Jean Pascal a vécu « des moments très, très sombres », récemment. Il dit même avoir « fait une dépression de six mois ».

« Tranquillement pas vite, j’ai été capable de me sortir de ça grâce à ma fille, ma famille, mes amis proches, souligne le pugiliste à La Presse, lors d’un entretien virtuel. Ils m’ont aidé à me relever. »

L’affaire est bien connue. Jean Pascal devait affronter Badou Jack lors d’un combat revanche, le 6 juin dernier. Mais le boxeur québécois a reçu des résultats positifs à l’EPO et à trois autres stéroïdes, dévoilés au grand jour dès la fin de mai. Il a subséquemment été dépouillé de sa ceinture des mi-lourds de la WBA.

Sa suspension de six mois par l’organisation s’est conclue en novembre dernier. Théoriquement, pour les instances de la boxe, l’affaire est close. Jean Pascal se dit maintenant prêt à défendre son nom… et à remonter sur le ring.

Il a révélé à La Presse qu’il affronterait le Chinois Meng Fanlong, aspirant numéro un des mi-lourds de l’IBF, le 21 mai prochain, en Floride. Meng est toujours invaincu avec sa fiche de 17 victoires, dont 10 par K.-O. Ce sera un premier combat en 31 mois pour Jean Pascal (35-6-1, 20 K.-O.).

Mais avant toute chose, le combattant souhaite rebâtir la confiance de ses partisans. Et prouver qu’il est « un athlète honnête et propre ».

Un test capillaire salvateur ?

Commençons par les faits. Fin mai 2021, quelques jours avant son combat contre Badou Jack, on apprend que la Voluntary Anti-Doping Association (VADA) a décelé la présence de trenbolone, de drostanolone et de métabolite A de la drostanolone dans des échantillons de Jean Pascal. Le 3 juin, on ajoute un résultat positif à l’érythropoïétine (EPO) à la liste.

Un mois plus tard, Pascal écrit sur les réseaux sociaux être « embarrassé » et « sincèrement désolé », ajoutant ne pas avoir pris volontairement ces substances illégales.

Aujourd’hui, le pugiliste amène de nouveaux éléments qui, selon lui, prouvent qu’il n’est pas un « tricheur ».

Jean Pascal a notamment effectué un test additionnel qui consiste à prendre un échantillon de ses cheveux et à l’envoyer en laboratoire. Le boxeur Canelo Álvarez, qui avait reçu un résultat positif au clenbutérol en 2018, avait par la suite brandi son résultat négatif à ce test capillaire pour prouver qu’il n’avait pas ingéré la substance volontairement. Le Mexicain relevait aussi que les quantités décelées étaient trop faibles pour qu’elles aient eu un effet sur ses performances.

Le boxeur québécois avance la même théorie.

Canelo [Álvarez] a été blanchi avec son test de cheveux. Si c’est valide pour Canelo, pourquoi ce ne serait pas valide pour moi ?

Jean Pascal

L’échantillon de cheveux de Pascal a été envoyé chez Cansford Laboratories, à Cardiff, au pays de Galles. Notons que ce laboratoire est reconnu par l’agence britannique de normalisation (UKAS), mais n’est toutefois pas agréé par l’Agence mondiale antidopage (AMA).

Le résultat de ce test est, selon Jean Pascal, « concluant ». Entre autres parce qu’il s’agit « du test le plus précis, le plus poussé qu’il y a sur le marché », avance-t-il.

En effet, sur les documents du laboratoire que nous a fournis le pugiliste, toutes les substances analysées donnent lieu à un résultat négatif, dont la trenbolone. Toutes, sauf la déhydroépiandrostérone (DHEA), qui est produite naturellement par le corps humain.

Apportons toutefois quelques nuances.

Nous avons soumis les documents à la professeure Christiane Ayotte, directrice du Laboratoire de contrôle antidopage du Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’INRS, accrédité par l’AMA. Elle indique qu’il est « reconnu que l’analyse de cheveux ne peut détecter qu’un usage important et prolongé » de stéroïdes anabolisants. Elle donne l’exemple de culturistes qui font usage de ces produits.

On ne peut mettre en doute un test urinaire positif sur la base d’un test de cheveux négatif.

Christiane Ayotte, directrice du Laboratoire de contrôle antidopage du Centre Armand-Frappier Santé Biotechnologie de l’INRS

Dans la liste des substances pour lesquelles Jean Pascal a été déclaré négatif à l’issue de l’analyse capillaire, la drostanolone et l’EPO n’apparaissent pas.

Les trois substances décelées en mai sont toutefois répertoriées dans un autre courriel envoyé par le laboratoire, accompagnées de leurs concentrations. Les trois sont positifs, avec des concentrations variant de 0,2 à 2,2 nanogrammes.

On y précise aussi qu’on ne peut calculer la concentration d’EPO dans l’urine. Pour la Dre Ayotte, « la présence d’EPO dans l’urine est indiscutable », même si on ne peut y déceler la concentration exacte.

Pascal maintient aussi que les tests ont eu lieu tout juste après ses entraînements. Sa déshydratation augmenterait, selon lui, « le niveau d’EPO dans le corps ». Il aurait été soumis à trois occasions à des tests de dépistage de l’EPO, dont une fois où le test se serait avéré négatif.

