« Je suis peut-être trop sociable, mais je suis bien là-dedans ! »

Kim Clavel a livré 15 combats chez les professionnelles. Elle entretient depuis des liens avec plusieurs de ses ex-adversaires, dont quelques-unes qu’elle considère même comme des amies. Des amigas, mot qu’elles utilisent dans leurs conversations écrites, la plupart d’entre elles étant latino-américaines.

C’est Stéphan Larouche qui, au cours d’une entrevue sur un autre sujet, nous avait confié que la boxeuse communiquait avec Maria Soledad Vargas, quelques jours après leur affrontement du 28 août dernier au stade IGA. Et qu’il trouvait ça « beau », que cette approche semblait plus propre à la boxe féminine que masculine.

La Mexicaine Vargas et elle se parlent encore souvent, confirme Clavel. Elle nomme aussi, parmi ses opposantes avec qui elle s’est liée d’amitié, l’Argentine Tamara Elisabet Demarco – « à chaque combat, on se souhaite bonne chance » – et les Mexicaines Ana Victoria Polo et Esmeralda Gaona Sagahon, contre qui elle a gagné sa première ceinture (NABF), au Centre Bell en décembre 2019.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Kim Clavel (à droite) parle encore souvent avec Maria Soledad Vargas (à gauche), qu’elle a affrontée le 28 août dernier au stade IGA.

Sagahon est d’ailleurs venue ultérieurement lui servir de partenaire d’entraînement au Québec.

« Je l’ai emmenée faire du cheval, elle s’est promenée dans la neige », raconte la pugiliste de Joliette.

Les conversations se passent sur Instagram, WhatsApp, Messenger, Twitter.

Mais pourquoi ce besoin de se rapprocher de celles avec qui on a échangé des coups ?

« Ça fait peut-être un peu partie de ma personnalité. Mon père est comme ça, il a compétitionné dans l’équitation et il a toujours été bien ami avec ses compétiteurs. J’ai grandi là-dedans, dans le partage, la bonté, la générosité. C’est juste authentique. Je suis comme ça et je ne peux pas expliquer pourquoi ! »

Sa coach Danielle Bouchard a boxé professionnellement de 2002 à 2008. Si elle a communiqué avec ses adversaires, ce n’était assurément pas par les voies technologiques d’aujourd’hui, souligne-t-on à la blague.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Kim Clavel et son entraîneuse Danielle Bouchard

« Elles s’envoyaient des pages ou des fax ! », lance Clavel.

En fait, peu importe les canaux de communication, ce n’est pas dans sa nature et ça ne l’aurait pas intéressée, admet franchement Bouchard.

« Non ! », lâche-t-elle en riant, ajoutant qu’elle a toutefois conservé de forts liens avec les boxeuses du Québec.

Du respect

Clavel a appris l’espagnol en République dominicaine, de son plein gré, il y a longtemps. Ce qui facilite évidemment les discussions avec ses ex-opposantes, 13 d’entre d’elles étant latino-américaines, dont 10 Mexicaines.

Mais parfois, la sauce ne prend pas. L’enthousiasme communicationnel n’est pas toujours réciproque. Comme avec sa dernière adversaire, la Bolivienne Mariela Ribera Valverde, à qui elle a servi une leçon de boxe, le 11 mars.

Et puis il y a celles qui, d’emblée, ne stimulent pas la sociabilité. La Roumaine Xenia Jorneac, par exemple.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Kim Clavel et Xenia Jorneac

« Elle et son entraîneur étaient hautains et baveux, relate Clavel. Dans ce temps-là, je suis capable de l’être moi aussi. »

Mais avec les Mexicaines, le courant passe généralement bien.

« Je pense qu’avec les filles du Mexique, le caractère latin, pour elles, la boxe, c’est le sport. Il n’y a pas de haine ou de talk shit. Ça, c’est plus américain, je trouve. »

L’Américaine Natalie Gonzalez, que Clavel a battue à Las Vegas en juillet 2020, ne semble toutefois pas de ce moule.

PHOTO MIKEY WILLIAMS, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Natalie Gonzalez et Kim Clavel

« On se parle encore de temps en temps. Elle s’est acheté un chien, il est beau ! Ses enfants vont bien, son petit garçon joue au basket, raconte la Québécoise. On est toutes au courant des affaires des autres et on est contentes de voir les autres heureuses.

« J’ai tellement de respect pour l’adversaire, pour l’athlète. La plupart sont mères, elles ont des enfants, elles travaillent. J’ai énormément de respect pour ça. »

Un titre mondial à portée de main

Clavel entretient également des relations amicales avec des boxeuses qu’elle n’a jamais affrontées. Comme Sulem Urbina et Ebanie Bridges. Les conversations portent alors davantage sur la boxe, la technique.

Cet entregent à tout va de sa protégée, Bouchard n’y voit que du positif. Cela peut faciliter la recherche de partenaires d’entraînement, notamment.

De ce qu’elle a observé, chez les amateurs surtout, ce type de contacts entre athlètes est « assez commun » en boxe féminine. Bien que la personnalité de Clavel propulse sans doute la quantité d’interactions à un autre niveau.

Mais l’entraîneuse remarque la même tangente en boxe masculine.

« Je trouve même que chez les hommes, en tout cas depuis un an ou deux, c’est ce qu’on voit beaucoup. Tout le côté relationnel qui se développe après. On a même vu Maz [Mazlum Akdeniz] qui a invité son adversaire au restaurant de son père. C’est quelque chose qui se développe plus de nos jours. »

Une fraternité hors de l’arène qui n’altère en rien la détermination quand la cloche sonne, cependant. Les boxeurs ont l’habitude de cette compartimentation. C’est leur métier.

Le mois prochain, Kim Clavel (15-0, 3 K.-O.), 31 ans, se frottera à la Mexicaine Yesenia Gómez (19-5-3, 6 K.-O.), 26 ans, actuelle détentrice de la ceinture WBC chez les mi-mouches (108 lb), titre mondial qu’elle a raflé en septembre 2018 et défendu à cinq reprises depuis.

« Le 21 avril, c’est tout ce qui me motive. J’ai senti que mon dernier combat avait été une bonne préparation, une bonne générale de tout ce que j’avais fait au cours des derniers mois. À moi de livrer la marchandise », a résumé la boxeuse de GYM en conférence de presse, mercredi dernier.

Clavel montera dans le ring du Casino de Montréal dans les bottines de la première aspirante. Mais elle compte bien en redescendre en tant que nueva campeona del mundo.