(Montréal) Patrick Kearney en a assez. Il exige la vérité de la Santé publique sur la reprise des sports au Québec.

Le président de Judo Québec a décidé de damer le pion à Sports Québec, qu’il trouve « frileux », afin d’exiger le déconfinement des sports à compter du 22 mars, soit 14 jours après la fin de la semaine de relâche.

Kearney avait mené le même genre de combat l’été dernier, alors qu’il trouvait que les sports de combat étaient laissés pour compte. Cette fois, il cherche à rallier tous les sports fédérés.

« Sports Québec dit que la Santé publique leur a demandé de rester tranquille, que les sports font partie de la solution, mais ne dit pas en échange de quoi, a indiqué Kearney au cours d’un entretien avec La Presse Canadienne.

« Ça a eu l’effet contraire chez nous. Nous disons, c’est assez. […] Je ressens beaucoup de retenue. Il y a moyen de dire les choses. »

Sports Québec n’est pas d’accord avec cette interprétation.

« Je trouve cela difficile de lire ça, car la Santé publique ne nous a pas demandé de rester tranquille, a répliqué son directeur général par intérim, Luc Fournier, en fin d’après-midi. Ce que le Dr (Richard) Massé (le directeur national de la Santé publique et sous-ministre adjoint) nous a demandé, c’est d’harmoniser les 60 plans de relance proposés par les fédérations.

« Ce que le Dr Massé a souligné, c’est que le problème des sports, ce n’est pas la pratique en tant que tel, mais bien l’avant et l’après : que font les parents une fois les enfants arrivés au plateau ? Restent-ils ensemble ? Ce genre de choses. »

Le président de Judo Québec assure que les devoirs sont faits sur ce point. Luc Fournier apporte un bémol.

« Ce n’est pas toutes les fédérations qui avaient les mêmes critères, qui doivent être similaires, souligne-t-il. On s’est engagé auprès de la Santé publique à revoir tout cet aspect et jeudi, ce travail de moine sera complété. C’est ça que la Santé publique nous a demandé : amenez-nous l’avant et l’après entraînement.

« Autre point, poursuit Fournier, est-ce qu’il y a eu entente avec l’aréna, la piscine ou le gymnase pour assumer d’éventuels frais supplémentaires ? C’est facile de dire qu’il y aura un gardien de sécurité à l’entrée, mais qui va payer pour ce gardien ? Qui est responsable du registre des entrées et sorties ? Le club, la fédération, la municipalité ou le centre de services scolaire ? C’est ce qu’on fait cette semaine, mais ce n’est pas tout le monde qui est conscient de ce travail, qui est effectué dans l’ombre. »

Kearney s’explique mal qu’on ait permis la réouverture des centres commerciaux, mais que la reprise des entraînements ne puisse pas aller de l’avant.

« Y a-t-il quelqu’un qui vérifie que les quatre jeunes qui débarquent de la même voiture viennent tous de la même bulle ? Y a-t-il un protocole à l’intérieur du centre d’achats ? Y a-t-il quelqu’un qui s’en préoccupe ? »

« Dans toutes les sphères de la société, on peut trouver des incohérences, nuance Fournier. Les gens de Tennis Québec me disent que deux joueurs sont à 10 m l’un de l’autre et que leur seul contact, c’est la balle. Je peux comprendre qu’ils trouvent cela incohérent, mais la Santé publique ne veut pas faire de cas par cas. »

Quant à la date du 22 mars, le directeur général de Sports Québec espère que la reprise aura lieu avant cela.

« J’espère que dès le retour de la relâche, nous aurons une forme de déconfinement. »

Il ajoute par ailleurs qu’après avoir présenté ces plans de relance harmonisés à la Santé publique en début de semaine prochaine, le ton pourrait être plus incisif par la suite, car « ça semblait être le seul obstacle à la relance des sports ».

Enjeux de santé

La reprise du sport doit se faire également pour des enjeux de santé publique, estime Kearney. Nicolas Gill, directeur général et directeur haute performance à Judo Canada le rejoint.

« Le calcul est simple à faire. C’est prouvé : l’impact de l’inactivité actuelle sur la santé — obésité, santé cardiaque, etc. — on le minimise aujourd’hui, a noté Gill. […] Est-ce que ça reprend trop tôt ou trop tard ? Je pense que la situation est particulière avec la semaine de relâche. Naturellement, il y aura plus de contacts. Il y a un risque évident.

« J’espère aussi que la reprise des sports sera permise avant l’ouverture des bars, ajoute Gill. Il y a une réflexion à avoir sur nos priorités de société. Est-ce que l’économie des bars est plus importante que la santé physique des jeunes ? Des gens sont élus pour prendre ces décisions. On pourra conclure à la suite de leur décision ce qui est le plus important. »

Kearney croit aussi que de s’assurer de la reprise des sports peut se faire sans nuire à la santé du public en général.

« Sur mon conseil d’administration, nous avons une super infirmière, France Larouche, que je salue. Elle travaille comme une déchaînée ; nous ne sommes pas désincarnés de ce qui se passe. Mais de se faire dire qu’on fait partie de la solution, ce n’est pas une réponse. Si le plan est de ne pas commencer les sports avant mai, qu’ils nous le disent. Au moins, on saura à quoi s’en tenir. Donnons-nous un peu de prévisibilité. On est toujours à la dernière minute : on verra après la relâche, après Pâques, après la fête des Mères, des Patriotes… Peut-on prendre une décision, en sachant qu’on aura à s’adapter selon les variants ? »

« Les risques sont plus complexes à calculer que seulement les risques de contracter la COVID, ajoute Gill. Je pense qu’il y aura des conséquences qu’on ressentira pendant des années. Ce n’est pas tout le monde qui peut amener ses enfants faire du ski tous les week-ends. Plusieurs familles comptent sur le parascolaire pour que leurs enfants fassent du sport. Il faut reprendre ça le plus rapidement possible. »