Le Groupe Yvon Michel a confirmé par communiqué, mercredi, ce que le WBC avait déjà dévoilé. Le Canadien Ryan Rozicki sera finalement l’adversaire d’Óscar Rivas pour le nouveau titre des super-lourds-légers. Retour sur le parcours du Québécois d’origine colombienne.

Óscar Rivas est né à Buenaventura, au bord du Pacifique. « Une région rendue très compliquée par la guerre, à cause du port », explique-t-il.

« C’était très difficile pour un jeune comme moi de sortir de là-bas parce que la pauvreté affectait beaucoup notre famille. Je voulais être quelqu’un pour ma famille et moi-même. Ce n’est pas tout le monde qui a la chance de connaître le sport, et je l’ai eue. »

Ce sport, la boxe, il commence à le pratiquer à 11 ans. Déjà, sa famille a quitté Buenaventura pour Cali, à 300 km au sud-ouest de Bogotá.

Après une belle carrière chez les amateurs – qui l’a notamment mené aux Jeux olympiques de Pékin en 2008 –, il décide avec son ami Eleider Álvarez de passer chez les pros. Mais ailleurs que dans son pays natal.

« En Colombie, il n’y avait pas beaucoup d’aide pour les boxeurs. On manquait d’équipement pour les entraînements et il n’y avait pas beaucoup d’occasions, indique Rivas. Après les Jeux olympiques, plusieurs entreprises voulaient signer un contrat avec nous. Mais la meilleure option était ici, au Canada. »

La suite, racontée à La Presse il y a quelques années par Álvarez et Marc Ramsay, est presque digne d’un roman de Robert Ludlum ou de John le Carré.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Marc Ramsay et Eleider Álvarez

« Ce qu’on a fait pour rentrer au Canada, bientôt, on va en faire un film ! », lance Rivas, aujourd’hui âgé de 34 ans.

À l’époque, au printemps 2009, Rivas en a 22.

Álvarez et lui sont alors dans un hôtel colombien en camp d’entraînement avec leur équipe nationale.

Obtenir un visa pour le Canada était deux fois plus rapide par l’ambassade à Caracas que par celle à Bogotá. Les deux boxeurs quittent donc l’hôtel en douce en pleine nuit pour entrer au Venezuela en autocar.

Sur place, ils attendront leur visa dans un hôtel vénézuélien. « Un mauvais hôtel », précise celui qui est surnommé Kaboom.

En théorie, ce serait bouclé en deux semaines. Mais rapidement, le manque de fonds se fait sentir.

« Le groupe d’Yvon Michel nous envoyait de l’argent. Mais s’ils envoyaient 100 $, le Venezuela en prenait 70 et il nous en restait 30 », relate Rivas. Et il fallait bien payer la chambre.

Donc, après plus de 24 heures sans manger, à ne boire que de l’eau, il décide de regagner la Colombie.

Parce qu’on n’avait pas d’argent. C’est la décision que j’ai prise à ce moment parce que je suis un poids lourd : j’ai toujours besoin de manger ! Ça a été difficile.

Óscar Rivas

« Mais Eleider me donnait beaucoup de courage pour continuer », ajoute-t-il.

Sans compter qu’Álvarez l’avait prévenu des conséquences de sa tentative de fuir. Ce qui a convaincu Rivas de persister.

L’aventure durera finalement environ trois semaines, une de plus que prévu.

Après des doutes, un changement d’hôtel et beaucoup d’aide de Ramsay, le duo d’amis colombiens est arrivé sur le sol montréalais le 5 mai 2009.

La femme de Rivas l’a rejoint au Québec il y a environ deux ans. Il tente de faire venir ici sa mère et ses deux enfants qui sont toujours en Colombie – il en a quatre – « le plus rapidement possible ».

« Et maintenant, je me bats pour un championnat du monde. Après tout ça », lâche-t-il.

Il y a des moments clés qui définissent irrémédiablement la suite des choses.

