Simon Kean a la parole facile. Il n'a pas de filtre, aime rire et dit ce qui lui passe par la tête. C'est le genre de gars avec qui aller à la pêche ne peut pas être ennuyant.

Déjà aux Jeux olympiques de Londres, quand il était amateur, le grand poids lourd de Trois-Rivières fascinait les médias. Après son premier combat - une victoire contre le Français Tony Yoka -, les journalistes du Canada anglais l'avaient mitraillé de questions.

Un poids lourd canadien aux Jeux, ça ne passe jamais inaperçu. Kean répondait comme il pouvait, avec un accent à couper à la hache. Après quelques questions, il s'est tourné vers les journalistes québécois et a lancé, sans ménagement aucun: «OK, on passe en français, l'anglais me fait mal à la tête, là.»

Les collègues anglophones ne comprenaient rien. Kean rigolait. Il était fier de son coup.

Cinq ans plus tard, le boxeur est passé chez les pros. Il livrera samedi son dixième combat, devant quelque 1000 spectateurs à L'Olympia, avec un titre mineur à l'enjeu. Ce sera la première ceinture qu'il aura la chance de gagner, s'il bat le Brésilien Marcelo Nascimento (23-14).

Kean a changé depuis Londres. Lui qui a connu quelques démêlés avec la justice dans son jeune temps, une histoire de bagarre, assure être plus sérieux. Il se consacre entièrement à la boxe. Mais il a gardé son franc-parler.

«J'ai commis des erreurs chez les amateurs qui m'auraient fait prendre des débarques chez les pros. C'était vraiment une période d'apprentissage, explique Kean. C'est un peu comme si j'avais pogné plein de virus, pis que là, j'étais immunisé. Je vois ça comme ça.»

«À mes débuts, je me suis fait critiquer sur mes adversaires. Les gens disaient qu'ils n'étaient pas assez forts, dit celui qui a neuf victoires en autant de combats. Là, samedi, j'affronte un gars solide qui est bâti pour 10 rounds. Bon, j'espère que ça durera pas 10 rounds, parce que c'est long, 10 rounds!»

Gros bûcheron

Kean est un gros atout dans la main d'Eye of the Tiger Management (EOTM). Les poids lourds sont des paris risqués, mais potentiellement payants. «Ça coûte cher, monter un lourd. Même les combats mineurs sont durs à organiser, explique le promoteur Camille Estephan. Les promoteurs qui ont des lourds agissent en requin. Ça joue dur.»

Dans ces circonstances, les lourds deviennent des gouffres financiers ou des machines à imprimer de l'argent. Le juste milieu est rare.

Au Québec, il y a eu quelques lourds dans les années 2000 - comme Jean-François Bergeron, Patrice L'Heureux et David Cadieux -, mais aucun n'est devenu champion du monde (Bermane Stiverne l'est devenu, mais il ne vit plus au Québec depuis longtemps). Deux de ces boxeurs, Cadieux et L'Heureux, sont originaires de la Mauricie.

«Ces deux gars-là ont attiré une foule de 5000 personnes à Shawinigan, c'est de quoi! Pis là, moi j'arrive, un autre poids lourd de la Mauricie, lance Simon Kean. On est comme une pépinière de poids lourds. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que c'est le hasard. Ou c'est qu'en Mauricie, on est tough, on est des gros bûcherons!»

Kean a pensé un moment vivre à Montréal, mais a décidé de rester au bercail. Il a ses bases à Trois-Rivières, comme Mikaël Zewski. Ça simplifie sa vie à bien des égards, et il aime beaucoup rester dans sa région, même s'il trouve que les gens, dans son coin, comprennent mal son métier.

«Quand je dis aux gens que je vais devenir champion du monde, on dirait qu'ils me croient pas, parce qu'on fait des galas à Trois-Rivières et pas des galas à Las Vegas. Mais j'aime mieux me battre en finale à Trois-Rivières qu'en après-midi en sous-carte à Vegas, dit-il. Y a des gens qui me demandent si je reçois des bourses quand je boxe. Ben non, tsé, je fais ça pour le fun!»

«Mais c'est ça, Trois-Rivières! À Montréal, c'est différent, le monde me croit quand je dis que je vais être champion du monde. Ils en voient des vedettes, des joueurs de hockey...»

Kean cherchera à signer une dixième victoire samedi, et peut-être un neuvième K.-O. Le «gros bûcheron» de la Mauricie continue sa route et espère devenir un jour ce champion du monde des poids lourds qui ferait tant de bien à la boxe québécoise.

En attendant, il reste une machine à citations difficile à battre.

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Les principaux combats

Samedi soir à L'Olympia, EOTM présente 10 combats. Voici les plus importants.

Simon Kean (9-0, 8 K.-O.) c. Marcelo Nascimento (23-14, 20 K.-O.)

Yves Ulysse fils  (13-0, 9 K.-O.) c. Ricky Sismundo (31-9-3, 13 K.-O.)

Steven Butler (18-1, 15 K.-O.) c. Damian Mielewczyk (10-3, 7 K.-O.)