le sens à ses yeux de placer l’affrontement Jonas-Dicaire comme locomotive d’un gala autrement tout masculin.

« C’est normal pour nous ici », a dit le plus jeune promoteur licencié au Royaume-Uni, à 28 ans. « Ça montre que c’est maintenant de la boxe, n’est-ce pas ? C’est maintenant de la boxe, personne ne remet ça en question. »

Le 30 avril, Katie Taylor et Amanda Serrano ont marqué l’histoire en devenant les premières têtes d’affiche féminines d’un gala présenté au mythique Madison Square Garden de New York.

Dicaire, Clavel, et la suite

Au Québec, derrière Dicaire la pionnière, la spectaculaire Kim Clavel fait tourner les têtes, et pas seulement à cause de son passage remarqué à l’émission de téléréalité Big Brother Célébrités, l’an dernier. Yvon Michel pense pouvoir attirer 4000 spectateurs à la Place Bell de Laval, le 1er décembre, pour un combat d’unification des titres des mi-mouches contre la Mexicaine Yesica Nery Plata.

« Il n’y a pas si longtemps, quand tu présentais un gala de boxe de filles, c’était une attraction spéciale. Il y avait peu de bonnes boxeuses. Le niveau était tellement bas que c’était comme celui d’amateurs faibles. »

Un tournant s’est opéré aux Jeux olympiques de Londres en 2012 quand la boxe a atteint la parité des genres, sous la menace d’une exclusion du Comité international olympique, qui n’avait déjà pas la fédération internationale dans ses bonnes grâces.

Les filles ont sauvé la boxe aux Olympiques. Le sport amateur international est très fort. Tous les pays ont investi dans le développement de la boxe féminine, ce qui n’existait pas avant. Ça a amené de la profondeur. Ça a créé des vedettes. Le sport est tributaire des vedettes, des célébrités.

Yvon Michel

L’éloquente Dicaire, qui n’a pas pu se qualifier pour les JO de Rio en raison d’une commotion en 2016, incarne parfaitement cet élargissement de la portée de la boxe féminine. Shalom a été « très surpris » par son aplomb et charmé par la personnalité de celle qu’il n’avait jamais rencontrée avant son arrivée en Angleterre.

« Parfois, quand tu amènes des champions mondiaux étrangers se battre au Royaume-Uni, ils peuvent être un peu intimidés, a noté le PDG de Boxxer. Peut-être ne comprennent-ils pas comment composer avec les médias, la langue différente ? Même si l’anglais n’est pas sa langue maternelle, Marie-Ève a été incroyable, fantastique. Elle a un grand sens de l’humour et elle est une professionnelle par excellence. Honnêtement, elle est un atout pour le sport. C’est super de l’avoir ici. »

Dicaire, Clavel et leurs collègues enthousiasment un autre type d’amateurs de pugilat, constate Yvon Michel.

« Ça a apporté un vent de fraîcheur incroyable. Il y a des gens qui se plaignent, disent qu’ils voudraient voir plus de K.-O., ces choses-là. C’est tellement faux ! La beauté de la boxe féminine, c’est que les combats finissent la plupart du temps par décision. Ça oblige les filles à être habiles et intelligentes sur le ring, à se préparer pour boxer 10 rounds. Ça amène un public qui n’était pas nécessairement aussi friand. Des gens associent beaucoup le knock-out et la violence, mais ils adorent les combats de filles. »

Le promoteur de GYM dresse un parallèle direct avec la popularité des matchs de tennis féminin. « Elles jouent plus au fond du court, échangent longtemps. Les gars utilisent davantage leur puissance. Les fans de boxe en général vont suivre parce que ce n’est plus vrai que les filles ne donnent pas un bon show. »

Dicaire entend bien le confirmer sur le ring du AO Arena de Manchester, ce samedi soir, dans ce qui s’annonce comme le plus important combat de sa vie.