Georges St-Pierre a disputé 27 combats dans l'octogone. Plusieurs l'ont laissé blessé, meurtri et ensanglanté. Mais l'ancien champion de l'UFC s'apprête à livrer ce qui pourrait être le plus dur combat de sa carrière, un combat qui vise à redéfinir la jeune industrie des arts martiaux mixtes.

Aux côtés de quatre autres combattants, Georges St-Pierre a annoncé mercredi la création de l'Association des athlètes en arts martiaux mixtes (MMAAA), un groupe qui veut s'assurer de conditions de travail décentes pour tous les combattants.

«Il y a beaucoup de combattants qui ont peur en ce moment. Mais le moment est venu de se tenir debout. C'est comme avant de monter dans l'octogone. Mais cette fois, c'est un combat entre le bien et le mal», a dit St-Pierre dans une conférence téléphonique à laquelle assistaient une centaine de journalistes.

Au coeur du litige qui oppose cette nouvelle association à l'UFC se trouve le partage des revenus. St-Pierre estime que les combattants ne touchent actuellement que 8% des revenus de l'UFC.

«Je suis un des rares combattants qui soit riche et en santé. Je ne peux pas en dire autant de la plupart des autres gars. Dans la plupart des sports, les athlètes et les promoteurs se séparent les revenus moitié-moitié, fait valoir St-Pierre. Nous, on reçoit à peu près 8% des revenus. Ce n'est pas juste pour tous les combattants, même pour les meilleurs combattants comme Conor McGregor. Lui non plus ne reçoit pas sa juste part.»

Les appels à la création d'une association de combattants se font entendre depuis des années. Mais la vente en juillet dernier de l'UFC a amplifié la grogne. Les frères Lorenzo et Frank Fertitta ont vendu l'entreprise pour 4 milliards de dollars à l'agence WME-IMG.

«La vente de l'UFC nous rappelle qu'ils valent plus que Manchester United, plus que les Dodgers de Los Angeles, plus que les Yankees de New York, a noté Bjorn Rebney, consultant stratégique de la MMAAA. L'UFC a été vendu pour 4 milliards. La valeur de WME-IMG est de 6 milliards. C'est un énorme conglomérat.»

Or, selon la nouvelle association, cet énorme conglomérat ne paie pas sa juste part aux athlètes. Les combattants de l'UFC sont payés au combat. Ils ne reçoivent pas de compensation pour les longues semaines d'entraînement et ne disposent d'aucun fonds de pension ni d'assurance maladie.

«Il y a quelques années, j'aurais eu peur d'être assis ici et de faire partie de ce projet», a admis Donald Cerrone, l'un des membres fondateurs de l'association avec St-Pierre, Cain Velasquez, T.J. Dillashaw et Tim Kennedy.

«Mais j'ai confiance dans les gars qui sont assis avec moi. Je me demande si on peut avoir un fonds de pension, une assurance maladie, je me demande ce qui nous attend quand notre carrière finit», a demandé celui qui se battra dans 10 jours à Toronto dans le cadre de l'UFC 206.

«Depuis mon premier combat à l'UFC, en 2006, j'ai subi sept opérations, a dit Cain Velasquez, ancien champion des poids lourds de l'UFC. Pour nous, il n'y a pas de plan de retraite. On se regroupe aujourd'hui pour améliorer notre qualité de vie dès maintenant et pour l'avenir.»

Pas de syndicat

L'annonce de mercredi a eu beau durer près de deux heures, la stratégie qu'entend employer la MMAAA reste floue. Ce qui est évident, c'est que l'avenue syndicale est écartée.

«Un syndicat, c'est la pire option possible aujourd'hui pour les combattants parce que ça repousse de quatre à cinq ans, a expliqué Bjorn Rebney. Ensuite, l'UFC irait en cour pour prouver que les combattants de l'UFC sont des travailleurs autonomes. Ça prendrait des années et il y a 90% de chances que l'UFC l'emporte. On serait en 2022, et on serait de retour à la case départ.»

L'association entend regrouper les combattants pour obtenir des gains sans syndicat. Elle n'écarte pas la possibilité d'une grève si nécessaire. Elle affirme que son plan d'action sera connu dans les prochains mois.

Par contre, la MMAAA est claire dans ses revendications. Elle veut que la part de revenus des combattants soit doublée.

«On veut une entente significative qui va aussi dédommager les anciens combattants pour la façon hideuse dont ils ont été traités dans le passé, a lancé Bjorn Rebney. Ensuite, on veut passer de 8 à 15%. Troisièmement, on veut une entente collective avec des bénéfices comparables à ce qu'on voit au baseball majeur, au hockey, au basketball...»

La sortie des cinq combattants et leur appel à l'union ont résonné. Mercredi, plusieurs autres athlètes ont fait valoir leur intérêt à se joindre au mouvement sur les réseaux sociaux. Jamais des combattants aussi prestigieux ne s'étaient associés avant pour changer le sport.

Seule ombre au tableau, la présence du conseiller stratégique Bjorn Rebney. L'homme est un ancien promoteur, naguère associé à la promotion concurrente de l'UFC Bellator. Il était reconnu pour ses négociations difficiles avec les athlètes.

«Tout ce que je peux dire à mes détracteurs, c'est que lors de ma meilleure année à Bellator, on a remis 53% des revenus aux combattants. Si l'UFC nous proposait la même chose, ce serait réglé en quelques semaines», a-t-il dit.

L'aventure peut aussi ressembler à une bagarre d'agences. La plupart des combattants en faveur du projet sont des clients de l'agence CAA, concurrente de WME-IMG, nouveau propriétaire de l'UFC. Mais Rebney a insisté: ce n'est pas un projet de CAA.

«Mais c'est un projet que CAA soutient, comme tout bon agent d'athlète devrait le faire», a-t-il souligné.

Pour Georges St-Pierre, cette lutte «entre le bien et le mal» lui rappelle celle que les hockeyeurs ont dû mener pour obtenir de meilleures conditions.

«Maurice Richard se faisait exploiter à l'époque. Guy Lafleur aussi. Et on parle des meilleurs joueurs de leur temps. Aujourd'hui, les joueurs ne se font plus exploiter parce qu'ils ont une association.»

L'impact possible de cette annonce sur un éventuel retour de St-Pierre n'est pas clair pour le moment. Lui et l'UFC ne sont pas arrivés à s'entendre sur les conditions financières de ce retour.

Au moment de publier, mercredi, l'UFC n'avait pas encore réagi à la création de la MMAAA.