« Chaque fois que j’ai été positif, c’était toujours après l’entraînement. La fois que j’ai été négatif à l’EPO, c’est la fois qu’on a fait le test avant mon entraînement. »

Selon la Dre Ayotte, les conditions physiologiques n’ont pas d’effet sur la détection de substances synthétiques, puisqu’elles « ne peuvent provenir du corps humain ».

Jean Pascal ne prétend pas que ces substances n’étaient pas dans son organisme, mais il se défend de les avoir ingérées volontairement. Il parle de « contamination », possiblement par la viande.

Mais surtout, il maintient que les quantités « minimes » qui ont été décelées ne pouvaient pas avoir d’effet sur ses performances.

« Quand on fait des stéroïdes, il faut faire un cycle de stéroïdes, explique-t-il, après avoir précisé qu’il n’en était pas un expert. Il faut avoir ça en grande dose. Tu ne peux pas juste prendre des petites doses, ça ne va rien changer à ton système. »

La dose que j’avais dans mon système, c’était justement de la contamination. Le test de cheveux prouve que je n’ai pas fait de cycle, et que je n’avais pas de grande dose.

Jean Pascal

Jean Pascal a cherché à faire le test capillaire supplémentaire parce qu’il se « posait des questions » et avait des « doutes » après les résultats positifs.

« Je n’ai remarqué aucune différence à l’entraînement. […] Vous pouvez parler avec mes partenaires d’entraînement. On me dit que si j’avais de l’EPO, j’aurais pu faire 12 rounds facilement. Mais ce n’était pas le cas pendant que j’étais à Porto Rico [pour le camp d’entraînement]. »

« Je ne peux expliquer l’inexplicable »

Les tests effectués fin mai ont été faits par la VADA, une association antidopage qui opère sur une base volontaire. Badou Jack et Jean Pascal ont donc dû s’entendre pour se soumettre à ces tests.

Pour Pascal, il est évident qu’il n’aurait pas accepté de faire ces analyses s’il avait eu un doute sur les substances qui pourraient y être décelées.

Ce n’était pas dans mon contrat, je n’étais pas obligé de le faire. Si je savais que je prenais des substances illicites, j’aurais juste refusé et dit à mon adversaire que je n’allais pas faire le test. Mais moi, je me bats pour ça. Je n’ai rien à cacher.

Jean Pascal

Il est vrai que le Québécois est, depuis le début de sa carrière, un volubile militant antidopage. Il a notamment exhorté Bernard Hopkins, Lucian Bute et Sergey Kovalev à se faire tester avant leurs affrontements.

L’injection de vitamine B12 est chose courante – et légale – dans le monde de la boxe. Jean Pascal en prend depuis 2009 et n’a « jamais eu aucun problème ».

« Je prends des suppléments. Si on a retrouvé une quantité minime, c’est de la contamination. […] Cette quantité que j’avais dans mon corps n’aurait même pas pu m’aider à mieux performer. Pourquoi me serais-je injecté une si petite quantité ? »

Pascal était associé avec le préparateur physique Angel Martinez dans sa préparation pour son deuxième combat contre Badou Jack. Ils travaillaient ensemble depuis 2018, dit-il. Au lendemain de la divulgation des tests positifs en mai, Martinez a été mis à la porte.

Se peut-il que le pugiliste québécois, âgé de 38 ans à l’époque, ait commencé à baisser sa garde ?

« Je ne peux expliquer l’inexplicable, souligne-t-il. Je peux juste vous relater les faits. […] Je n’avais pas ces substances-là en grande quantité dans mon corps depuis un an de temps. C’est une bonne preuve, d’après moi. »

Il ne veut pas parler au nom d’Angel Martinez et « ne veut pas l’accuser non plus ».

« J’ai décidé de faire les tests volontairement, et ça m’a coûté beaucoup d’argent. Ça m’a coûté mon championnat du monde, ma ceinture.

« Depuis le mois de novembre que je peux remonter dans l’arène, souligne-t-il. C’est important pour moi, pour mes partisans et pour ma fille aussi. Avec le test de cheveux, je pense que je suis capable de rétablir les faits. »

« J’ai toujours été fair avec tout le monde »

Jean Pascal aimerait donc avoir « le bénéfice du doute » de la part des partisans et du milieu.

« Je demande juste qu’on soit fair avec moi. J’ai toujours été fair avec tout le monde. Je ne me suis jamais caché. »

« Avec mon prochain combat, si j’ai la même shape, si j’ai la même performance, les gens n’auront plus aucun doute après. »

Il veut aussi faire preuve de totale transparence dans les semaines à venir.

« Je vais être testé depuis le début de mon camp d’entraînement jusqu’à mon combat. Ils pourront juger par eux-mêmes si j’étais vraiment sur le jus contre Badou Jack. Je n’ai jamais été déclaré positif après un combat. La seule fois, ç’a été avant un combat. »

On ne peut pas mettre un astérisque sur tout ce que j’ai fait dans ma carrière, tout ce que j’ai accompli.

Jean Pascal

Son combat contre Meng Fanlong, après 31 mois d’inactivité, il le voit comme un « défi ».

« C’est l’histoire de ma vie, lance-t-il. On ne m’a jamais rien donné de facile dans la vie. […] On me donne un aspirant invaincu. Moi, je suis un guerrier, je suis un combattant. Je vise toujours le top, l’excellence. Je me pitche dans la gueule du loup. Je veux affronter le meilleur possible. 

« C’est une porte pour moi pour reconquérir un nouveau titre mondial. »