Comment mène-t-on un boxeur de 39 ans, inactif depuis près de trois ans, au sortir d’une dépression et d’un scandale de dopage, à une des belles victoires de sa carrière ? Car c’est ce que Jean Pascal a accompli, vendredi soir, en l’emportant contre Meng Fanlong en banlieue de Tampa, en Floride.

« En recommençant de zéro », carrément, a expliqué Julien Hattem, préparateur physique montréalais du pugiliste québécois, après l’affrontement.

« Il y avait beaucoup de marches à gravir. On ne cherchait au départ que les petites victoires à chaque entraînement. »

Le parcours qui l’a mené à cette victoire par décision unanime face à l’aspirant numéro un de l’IBF chez les mi-lourds, il s’est entamé en janvier.

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Jean Pascal a envoyé son adversaire au tapis.

« Il n’était pas en grande forme, concède Hattem. Il sortait de sa dépression. […] Une des bonnes choses chez Jean, c’est la façon dont son corps répondait aux tests de stress cardiaque. Plus on l’entraînait, mieux il répondait. »

Ce n’était pas joli lors du premier mois. Mais par la suite, ça n’a été que du progrès constant.

Julien Hattem, préparateur physique

Il donne l’exemple de ces balles de 100 livres qu’il devait tenir devant sa cage thoracique. Et qui le faisaient suffoquer. « Mais il continuait. »

Orlando Cuellar, le nouvel entraîneur de Jean Pascal, a mentionné à plusieurs reprises au cours des derniers jours à quel point il a poussé son boxeur à la limite dans les derniers mois. « Je l’ai fait passer à travers l’enfer », répète-t-il vendredi soir.

Ça a visiblement porté ses fruits. Si Meng avait dominé les trois premiers rounds, les assauts de Pascal se sont faits graduellement plus intenses. Et sont éventuellement devenus trop lourds pour le Chinois. Le Québécois avait encore « de l’énergie dans le réservoir » en fin d’engagement, tandis que Meng semblait à court de ressources.

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Meng Fanlong a forcé Jean Pascal à reculer dans les câbles lors de cet assaut.

« Il a vu Jésus à tous les entraînements »

Le travail avait commencé avant même que Pascal se rende en Floride pour continuer ses séances de gym avec Cuellar, à six semaines du combat.

« Il a vu Jésus à tous les entraînements, rigole Julien Hattem. Mon but était de le tuer. Je voulais qu’il abandonne. »

Façon de parler, bien sûr. Même si Jean Pascal a bien failli le prendre au mot. Mais le « feu » qui brûle en lui, dixit Cuellar, encore à 39 ans, l’a gardé en selle.

Ainsi que son équipe derrière lui, qui l’a « rassuré » dans ses moments de remise en question.

« Nous l’avons aidé à se ressaisir mentalement et physiquement, soutient Cuellar. Nous sommes ici ce soir [vendredi], et nous sommes victorieux grâce à tout cela. »

« Des fois, je pensais qu’il était fâché »

Jean Pascal a complimenté son équipe après l’affrontement contre Meng Fanlong, alors qu’il célébrait avec tout son entourage dans l’antichambre des locaux de ProBox TV.

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Jean Pascal a été soulevé par ses entraîneurs à la suite de sa victoire.

Orlando Cuellar, entre autres, « un entraîneur expressif avec beaucoup d’émotions », souligne-t-il.

« Je n’étais pas beaucoup habitué à ça, avec Stéphan Larouche et Marc Ramsay. Mais tranquillement pas vite, j’ai commencé à le connaître pendant le camp d’entraînement. Des fois, je pensais qu’il était fâché, mais c’est juste que c’est un entraîneur expressif. Il donne de bonnes instructions. Je l’ai assez écouté pour remporter le combat. »

C’était par ailleurs la première fois que Julien Hattem travaillait avec un boxeur de haut niveau. Il a aussi œuvré avec des joueurs de hockey, comme Daniel Sprong et Samson Mahbod, notamment.

« Il a eu des entraînements intenses par le passé, mais je suis différent des autres, estime Hattem. J’ai une approche différente.

« Je suis content pour lui, on a travaillé fort. Il revient de loin. Ç’a été difficile de voir tout ce qu’il a dû traverser. De voir que tous ses efforts ont porté fruit, c’est tout ce qui compte. »

Et le prochain défi ?

Greg Leon, agent de longue date de Jean Pascal, n’a pas voulu trop s’avancer sur la suite des choses pour son poulain. Mais il dit avoir notifié la Fédération internationale de boxe (IBF) du combat de 12 rounds disputé vendredi « dès la pesée ».

« Ils vont lui donner le rang qui lui revient, croit-il. J’ai demandé à ce que Jean prenne la position de Meng en tant qu’aspirant numéro un, mais c’est peut-être irréaliste. »

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La défense de Jean Pascal était impeccable vendredi soir contre Meng Fanlong.

« Mais s’ils ne nous mettent pas dans le top 5, qu’est-ce que ça signifie pour leur aspirant numéro un ? », se demande Leon.

Jean Pascal lui-même mentionnait vouloir « retourner au Québec » pour son prochain duel.

Greg Leon dit souhaiter « regarder les options sur le menu » avant tout.

« On prendra la meilleure décision et on va la prendre en équipe, comme on le fait tout le temps. »

Justement, cette équipe, elle va rester indemne ?

« Quand tu gagnes, il n’y a rien à changer, répond Orlando Cuellar, interrogé sur le sujet. Cette équipe est glorieuse et elle va rester intacte. »