Après Carey Price, P. K. Subban, Didier Drogba, Guy Lafleur et Marie-Philip Poulin, entre autres, c’est au tour de la championne de boxe Marie-Eve Dicaire de voir son destin raconté aux adolescents, dans la série de la collection Raconte-moi.

Son histoire est relatée par notre journaliste Mathias Brunet, dont il s’agit du troisième livre aux Éditions de l’Homme en 2020, après Raconte-moi Guy Lafleur et Patrice Bernier, maître de son destin. Voici quelques extraits de cet ouvrage en librairie ce mercredi.

L’HABIT NE FAIT PAS LE MOINE

Sa réputation de boxeuse coriace commence à être connue dans le milieu. En janvier 2014, Marie-Eve se rend au célèbre World Wide Boxing Gym new-yorkais, situé sur la 204e Rue, dans le Bronx, pour des séances d’entraînement sur le ring avec la championne nationale américaine et championne des Golden Gloves en 2013, Bertha Aracil. Avec son entraîneur, Marie-Eve se tape quatorze heures de route pour passer deux jours avec la boxeuse américaine. L’objectif : 21 rounds amicaux.

Bertha Aracil n’est pas un ange. Elle est tatouée des pieds au cou. Elle a des dents en or. Elle dit avoir appris la boxe en prison, après une condamnation pour avoir agressé son beau-père…

Quand l’entraîneur de l’Américaine voit arriver la blondinette québécoise dans ce gymnase crade, avec sa jolie petite queue de cheval et son short rose, il se demande bien ce qu’elle vient faire ici :

— On peut vous aider ? — Je viens m’entraîner avec Bertha. Le coach la regarde avec stupéfaction. — Toi ? Sérieusement ? Tu vas te faire démolir…

L’entraîneur accepte finalement de laisser entrer Marie-Eve. Mais il la met en garde :

– Tu sais que tu dois te protéger en tout temps sur le ring, hein ?

L’habit ne fait pas le moine. Marie-Eve offre une furieuse opposition à sa rivale pendant son séjour. L’entraîneur au gymnase new-yorkais est impressionné par la jeune Québécoise, au point de lui promettre de tout faire pour lui trouver des combats d’envergure aux États-Unis. De grandes choses s’annoncent pour Marie-Eve !

UN BADGE DE LA WBC…

Le troisième combat de Marie-Eve se déroule lors d’une soirée « pro-am », c’est-à-dire que des boxeurs professionnels et amateurs disputent des combats sous le même toit.

Ce soir-là, le Montréalais Ali Nestor défend son titre de la WBC (World Boxing Council). De son côté, Marie-Eve parvient à remporter son combat avec éclat. Il faut de la force de caractère, et du talent, pour surmonter l’épreuve qu’elle vient de vivre !

Après sa victoire, un homme s’approche d’elle et lui tend un badge de la WBC.

– Un jour, tu boxeras pour nous, lui annonce-t-il.

Dans toute sa candeur, Marie-Eve n’a aucune idée de la signification de ces trois lettres.

– Merci beaucoup, monsieur, mais vous êtes qui, au juste ?

Son entraîneur est estomaqué. Il explique à Marie-Eve que cette rencontre n’a rien d’anodin et que le commissaire de la WBC ne distribue pas ses badges comme des bonbons d’Halloween…

C’EST QUI, LUI ?

En 2015, même si la boxe masculine est en plein essor au Québec, il faut encore supplier un promoteur pour qu’il mette une femme sous contrat. Stéphane Harnois passe un coup de fil à son maître à penser, Marc Ramsay. Ce dernier dirige certains des meilleurs boxeurs du Groupe GYM (Groupe Yvon Michel), dont Jean Pascal et Eleider Alvarez.

Marc Ramsay lui répond franchement : aucun promoteur n’accordera de contrat à Marie-Eve parce que c’est une femme et que ça ne s’est jamais produit auparavant au Québec. Marc lui propose néanmoins une ruse. Il laissera à Stéphane les clefs du gymnase situé au sous-sol des bureaux du GYM. Marie-Eve pourra s’y entraîner. Il y a des caméras à l’intérieur. Avec un peu de chance, Yvon Michel, le fondateur de GYM, la remarquera.

Le stratagème réussit. Peu de temps après, Yvon Michel regarde les caméras et demande à son associé chez Groupe GYM, Bernard Barré :

– C’est qui, lui ?

Les images de la caméra sont plus ou moins claires. Assez pour remarquer l’immense talent de l’athlète, mais pas assez pour distinguer s’il s’agit d’un homme ou d’une femme !

POUR LE CHAMPIONNAT MONDIAL !

Marie-Eve s’échauffe dans son vestiaire du Centre Vidéotron, une heure avant son combat, lorsque jaillissent de l’amphithéâtre des cris de stupeur. Le champion montréalais Adonis Stevenson, qui défend pour la dixième fois son titre mondial, vient de s’écrouler dans le coin du ring au onzième round. Stevenson reste coincé dans les câbles, à genoux, pendant un certain temps, mais il parvient à quitter le ring sur ses deux jambes.

Marie-Eve partage le vestiaire avec Stevenson, mais un immense panneau de bois sépare la pièce pour donner aux deux clans un semblant d’intimité. La boxeuse ne voit pas ce qui se passe de l’autre côté, mais elle saisit tout.

Pendant sa préparation, à quelques minutes de son combat, elle entend le clan Stevenson applaudir le boxeur à son entrée dans le vestiaire et lui offrir des phrases d’encouragement. Pour l’instant, elle est rassurée.

Au moment de quitter le vestiaire, Marie-Eve perçoit un « boum » retentissant. Elle n’en fait pas de cas et poursuit sa marche. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que Stevenson vient de s’écrouler sous la douche, victime d’un malaise. On décide de l’évacuer sur une civière par mesure préventive. Puisque l’état de ce membre de son écurie semble stable, Yvon décide de ne pas l’accompagner à l’hôpital.

Comme si la soirée n’était pas déjà drôlement amorcée, Marie-Eve fait une drôle de tête en entendant les haut-parleurs cracher la chanson pour annoncer son entrée sur le ring : le disc-jockey s’est trompé de morceau !

Les athlètes sont généralement superstitieux. Marie-Eve craint ce mauvais présage. Il s’agit de son baptême en championnat du monde et pour la première fois, elle ne sera pas accueillie par sa chanson fétiche !

— C’est pas ma toune, dit-elle à Stéphane. — Pis ? lui répond son coach. — Je veux pas y aller ! Son entraîneur la ramène à l’ordre.

– C’est pas une chanson qui va te faire gagner ! Avance !

PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE L’HOMME

Raconte-moi Marie-Eve Dicaire, Mathias Brunet, Éditions Petit Homme (Éditions de l’Homme), 144 pages