De cet hôtel miteux du Venezuela, Rivas est aujourd’hui bien heureux de ne pas être revenu sur ses pas.

Lisez notre texte avec Eleider Álvarez et Marc Ramsay

Une occasion inattendue pour Rozicki

À L’Olympia, le 22 octobre, ce n’est donc plus l’Américain Bryant Jennings qui se dressera entre Óscar Rivas (27-1, 19 K. -O.) et son rêve d’une ceinture de champion mondial, mais le Canadien Ryan Rozicki (13-0, 13 K. -O.).

Rappelons que Jennings s’est lui-même mis hors de combat en refusant de se faire vacciner et de se soumettre aux contraintes imposées par la Santé publique fédérale pour les non-vaccinés…

Le Néo-Écossais de 26 ans, meilleur au pays chez les lourds-légers (200 lb), selon Boxrec, vient au 18échelon de cette catégorie au WBC. Il en détient la ceinture International Silver.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE RYAN ROZICKI

Ryan Rozicki

Rivas est pour sa part classé numéro 1 de cette nouvelle catégorie de poids au WBC que sont les super-lourds-légers (224 lb).

On peut présumer que ce sont les complications liées à la pandémie pour un délai aussi court qui permettent à Rozicki de jouir de cette chance inouïe.

« Je voulais affronter Jennings parce que c’était un bon challenge pour moi », a réagi Rivas. Ce dernier avait eu le dessus au dernier assaut aux dépens de l’Américain en 2019.

Mais ce changement d’opposant ne changera pas sa préparation.

« Ça ne m’affecte pas du tout, poursuit le Colombien d’origine. La seule chose, c’est qu’on ne connaît pas beaucoup Rozicki. »

Avec son entraîneur Ramsay, ils l’ont étudié un peu sur vidéo.

On sait que c’est un boxeur très agressif. Il a une très bonne force de frappe.

Óscar Rivas

Mais après s’être battu des années chez les lourds, souvent contre des athlètes plus costauds que lui, il a l’habitude des durs cogneurs.

Les deux boxeurs ont en commun d’avoir affronté le Québécois Sylvera Louis (8-7, 4 K. -O.) à leur dernier combat.

Contre Rivas, en mars, à Québec, Louis a jeté l’éponge après le troisième round. Puis, devant Rozicki, cinq semaines plus tard, à Vancouver, il s’est incliné par K. -O. technique au sixième assaut.

Rozicki avait par ailleurs été battu aux points par Simon Kean chez les amateurs, en 2014.

La sous-carte comptera six combats, dont l’un impliquant Sébastien Bouchard (19-2, 8 K. -O.).

Rozicki : démêlés judiciaires, mariage et paternité

Ryan Rozicki est sous le coup d’une probation d’un an après avoir plaidé coupable en mars dernier, à Sydney, en Nouvelle-Écosse, à un chef de voie de fait sur sa conjointe, Dionne Dermody. Il a en outre plaidé coupable à un chef de méfait pour avoir fracassé la vitre d’une voiture. La probation fait l’objet d’une absolution conditionnelle. S’il termine sa probation sans en violer les termes, Rozicki s’en tirera donc sans casier judiciaire.

Les évènements se sont déroulés à Sydney Forks, le 14 mars 2020, a rapporté SaltWire Network, une société d’édition de journaux néo-écossaise dont est notamment membre le Chronicle Herald. Après une dispute dans la voiture, Ryan Rozicki en est sorti avant de fracasser la vitre du côté passager, des éclats de verre blessant la plaignante au visage. Mme Dermody s’est ensuite rendue dans un poste de police avec la sœur du boxeur pour relater les actes.

Rozicki doit entre autres se soumettre à toute consultation que lui recommande son agent de probation. Il doit aussi s’abstenir de consommer de l’alcool et des médicaments qui ne lui auraient pas été prescrits.

Ryan Rozicki et Dionne Dermody sont désormais mariés et ont eu un enfant vendredi dernier. Mme Dermody sera à Montréal pour le combat de son époux.