Les nostalgiques des années 1980 n’oublieront jamais les « brunchs » de Pat Patterson, pendant les diffusions en français de la lutte.

En gros, l’ancien lutteur, Montréalais d’origine, recevait des invités – souvent anglophones – et se moquait d’eux, soit en traduisant mal (volontairement) leurs propos, soit en les insultant en français, à leur insu évidemment.

Prenez cette entrevue avec George « The Animal » Steele, qui s’apprêtait à lutter contre « Macho Man » Randy Savage, qui était toujours accompagné de sa gérante, Elizabeth. « Elizabeth est belle, mais toé, t’es laid par exemple ! », lance Patterson à The Animal.

Ces segments étaient à l’image de Patterson, un homme qui aimait s’amuser, rire, chanter. Tout simplement.

Patterson s’est éteint dans la nuit de mardi à mercredi, dans un hôpital de South Beach, en Floride, des suites d’une insuffisance du foie. Il avait 79 ans.

« Sa joie de vivre est ce qui ressortait le plus, décrit l’ancien lutteur, aujourd’hui commentateur, Raymond Rougeau.

« Il est venu au monde pour avoir du fun ! Je suis arrivé à la WWF, il me disait : “Pis, as-tu du fun ?” Je suis devenu commentateur et quand je le croisais : “Pis Raymond, as-tu du fun comme commentateur ?” »

Rougeau et Patterson ont été champions par équipe de Lutte internationale en 1980, et se sont ensuite côtoyés quand Jacques et Raymond Rougeau se sont joints à la WWF à la fin des années 1980. Ils ont renoué depuis que Raymond a été réembauché comme commentateur.

PHOTO FOURNIE PAR RAYMOND ROUGEAU

Raymond Rougeau et Pat Patterson

Malgré des personnalités aux antipodes (« Je ne suis pas un gars de party, de boisson ! », admet Raymond Rougeau), ils ont développé une belle relation, notamment au fil des voyages, comme celui-ci entre Québec et Montréal, en 1980.

« Dans ce temps-là, la routine, c’était de ramasser un 6-pack pour la route, se souvient Raymond. On arrête au dépanneur, il se prend un 6-pack et moi, je prends un lait au chocolat. Il a ri de moi !

« On roule, il me demande de lui ouvrir une bière, je refuse. Il me regarde : “T’es pas sérieux ?” Je lui dis : “J’en bois pas, j’en ouvre pas. Je vais te la donner et tu l’ouvriras.” Il dit : “J’ai mon câlisse de voyage ! La route va être le fun !” J’ai pris la bière, je la lui ai donnée. On a fait la route, j’en ai pas ouvert une. Ça fait 40 ans, et encore l’année passée, il racontait cette histoire-là quand on croisait du monde ! »

Un génie

Après une grande carrière de lutteur, Patterson, né Pierre Clermont, a vite gagné en influence auprès de Vince McMahon à la WWF, au point de devenir son bras droit. On lui doit notamment la création du Royal Rumble, un combat à 30 lutteurs. Dire que l’idée avait d’abord été rejetée par McMahon… Mais Patterson l’a soumise à Dick Ebersol, grand producteur chez NBC à l’époque.

« Après WrestleMania, c’est le show le plus important de l’année. Tant qu’il y aura la WWE, il y aura un Royal Rumble. Et tant qu’il y aura un Royal Rumble, il y aura Pat Patterson, estime Bertrand Hébert, auteur de Accepted, la biographie de Patterson.

« C’est un des grands bâtisseurs de la WWE. Encore récemment, Vince l’invitait dans l’avion privé de la WWE pour des évènements. Il lui disait : “Pat, tu le mérites.” Il était traité comme un membre fondateur de la compagnie. »

Relisez le compte-rendu de sa biographie

Pour l’historien de la lutte Patric Laprade, Patterson est « le Québécois qui a eu la plus grande influence dans la lutte ».

« C’est un génie. Il avait une fine compréhension de la psychologie d’un combat. Mais il n’est pas aussi connu qu’il devrait l’être. Ce n’est pas un Rougeau, pas un Rick Martel, pas un Yvon Robert, parce qu’il est parti jeune aux États-Unis », estime Laprade, descripteur de la lutte à TVA Sports.

Patterson était réputé pour sa capacité à scénariser des combats. Il a poussé son art au summum en orchestrant un combat « Ironman » en finale de WrestleMania XII, entre Bret Hart et Shawn Michaels. L’idée : un combat de 60 minutes, le gagnant était celui qui obtient le plus de victoires pendant l’heure. On imagine le défi de tenir une foule en haleine !

Patterson et Raymond Rougeau s’étaient eux-mêmes livré un marathon du genre à Québec, au début des années 1980. « J’étais bon lutteur, mais il avait une coche supérieure. Il avait des idées pour faire monter l’intensité de la foule. Dans les 15 dernières minutes, tout le monde était debout ! »

Il n’avait plus de plaisir…

S’il était si influent auprès de Vince McMahon, c’est justement grâce à son sens du spectacle. Il l’avait au travail, mais aussi à l’extérieur de l’arène. Sa passion pour le karaoké était bien connue.

En 2015, quand la WWE lui a rendu hommage après un spectacle à Montréal, Patterson a livré à la foule du Centre Bell son grand classique, My Way. « I’ve lived a life that’s full », chantait Frank Sinatra… Pour Patterson, ce n’étaient pas que des paroles.

Mais pandémie oblige, les bars de karaoké sont fermés. Patterson vivait seul en Floride. Son compagnon, Louie Dondero, est mort en 1998 et sa famille demeure au Québec. L’ancien lutteur Sylvain Grenier, pratiquement le fils adoptif de Patterson, allait souvent le visiter chez lui.

Il m’appelait souvent pour me dire qu’il était tanné, qu’il trouvait ça plate. Il a trouvé la dernière année longue. Il n’a pas pu venir passer l’été à Montréal. Il aimait prendre un coup, aller au restaurant, au karaoké…

Bertrand Hébert

En parallèle à la pandémie, sa santé dépérissait. Vendredi, il devait subir une biopsie, ses médecins soupçonnant un cancer généralisé. Il en avait combattu un de la vessie ces dernières années. C’est toutefois un caillot de sang au foie qui l’a achevé.

« Je l’ai vu à un évènement il y a un an, se souvent Rougeau. Il disait : “Tu sais Raymond, vieillir, c’est pas le fun. J’ai toujours aimé avoir du fun, mais là, avec ma santé qui se détériore, je n’en ai plus.” Je lui dis : “Arrête donc, on va se parler quand t’auras 100 ans !” »

« Et Pat m’a répondu : “Non, je serai parti. Je vais chanter du karaoké au ciel !” »

Des hommages à Pat Patterson