Laissés en plan depuis le déconfinement des sports intérieurs le 22 juin, les quelque 60 000 adeptes québécois de sports de combat ont enfin reçu le feu vert du gouvernement pour reprendre la véritable pratique de leur activité.

À partir de ce mercredi, les affrontements seront autorisés à l’entraînement, à certaines conditions.

« Ça va ‟sparrer” demain à la première heure ! » s’est réjouie Ariane Fortin-Brochu, nouvelle présidente de Boxe Québec, qui peinait à contenir l’impatience de ses membres, sans nouvelles depuis une rencontre d’un regroupement de six fédérations de sports de combat avec la Santé publique, il y a trois semaines.

Isabelle Charest, ministre déléguée à l’Éducation, a confirmé la relance aux représentants des fédérations lors d’une réunion à l’Institut national du sport (INS) du Québec, à Montréal, mardi après-midi.

« Je veux féliciter et remercier tous les adeptes de sports de combat pour leur résilience et leur patience », a déclaré Mme Charest lors de la conférence de presse qui a suivi au dojo de l’INS Québec.

La ministre a également annoncé pour « très bientôt » la reprise des galas de boxe professionnelle, un moment très attendu par les acteurs du milieu (voir par ailleurs).

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La ministre Isabelle Charest

Pour cette première phase, les entraînements devront se dérouler à l’intérieur d’une bulle fermée d’un maximum de quatre personnes. Ces dernières devront aussi s’engager à respecter les mesures d’hygiène et de distanciation en quittant le gymnase ou le dojo.

« On sait qu’il y a quand même des risques associés à ces activités, a prévenu la ministre. On ne veut surtout pas placer en position de vulnérabilité le milieu dans lequel ils vont évoluer à l’extérieur de leur bulle sportive. »

« Pleine conscience des risques »

À ses côtés, le DRichard Massé, conseiller médical stratégique de la Santé publique, a reconnu que « les choses auraient peut-être pu être plus rapides ». La remontée des cas de COVID-19 en juillet a cependant incité les autorités sanitaires à redoubler de prudence.

« On voulait être très progressif dans la reprise des activités », a plaidé le DMassé. Dans le contexte actuel, il se dit « à l’aise » avec les protocoles soumis par les fédérations et les organisations responsables, même si les sports de combat « font croître les risques de transmission ».

Dans ce contexte, tous les pratiquants devront signer un formulaire de consentement dans lequel ils reconnaissent les effets potentiels de la COVID-19 sur leur santé à long terme, comme « des essoufflements qui persistent, la diminution permanente des capacités pulmonaires et la fatigue extrême ».

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Le DRichard Massé

« Les combattants doivent avoir pleine conscience des risques auxquels ils s’exposent », a prévenu la ministre Charest.

Pour Ariane Fortin-Brochu, ce formulaire n’a rien de nouveau. « C’est dans notre plan de relance depuis le premier jour », a dit la présidente de Boxe Québec, soulignant que tous ceux qui avaient poursuivi l’entraînement avaient déjà accordé ce consentement.

« Il y avait beaucoup de pression, nos membres ont été patients », a commenté Patrick Kearney, président de Judo Québec. À ses yeux, la réunion des six fédérations (boxe, judo, taekwondo, karaté, kick-boxing, lutte) a été un élément catalyseur dans l’ouverture du gouvernement.

Il s’attend maintenant à devoir redorer le blason des sports de combat, mis à mal par les injonctions sur la distanciation physique.

« C’est sûr aussi qu’il y aura une méfiance, a indiqué Patrick Kearney. On a demandé à la ministre de nous appuyer sur de la promotion. Clairement, il y aura aussi une confiance à retrouver. Ça fait six mois qu’on dit aux gens : restez à 2 mètres. Là, on dit : viens faire du judo, viens faire de la boxe, viens faire du karaté. Le message est un peu bizarre. »

Joie et circonspection

Du côté de l’élite, cette autorisation restreinte de reprise des combats est accueillie avec joie et circonspection.

« Tout le monde est content de pouvoir recommencer », a dit le judoka Antoine Valois-Fortier depuis Lethbridge, en Alberta, où il était arrivé la veille pour entreprendre un troisième stage d’entraînement avec sept coéquipiers de l’équipe canadienne.

Le dojo de l’INS, c’est comme notre deuxième maison. On est contents de voir que les choses vont dans la bonne direction.

Antoine Valois-Fortier

La suite n’est cependant pas claire. Nicolas Gill se demandait à quel moment il rapatrierait son groupe, qui devait passer les trois prochaines semaines en Alberta, où les combats ne sont pas restreints à quatre personnes.

« C’est une piastre pour trois trente sous », a illustré le directeur haute performance de Judo Canada, néanmoins très heureux de cette relance pour l’ensemble de son sport.

À terme, Valois-Fortier et ses coéquipiers devront quitter le pays pour bénéficier d’une plus grande variété d’adversaires en vue de la reprise des compétitions, programmée en octobre.

En ce qui concerne les galas professionnels, Isabelle Charest a expliqué que les promoteurs devront soumettre un plan à la Santé publique avant d’obtenir une accréditation de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ). « Ça va se faire sous peu, [on parle] de quelques jours », a affirmé la ministre.

Les tests nasaux ne seront pas nécessairement une exigence de la Santé publique, a précisé le DMassé, qui y voit une mesure « complémentaire », notamment pour des participants qui proviendraient de l’étranger. « On pense qu’il y a des limites à l’utilisation des tests PCR », a-t-il indiqué.

« Une réponse rapide »

Le promoteur Camille Estephan a déjà ciblé des dates et des boxeurs pour son premier gala post-déconfinement : les 26 septembre ou 3 octobre, avec David Lemieux comme tête d’affiche, accompagné des poids lourds Simon Kean et Arslanbek Makhmudov ainsi que du jeune Lexson Mathieu. « On va maintenant avoir la chance de s’asseoir avec la RACJ, arrimer notre plan avec eux et déposer le plan final à la Santé publique pour approbation d’un gala professionnel », a détaillé M. Estephan, soulignant que les autorités avaient sa proposition « depuis plusieurs mois ». « Ça devrait aller quand même assez vite. Il ne reste que de petites ficelles [à attacher]. Je m’attends à une réponse rapide, je pense qu’on a attendu assez longtemps. »