« J’avais l’impression que Jackass, c’était une émission immature, et je sais que c’est drôle venant de moi parce que je suis un lutteur ! »

Donnons à Sami Zayn la palme de l’honnêteté. Il peut en effet paraître singulier qu’un gars dont le métier consiste à subir une cascade après l’autre, à se promener torse nu et à crier des insultes à une foule, juge aussi sévèrement des gens qui font des gags évolués comme tester un démonstrateur de toilette en plein milieu d’une quincaillerie.

« Mais j’ai jugé Jackass trop vite, sans avoir regardé. Maintenant, quand je le regarde, je réalise que j’oubliais l’essentiel. Ce qui rend spéciale cette émission, ce ne sont pas les niaiseries qu’ils font, c’est que ce sont des chums qui ont du fun ensemble. »

C’est intéressant parce que c’est la même chose avec les gens qui critiquent la lutte en disant que c’est arrangé. Eux aussi, ils passent à côté de l’essentiel.

Sami Zayn

Pourquoi cette discussion philosophique autour de la lutte et de Jackass en ce samedi matin ? C’est que la WWE s’est lancée dans une savante promotion croisée de Jackass Forever, le nouveau film de la série culte. Ce qui a commencé par une simple apparition de la vedette du film, Johnny Knoxville, à la WWE a fini par devenir une des histoires les plus divertissantes des dernières années dans le grand cirque de la lutte. Et c’est Sami Zayn, ce Québécois qui a bûché si longtemps pour atteindre les grandes ligues, qui se retrouve en rivalité avec Knoxville.

PHOTO CHRIS PIZZELLO, ASSOCIATED PRESS

Johnny Knoxville, sur le tapis rouge du film Jackass Forever, au début du mois de février

Zayn renouera avec son public lavallois à la Place Bell, dimanche, à l’occasion d’un spectacle de la WWE. Il se battra pour l’occasion contre le toujours spectaculaire Ricochet. Donc malheureusement, si vous espériez croiser Johnny Knoxville dans la file d’attente au Fu Lam du Centre Laval, ce sera pour une autre fois.

Sur le tapis rouge

Mais Sami Zayn, lui, est impliqué dans un scénario qui attire les regards.

« C’est intéressant, parce que je ne pense pas que le plan était de faire une histoire aussi longue, admet Zayn, en entrevue téléphonique en français avec La Presse. Il est venu une première fois pour faire la promotion de Jackass Forever. Mais la foule a tellement bien réagi qu’on a poussé l’histoire. Il est venu au Royal Rumble, les réactions étaient encore bonnes, donc on a continué au tapis rouge. On a une bonne chimie. Je n’aurais jamais prévu ça. »

PHOTO VALERIE MACON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Johnny Knoxville (à gauche) et Sami Zayn (à droite), sur le tapis rouge du film Jackass Forever, au début du mois de février

Pensez à une soirée réunissant Stéphane Dion, Bernard Pivot et Jürgen Habermas. Puis imaginez tout le contraire. C’est à peu près ce que donnent les péripéties du scénario entre Zayn et Knoxville, au carrefour de ce que la série-culte de MTV et la lutte professionnelle font de mieux. Prenez ce segment où Zayn « teste » des bidules qui ne sont pas destinés à être appliqués sur les humains, afin de montrer qu’il est aussi endurant que Knoxville. Les réactions exagérées sont hilarantes.

Voyez Sami Zayn se prendre pour un « testeur »

À l’inverse, Knoxville a lui aussi démontré une capacité d’encaisser les coups comme les vrais lutteurs professionnels le font.

Voyez Johnny Knoxville se prendre pour un lutteur

La WWE a même tourné un segment sur le tapis rouge de Jackass Forever.

Voyez les deux hommes sur le tapis rouge de Jackass Forever

« Honnêtement, j’étais nerveux, admet Zayn. Ça fait 20 ans que je lutte, je sais où sont les spectateurs et le ring. Au tapis rouge, je ne savais rien, je n’avais aucune idée où allaient être les gens, les caméras, le photographe, qui arrive quand, donc c’était dur à visualiser. Mais je suis content du résultat final. »

La suite à WrestleMania ?

