Soudée autour de la mémoire du boxeur mythique, la famille de Muhammad Ali se préparait dimanche à rapatrier sa dépouille à Louisville, sa ville natale, accompagnée par des hommages émus venus du monde entier, des Philippines à l'Iran.

Jeunes habitants et anciens voisins du boxeur attendaient à Louisville, dans le centre-est des États-Unis, l'arrivée de leur héros, décédé vendredi à l'âge de 74 ans après un long combat contre la maladie de Parkinson.

Alors que son état de santé se détériorait, la famille de Muhammad Ali, dont ses neuf enfants, s'était rassemblée à son chevet à Scottsdale, en Arizona, où il vivait depuis plusieurs années.

L'heure du départ d'Arizona restait inconnue en matinée.

Ses proches l'accompagneront jusqu'à Louisville, où les hommages improvisés se poursuivaient pour cette personnalité marquante du XXe siècle, sur et en dehors des rings.

Il y sera inhumé vendredi, après une procession funéraire ouverte à tous, qui traversera le quartier de sa jeunesse. Une cérémonie multiconfessionnelle présidée par un imam, comme l'avait demandé Ali lui-même, sera organisée, avec l'ancien président Bill Clinton pour prononcer l'éloge funèbre.

Fleurs et ballons décoraient dimanche l'entrée de sa modeste maison d'enfance. Un centre culturel qu'il avait fondé avec sa quatrième épouse accueillait les visiteurs dimanche. «Sa femme, Lonnie, avait dit un jour que Muhammad appartenait au monde. C'était le champion du peuple», a écrit le président du Muhamad Ali Center, Donald Lassere.

L'une de ses filles, Hana, a raconté samedi les derniers instants de son père.

«Tous ses organes, les uns après les autres, ont arrêté de fonctionner, mais son coeur, lui, n'arrêtait pas de battre. Pendant trente minutes encore, son coeur a battu».

Le boxeur avait consulté ses médecins en début de semaine pour «un petit rhume». Son état s'est dégradé en vingt-quatre heures, a expliqué le porte-parole de la famille, au point d'être placé sous respiration artificielle vendredi. Face à son évolution, ses enfants ont décidé de débrancher le respirateur artificiel.

«Sportif du siècle»

Ses anciens rivaux George Foreman, Larry Holmes, son compatriote Mike Tyson, le Philippin Manny Pacquiao, des athlètes du monde entier... tous ont dit leur émotion après son décès.

Le magazine américain Sports Illustrated, qui l'avait nommé «Sportif du siècle» en 1999, lui consacrera sa prochaine couverture avec un simple titre: «The Greatest».

Des dirigeants politiques du monde entier ont aussi nourri l'avalanche d'hommages, le président américain en tête avec un mot particulièrement personnel.

Barack Obama a notamment salué son rôle dans la lutte pour les droits civiques, le plaçant aux côtés de Martin Luther King et de Nelson Mandela: «Il a parlé quand d'autres ne le faisaient pas».

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, a lui aussi salué celui qui était le «plus grand sur le ring et dans son combat pour la justice, la dignité et la paix».

«Le nom de Muhammad Ali devra toujours rappeler le rejet de l'impérialisme, l'hégémonie et du bellicisme», a ajouté son porte-parole Hossein Jaber Ansari.

L'histoire veut que Cassius Clay, petit-fils d'esclave, se soit mis à la boxe, enfant, pour se venger d'un gamin qui lui avait volé son vélo.

Très vite, à la force impressionnante de ses poings, il collectionne les victoires et les titres, celui de champion olympique à Rome en 1960, puis de champion du monde WBA en 1964.

Le lendemain, il décide de changer de nom et se fait appeler Cassius X en l'honneur du leader des «Black Muslims», Malcolm X. Un mois plus tard, il se convertit à l'islam et prend le nom de Muhammad Ali.

Grâce à son style unique, les bras souvent ballants le long du corps, il conservera son titre mondial jusqu'en 1967, date à laquelle il refuse d'aller faire la guerre au Vietnam.

Il échappe à la prison, mais est interdit de ring, vilipendé par une majorité de l'opinion publique américaine, mais tenu par d'autres comme un champion de la cause des noirs qui se battent alors pour l'égalité des droits.

«Juste un homme»

Déchu de ses titres, interdit de boxer pendant trois ans et demi, il redevient champion du monde en 1974, réunifiant les titres WBA et WBC lors de sa victoire par KO sur George Foreman lors du mythique «Rumble in the jungle» à Kinshasa, au Zaïre (aujourd'hui République démocratique du Congo).

Retraité en 1979, le besoin d'argent le contraint de remettre les gants deux ans plus tard.

C'est le combat de trop. En octobre 1981, il est tristement humilié par son compatriote Larry Holmes. En décembre de la même année, une défaite face à Trevor Berbick sera son dernier combat.

Après 56 victoires en 61 combats, dont 22 en championnats du monde et 37 avant la limite, Ali raccroche définitivement les gants.

En 1996, il apparaît affaibli par la maladie de Parkinson, lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'Atlanta où, tremblant, il avait difficilement embrasé la vasque olympique.

Connu pour son bagout, Muhammad Ali avait évolué avec l'âge, la maladie et sa foi vers un ton plus sage. En 1987, dans une interview, il disait ainsi: «Il (Dieu) m'a donné la maladie de Parkinson pour me montrer que je n'étais qu'un homme comme les autres, que j'avais des faiblesses, comme tout le monde. C'est tout ce que je suis: un homme.»

Obama «envisage» d'aller aux obsèques

Le président américain Barack Obama «envisage» de se rendre aux obsèques de Muhammad Ali, a annoncé dimanche à l'AFP le maire de la ville.

La principale ville de l'État du Kentucky accueillera pour l'occasion une immense foule et une grande procession sera organisée vendredi, a précisé Greg Fischer.

«On redoutait ce décès depuis longtemps, mais le Champion ayant été malade également depuis longtemps, nous avons eu le temps de nous organiser», a déclaré l'élu démocrate.

À la question de savoir si M. Obama serait présent, M. Fischer a répondu: «Je sais qu'il l'envisage».

La Maison-Blanche n'a pour l'heure donné aucune indication sur un éventuel déplacement présidentiel dans le Kentucky.

«Tout cela va se finaliser au cours de la semaine, mais, clairement, l'intérêt (pour cet événement), notamment grâce aux médias internationaux, est quelque chose de probablement inédit pour nous. Des gens vont venir de partout», a poursuivi le maire.

L'ancien président démocrate Bill Clinton sera lui présent et prononcera une oraison funèbre devant la dépouille du boxeur de légende.

«Nous espérons que de nombreuses personnes viendront de l'étranger», a de son côté confié Donald Lassere, le président du Muhammad Ali Center, grand édifice culturel consacré à la vie du boxeur.

«Nous serions très heureux si le président pouvait venir, j'ignore s'il en aura la possibilité», a-t-il ajouté.