Le gymnase qui se trouve au sous-sol du centre Claude-Robillard a longtemps été la seconde maison de Lucian Bute. Pendant des années, il a eu le même casier, avec son nom écrit sur du ruban adhésif.

C'était encore vrai il y a trois ans à peine. C'est entre ces murs qu'il a préparé son combat contre Jean Pascal. Cela semble pourtant faire une éternité.

Depuis, Bute a changé deux fois d'entraîneur et de gymnase. Son nom a été effacé. Son casier, lui, a été donné à un autre. Et Jean Pascal a maintenant le sien dans ce gymnase où il s'était entraîné il y a des années, quand il était encore chez les amateurs (il occupe l'ancien casier d'Adrian Diaconu).

« Regarde en haut, là-bas, sur le mur. Tu vois ? C'est moi, ça. J'avais 15 ans », lance Pascal en montrant une photo de lui, avec le visage d'un jeune premier, portant une camisole de boxeur olympique rouge comme le drapeau canadien.

C'était il y a 20 ans. Il n'aimerait pas lire ces mots, mais force est d'admettre que Jean Pascal vieillit. Il a 34 ans, a déjà livré plus de batailles dans sa carrière que bien des boxeurs retraités. Il se prépare à en livrer une autre le 3 juin prochain au Centre Bell contre le Montréalais Eleider Álvarez.

Passage du flambeau

Ce combat a des allures de passage du flambeau. Álvarez a quand même 33 ans, mais 15 combats de moins que Pascal à son actif. Il monte, alors que depuis quelques années, Pascal descend dans le pire des cas, stagne dans le meilleur.

C'est en quelque sorte une génération de la boxe québécoise qui s'en va. Álvarez a commencé à faire le ménage le 24 février en passant le K.-O. à Bute. Maintenant, il veut tasser Pascal.

Bien sûr, le vétéran n'entend pas se laisser faire. Il s'entraîne désormais avec Stéphan Larouche. Il a mis de côté son ancien préparateur physique, le controversé Ángel Heredia. Il a retenu les services d'André Kulesza, un préparateur physique qui travaille avec des boxeurs québécois depuis des décennies.

« Je suis retourné à la source, aux racines, au centre Claude-Robillard où je m'entraînais chez les amateurs. Je suis revenu avec André Kulesza à mon dernier combat et ç'a très bien été », explique Pascal, qui n'a pas voulu dire pourquoi il « avait envoyé Heredia dans les gradins », selon ses propres mots.

Contre Álvarez, il veut gagner, c'est certain. Mais jamais Pascal n'a été aussi modeste, aussi réservé, lui qui nous a habitués à des déclarations fracassantes quand il était dans la vingtaine. 

« Je vais faire de mon mieux, je vais essayer d'avoir de l'allure. »

Il y a deux semaines, il est resté calme quand Adonis Stevenson s'était moqué de lui en conférence de presse et l'avait même embrassé sur la joue. « Ça doit être l'âge. C'est la sagesse qui embarque, j'imagine », dit Pascal.

Hier, il a sorti la cassette, a offert des réponses courtes, sans saveur. Ce n'est pas son habitude. Les journalistes ont posé 22 questions. L'exercice était terminé en neuf minutes. Jean Pascal a-t-il du plaisir en ce moment ? Redeviendra-t-il le même homme qu'avant dans la semaine avant le combat ?

Ou a-t-il simplement mûri, vieilli, comme nous tous, pendant ces 12 années sur le circuit professionnel ?

« C'est drôle, mais avant, j'étais toujours le plus jeune, a remarqué, l'air de tout juste le constater, Stéphan Larouche. J'étais plus jeune que les journalistes, que les coachs. Maintenant je commence à tout le temps être le plus vieux. Ça passe vite ! »

Sur un casier, au sous-sol du centre Claude-Robillard, il y a un club de boxe. Dedans, il y a des casiers et sur l'un d'eux est inscrit le nom de Jean Pascal. Bien malin celui qui saura dire si ce nom sera là encore longtemps.

CHILEMBA S'EN PREND À STEVENSON

Adonis Stevenson n'est pas un champion du monde digne de ce nom, estime le boxeur sud-africain Isaac Chilemba. « Sa façon de faire les choses n'est pas la bonne. Les champions doivent affronter tous les aspirants qui veulent la ceinture. Stevenson est le genre de champion qui évite les défis et se défile », a dit hier Chilemba, un partenaire d'entraînement de Jean Pascal. Chilemba connaît bien la division des mi-lourds. Il a affronté Sergey Kovalev, Tony Bellew, Edison Miranda, Eleider Álvarez, Thomas Oosthuizen et bien d'autres. Il estime que Stevenson nuit à l'image de la boxe. « Je pense qu'il ne changera pas avant sa retraite. Il vieillit. Je pense que le seul grand boxeur qu'il ait affronté, c'est Chad Dawson, dit-il. À part ça, il ne fait qu'éviter les défis. Il est censé être le champion WBC... Ce n'est pas bon du tout pour la boxe. »

Photo Francis Vachon, archives La Presse canadienne

Isaac Chilemba