Remporter tous les titres de sa division, tel est l’objectif ultime de Marie-Eve Dicaire. Son combat du 17 décembre contre Cynthia Lozano mettra la table pour la suite des choses. Et la boxeuse a « vraiment l’intention que la table soit bien mise ».

« C’est elle qui est sur mon chemin, donc ce sera elle la première » à se faire tasser, a lancé une Marie-Eve Dicaire aussi souriante qu’à son habitude en conférence de presse, mardi midi.

Voilà qui est clair. Son combat contre Lozano (9-0-0, 7 K. -O.) représente pour Dicaire (17-1-0) « un objectif à court terme dans un objectif à long terme ».

Si elle l’emporte ce soir-là, elle deviendra la quatrième Québécoise après Arturo Gatti, Jean Pascal et Lou Brouillard à reconquérir un titre mondial. Et elle le fera au Centre Bell, à la maison, tout juste avant l’affrontement entre Artur Beterbiev et Marcus Browne.

« Pour moi, boxer au Centre Bell, c’est un rêve d’enfance qui devient réalité, a-t-elle d’ailleurs souligné. J’ai grandi en écoutant le Canadien de Montréal, en allant le voir jouer au Centre Bell. »

Ce sera un sixième affrontement de championnat du monde pour la Québécoise. Le 5 mars dernier, elle a laissé échapper la ceinture qu’elle détenait depuis 2018 aux mains de l’Américaine Clarissa Shields, meilleure livre pour livre au monde. Elle s’était inclinée pour la première fois de sa carrière professionnelle au terme de 10 rondes, toutes à l’avantage de son adversaire, mais durant lesquelles elle avait fait preuve de résilience.

Ma défaite contre Shields, c’est un petit incident, une bosse dans mon parcours. Par contre, je pense que les grands athlètes [peuvent] se servir de ces bosses-là pour arriver encore plus prêts, plus aguerris, plus préparés, et c’est ce que j’ai l’intention de faire.

Marie-Eve Dicaire

« Je pense que c’est surtout un gain de confiance qui a été fait, a-t-elle ajouté. J’ai prouvé au monde entier et à moi-même que je pouvais avoir ma place avec les meilleures, que j’étais capable d’appartenir à cette classe-là, à cette élite-là. Pour moi, ç’a été très bénéfique. »

Éviter la complaisance

Dicaire, aspirante numéro 1 pour ce titre, affrontera une vraie « bagarreuse » en Cynthia Lozano, pour qui il s’agira d’un premier combat en ring étranger.

« Elle cherche le trouble. Elle veut se battre dans une cabine téléphonique », a résumé le vice-président, opérations et recrutement, du Groupe Yvon Michel, Bernard Barré. Ses sept K.-O. en neuf affrontements en font d’ailleurs foi.

« Ça donne une bonne indication qu’elle ne va pas là pour faire du temps », a-t-il dit.

C’est la première fois que la Mexicaine, aspirante numéro 5 pour ce titre, affrontera une boxeuse aussi expérimentée que Dicaire. Cette dernière, même si elle est nettement supérieure sur papier, n’entend pas tomber dans la complaisance comme elle l’a déjà fait par le passé, a-t-elle admis.

« Vient un moment donné où c’est facile de tomber dans la complaisance parce qu’on gagne victoire par-dessus victoire, a-t-elle expliqué. Ce sont des défenses qui, malgré le fait que j’avais travaillé fort, devenaient un peu faciles parce que je n’étais pas obligée d’aller puiser [loin]. Dans le cas de [mon combat contre Clarissa] Shields, on a vu que j’avais encore des croûtes à manger. C’est Cynthia Lozano qui va payer pour tout ça. »

« Il ne faut jamais sous-estimer un adversaire parce qu’à la boxe, tout peut arriver, a-t-elle poursuivi. […] Dans certaines associations, Cynthia Lozano est classée devant moi. Pour moi, c’est très motivant parce que je me dis : il y a un problème ici, on doit corriger les choses. Il n’y a pas de meilleure façon de corriger les choses qu’en l’emportant et en montrant qu’elle n’a pas d’affaire devant moi dans les classements. »

Oublier le passé

Le nom de Cynthia Lozano a beaucoup fait partie des discussions au cours des derniers mois. À son dernier affrontement, le 14 mai dernier, elle a passé le K.-O. à la Mexicaine Jeanette Zacarias Zapata. Cette dernière est morte quelques mois plus tard, après avoir reçu un autre direct à la tête de la part de la Québécoise Marie-Pier Houle.

Dans les jours qui ont suivi la mort de Zapata, en septembre, de troublantes images du combat contre Lozano ont fait le tour du web.

Interrogée à savoir comment elle comptait faire abstraction du fait que Lozano était l’avant-dernière rivale de Zapata, Dicaire a indiqué que « peu importe ce qu’elle a fait dans le passé, ça ne compte plus une fois que la cloche sonne le 17 décembre ». « Pour moi, ça appartient déjà à de l’histoire ancienne. »

« J’ai pris le temps de décanter cette situation-là, a-t-elle laissé entendre. Le monde de la boxe a été ébranlé de cette tragédie, donc j’ai bien pris le temps, avec mon équipe, d’analyser la situation, de comprendre les choses et d’être capable de bien mettre ça derrière moi. »

Notons que Lozano était présente lors de la conférence de presse virtuelle, mais des problèmes de connexion l’ont empêchée de s’adresser aux médias.

Prix Maurice-Richard

Marie-Eve Dicaire a reçu le prix Maurice-Richard de la Société Saint-Jean-Baptiste, lundi. Celui-ci reconnaît son talent d’athlète, son goût du dépassement, son engagement social et sa relation avec les Québécois. Elle est la troisième femme et la première athlète du monde de la boxe à le recevoir. À ce sujet, la principale intéressée s’est dite particulièrement flattée et touchée. « De gagner des ceintures de championnat, des trophées, des médailles dans mon sport, c’est une chose. Mais lorsqu’on commence à aller dans des reconnaissances un peu plus envers la société, pour une implication, c’est encore plus significatif pour moi. En tant qu’athlètes professionnels, on a le pouvoir de changer les choses, une responsabilité envers la société. De par mes performances, c’est ce que je veux faire. »