Un peu plus de trois semaines après la mort de Jeanette Zacarias Zapata, la boxeuse québécoise Marie-Pier Houle arrive tranquillement à mettre de côté la culpabilité.

Houle a parlé publiquement pour la première fois depuis le tragique combat, dimanche soir, dans le cadre d’une entrevue à l’émission Tout le monde en parle, à Radio-Canada.

« Aujourd’hui, au moment où on se parle, je vais mieux, a-t-elle affirmé d’entrée de jeu. Je vis un jour à la fois présentement parce que c’est quand même un évènement auquel je ne m’attendais pas du tout. »

Le 28 août, Houle a battu la Mexicaine Zacarias Zapata par arrêt de l’arbitre à la fin du quatrième round, après un direct à la tête. La jeune boxeuse de 18 ans a été prise de convulsions dans les secondes qui ont suivi. À l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, elle a été plongée dans un coma artificiel, avant de s’éteindre cinq jours plus tard.

Houle a dû se retirer des réseaux sociaux au cours des dernières semaines afin de prendre du temps pour elle, a-t-elle fait savoir. Avec l’aide d’un psychologue, elle arrive tranquillement à diminuer la culpabilité.

Au lendemain de mon combat, quand on m’a annoncé qu’elle était à l’hôpital dans le coma, ç’a été un gros choc pour moi, un peu comme un mauvais rêve.

Marie-Pier Houle

« Au moment où j’ai appris sa mort, ça m’a dévastée complètement, a-t-elle ajouté. Ce n’est vraiment pas la raison pour laquelle je fais ce sport. Ç’a été vraiment tout un choc. »

« On a pleuré pendant 10 minutes »

Au lendemain du combat, Houle a demandé à rencontrer Jovanni Martinez, que tous croyaient à ce moment être le conjoint de Zacarias Zapata. La Presse a finalement révélé récemment qu’il s’agissait en fait d’un entraîneur improvisé qui accompagnait la Mexicaine pour son combat à Montréal.

C’est au lendemain de la mort de la jeune boxeuse, lors d’une cérémonie organisée par le Groupe Yvon Michel (GYM) dans une église de la communauté hispanophone de Montréal, que Houle a finalement rencontré Martinez.

« Quand je suis rentrée dans l’église, Jovanni m’a serré dans ses bras, a raconté la pugiliste de Terrebonne. On a pleuré pendant 10 minutes, enlacés l’un et l’autre. Il me disait à quel point il ne m’en voulait pas, que le grand-père et le père de Jeanette ne m’en voulaient pas, que c’était le sport, qu’ils connaissent tous la boxe et savent comment c’est. »

On est allés à une cérémonie à l’église qui avait été organisée avec des prières en espagnol. Il m’a tenu la main pendant 45 minutes. On pleurait comme ça n’avait pas de bon sens.

Marie-Pier Houle

« À la fin de cette cérémonie, il m’a dit : ‟Présentement, je veux que tu mettes toutes tes pensées, tes mauvaises idées, dans un sac dans ta tête et que tu laisses ça à l’église. C’est à ça que ça sert, à se libérer, c’est pour ça qu’on est ici. Je veux vraiment que tu continues ta vie et ta carrière. Tu as un bel avenir devant toi.” Ça m’a beaucoup libérée », a-t-elle relaté.

Encore sa place ?

La mort de Zacarias Zapata a fait couler beaucoup d’encre dans le monde du sport au cours des dernières semaines, notamment parce qu’il a été révélé que la jeune femme avait subi un K.-O. un peu plus de trois mois plus tôt.

La Presse a dévoilé il y a quelques jours que le père de la jeune boxeuse avait refusé que sa fille soit opérée après ce K.-O., tout comme après son combat contre Houle.

« C’est sûr que si on avait su ces informations-là avant, on n’aurait jamais décidé de boxer contre elle, a indiqué la Québécoise. Ça nous a tous pris par surprise un peu. Des boxeurs qui subissent des K.-O., il y en a plusieurs. Ça se termine très rarement avec ce genre de situation là. »

Questionnée par l’animateur de Tout le monde en parle Guy A. Lepage à savoir si un examen de conscience devait être fait dans le monde de la boxe, Houle a rappelé que, sur papier, « c’était un combat qui se tenait ».

Probablement qu’il y a des choses à améliorer. Il n’y a rien de parfait. Mais au niveau de la Régie des sports qu’on a au Québec, le travail a été bien fait. Tout était légitime, les documents étaient corrects. Normalement, ce combat-là devait se produire, c’était correct. Mais peut-être qu’il va falloir réfléchir aux matchs-ups qu’on va faire par la suite.

Marie-Pier Houle

Au cours des dernières semaines, plusieurs ont remis en doute la pertinence des sports de combat. Selon Houle, ceux-ci ont encore leur place.

« Les gens qui disent ce genre de commentaires sont souvent des gens qui n’ont jamais apprécié les sports de combat de toute façon, que ce soit bénéfique ou pas, a-t-elle déploré. Pour ma part, je connais tellement de gens que ça les a sortis de la misère, de l’alcool, de la rue, du crime. C’est un sport qui peut tellement nous amener à être quelqu’un de différent. Bannir ce sport ferait juste en sorte qu’on aurait des combats illégaux. »

Rappelons que le promoteur Yvon Michel a récemment annoncé, dans une entrevue avec La Presse, que les boxeuses et boxeurs provenant de l’extérieur du Québec ne feront plus partie de l’une de ses cartes si elles ou ils ont subi un K.-O. à leur combat précédent.

Retour sur le ring

Houle ignore encore quand elle remontera sur le ring. Elle aborde les choses « une étape à la fois ».

« On va s’asseoir avec mon équipe pour voir vers quoi on s’en va, a-t-elle indiqué. Je ne suis pas prête à dire que demain matin, je rembarque dans un ring. Ça va prendre un cheminement pour ça. »

La pugiliste a comparé sa situation à celle de quelqu’un qui subit un accident de la route et qui a de la difficulté à reprendre le volant.

« J’ai une super bonne équipe avec moi pour m’aider là-dedans et je sais très bien que s’ils sentent le moindrement une hésitation ou quoi que ce soit, ils vont me le dire et repousser jusqu’à tant que je sois prête à rembarquer », a-t-elle affirmé.