« Ça a l’air de Néron qui joue du violon pendant que tout brûle. »

Voilà l’image choisie par l’arbitre d’arts martiaux mixtes, Yves Lavigne, pour décrire l’entêtement de l’Ultimate Fighting Championship (UFC) au cours des dernières semaines.

Tandis que le monde du sport est à l’arrêt et que les États-Unis sont durement frappés par la COVID-19, l’UFC-et son président hautement médiatisé-Dana White ont tout tenté pour reprendre les activités de l’organisation au plus vite.

L’UFC 249, initialement prévu le 18 avril à Brooklyn, devait se dérouler au cœur d’une réserve amérindienne en Californie. Il était aussi dans les plans d’organiser des galas, avec des combattants internationaux, sur une île privée à l’emplacement secret.

Les comparaisons avec les films Mortal Kombat ou Enter The Dragon ont fusé ; le rapprochement avec le Fyre Festival, un énorme fiasco sur l’archipel des Bahamas, a aussi été fait. L’UFC a finalement fait marche arrière, la semaine dernière, à la demande d’ESPN et de Disney. Ses prochains galas n’auront également pas lieu.

« Je ne comprenais pas l’entêtement, lance Yves Lavigne avec un peu de recul. Même s’ils m’avaient invité, je n’y serais pas allé. Plus que ça, je m’étais promis de ne pas regarder les combats ce soir-là [le 18 avril] même si je suis un fan de ce sport. Délibérément, je n’aurais pas encouragé ce qui se faisait parce que ça ne faisait pas de sens dans ma tête. La moitié de la planète est en confinement et, toi, tu vas faire des combats. »

L’UFC et White se sont toujours vantés de faire les choses différemment. Alors que la prudence était déjà de mise au sein des autres organisations sportives, White a plusieurs fois semblé minimiser l’ampleur de la COVID-19 et critiquer la réaction du peuple américain.

Le Wall Street Journal a aussi livré une explication financière à cette obstination. La compagnie Endeavor, qui a acquis l’UFC en 2016 au coût de quatre milliards de dollars américains (5,5 milliards CAN), est fortement endettée. Or, l’UFC touche 750 millions de dollars (1 milliard CAN) en droits télévisés lors de la diffusion de 42 galas annuellement sur ESPN. Pour l’instant, seulement sept événements ont eu lieu.

« Il doit effectivement y avoir un volet purement mercantile là-dedans parce que ça ne fait pas de sens, croit Yves Lavigne. Quand c’est rendu que ce sont les sénateurs et les gouverneurs qui se mêlent de tes affaires… Quand c’est la politique qui se mêle des affaires privées, ça ne va pas bien. »

PHOTO BRAULT, BERNARD, LA PRESSE

« Ça a l’air de Néron qui joue du violon pendant que tout brûle. » Voilà l’image choisie par l’arbitre d’arts martiaux mixtes, Yves Lavigne, pour décrire l’entêtement de l’Ultimate Fighting Championship (UFC) au cours des dernières semaines.

La sénatrice et le gouverneur en question sont Dianne Feinstein et Gavin Newsom qui ont publiquement critiqué le choix d’organiser l’UFC 249 au Tachi Palace Casino à Lemoore, fermé depuis le 20 mars à cause de la pandémie. La Californie est l’un des états plus touchés par la COVID-19.

« Comment peut-on rassembler autant de gens dans un hôtel sans les mettre à risque, s’interroge Yves Lavigne. Tout pose problème. On ne peut pas garder la distanciation sociale ou être moins de 10 personnes dans la même salle. Juste en caméras, il y en a quatre par-dessus l’octogone et trois autres en plongée. Puis il y a les officiels, les docteurs, les gars de coin… »

Bellator dit stop

Il y a un mois, le comptable de profession a failli se retrouver dans une situation similaire au Connecticut. L’événement Bellator 241, prévu dans une salle vide, a été annulé quelques heures avant le début.

« On nous a dit de rentrer chez nous et que ce n’était pas le temps de faire un truc semblable. On a sauté dans l’auto, on est revenus au Québec et on fait notre confinement comme tout le monde, dit Yves Lavigne. Tout le monde a été payé, incluant les combattants. »

Au même moment, l’UFC organisait, à huis clos, son Fight Night 170 à Brasilia (Brésil). Son plan était ensuite de maintenir les deux prochains événements en les déplaçant dans sa propre salle à Las Vegas. La commission athlétique du Nevada a rapidement interdit tout gala sur son territoire, obligeant l’UFC à se creuser les méninges.

L’idée de l’île privée, qui a surgi en début de semaine dernière, a été accueillie avec un certain scepticisme.

« On est comme dans un film, souligne Yves Lavigne. On prend des combattants de partout sur la planète, on les amène sur une île privée, secrète, pour faire des combats. [L’UFC] n’aurait pas de problème à acheter une île, mettre des caméras, bâtir un studio, faire un gym. […] Mais si tu as besoin de transporter un combattant à l’hôpital, tu fais quoi ? Tu le mets dans l’avion ? »

« Une faculté qui oublie… »

À très court terme, l’UFC 249 était la priorité de l’organisation. La carte a pris du plomb dans l’aile lors du retrait de sa vedette Khabib Nurmagomedov qui ne pouvait plus quitter la Russie en raison des restrictions aériennes. Le combat entre Jéssica Andrade et Rose Namajunas a aussi été annulé puisque cette dernière a perdu deux membres de sa famille à cause… de la COVID-19.

Malgré les signaux, l’UFC avait déniché le Tachi Palace Casino dont l’emplacement lui permettait de contourner les règles de la commission athlétique de l’État de Californie. L’organisation a ensuite reçu l’assentiment de l’Association of Boxing Commission (ABC) lui permettant de s’autoréguler.

Il a fallu un appel du gouverneur californien, Gavin Newsom, aux hauts dirigeants de Disney, actionnaire majoritaire d’ESPN, pour mettre fin à ce mauvais feuilleton. Yves Lavigne ne croit pas que ce fiasco aura des répercussions à long terme sur la réputation de l’organisation.

« La mémoire est une faculté qui oublie. On risque d’avoir tout oublié ça quand le monde reviendra à la normale. »