Au rythme auquel progresse l’histoire, il y a lieu de se demander si elle ne se conclura pas à WrestleMania 38, le plus grand spectacle de l’année de la WWE, qui aura lieu cette fois au AT&T Stadium, domicile des Cowboys de Dallas.

La WWE profite souvent de WrestleMania pour inviter des vedettes d’autres domaines. De Liberace à Mike Tyson, en passant par Donald Trump, l’éventail des vedettes qui y sont apparues est vaste. Mais celles qui ont réellement lutté sont plus rares, et il peut arriver que cela cause du ressentiment parmi les lutteurs. Si Zayn devait lutter contre Knoxville, par exemple, c’est donc dire qu’un lutteur de métier perdrait sa place au profit d’une célébrité qui n’attend pas nécessairement avec anxiété sa prochaine paie.

PHOTO FOURNIE PAR LA WORLD WRESTLING ENTERTAINMENT

Sami Zayn

« Il y a toujours des lutteurs qui auront cette mentalité, souvent des gars qui ne sont pas sur la carte. Mais ce ne sont pas tous les lutteurs qui pensent comme ça, rappelle Patric Laprade, historien de la lutte et descripteur de La lutte à TVA Sports.

« Certains comprennent qu’ils sont dans la business du divertissement, et s’il y a un évènement où c’est encore plus compris, c’est WrestleMania. Le but de Mania, c’est d’attirer le plus de regards, et surtout, d’attirer de nouveaux regards. Il n’y a pas un million de façons de le faire, mais attirer des vedettes d’autres milieux, comme Logan Paul qui revient, comme Johnny Knoxville… Ça a toujours été ça, WrestleMania. »

Un contrat et une ceinture

Tout ça survient quelques mois après que de nombreux amateurs de lutte ont conjecturé sur l’avenir de Zayn à la WWE.

Le Québécois arrivait en fin de contrat, tout comme son compatriote et bon ami Kevin Owens, au moment où l’AEW, une organisation rivale, gagne en popularité. Le style de l’AEW, davantage axé sur la lutte que sur le divertissement, aurait très bien pu cadrer avec Zayn et Owens, capables de livrer des combats enlevants. Mais ils ont finalement signé de nouvelles ententes à la WWE.

PHOTO FOURNIE PAR LA WORLD WRESTLING ENTERTAINMENT

Sami Zayn

« Plusieurs gars ont lâché la WWE pour l’AEW, et je comprends leurs raisons, admet Zayn. Il y a tellement de bons lutteurs à la WWE que des fois, tu te retrouves un peu perdu. Ça m’est arrivé une ou deux fois dans ma carrière, où j’étais trois semaines de suite sans passer à la télé. Tu deviens découragé, tu ne te sens pas apprécié, tu penses que la compagnie ne voit pas ta valeur. »

Moi, ma situation est différente. Je suis à la télé chaque semaine, j’ai du temps au micro, je suis utilisé et je sens que la compagnie voit ma valeur. C’est pour ça que je suis resté.

Sami Zayn

Question de lui montrer encore plus son appréciation, la WWE a fait de Zayn son nouveau champion Intercontinental le 18 février dernier. Même s’il a perdu le titre vendredi soir contre Ricochet, c’était la troisième fois qu’il met la main sur la ceinture qu’a détenu le Honky Tonk Man.

Qui sait ce qui l’attend, dimanche, à Laval ?

Une deuxième clinique mobile en Syrie

Sami Zayn joue peut-être un rôle de méchant dans l’arène, mais dans la vraie vie, il tente d’aider son prochain. Sa fondation, Sami for Syria, a pour but de fournir aux victimes du conflit syrien des soins médicaux sous forme de clinique mobile. Elle est chapeautée par la Syrian American Medical Society (SAMS). Syrien d’origine, Rami Sebei, de son vrai nom, a annoncé sur Twitter en décembre avoir amassé suffisamment de fonds pour ajouter une deuxième clinique mobile. « Les deux sont fonctionnelles. Il faut juste amasser de l’argent pour que ça continue à fonctionner. Je suis très fier de ça. Ça fait presque cinq ans que je le fais et j’apprécie l’appui des gens », a-t-il dit.