Pour un athlète, rien n'est plus difficile à vivre qu'une longue convalescence. L'attente peut être encore plus pénible quand la blessure vient couper un élan et des années d'efforts.

Après son entrée en matière réussie dans l'UFC, en juin, Valérie «Trouble» Létourneau a ainsi été contrainte de prendre une pause de plusieurs mois en raison d'une déchirure à un ligament du genou. La seule Québécoise dans l'UFC, qui a décidé de ne pas subir d'intervention chirurgicale, voit maintenant la lumière au bout du tunnel.

«Je pense que c'est pas mal guéri, mais il faut que je reprenne beaucoup de force dans les jambes, raconte-t-elle en entrevue avec La Presse. Je suis sur le point de repartir en Floride pour tester mon genou et voir si je suis prête à reprendre le combat. Je me donne deux autres semaines pour annoncer ma décision à l'UFC.»

À Coconut Creek, son univers tourne autour du célèbre gymnase American Top Team, où s'entraînent quelques-uns des plus grands acteurs des arts martiaux mixtes tels Robbie Lawler, Hector Lombard ou Tyron Woodley. Pour celle qui habite à trois minutes de l'édifice depuis son arrivée en Floride, en 2013, la routine comporte deux ou trois entraînements quotidiens.

«J'avais besoin de beaucoup de coaching par rapport à ma lutte, précise-t-elle. C'était un gros manque par rapport à mon jeu debout et mon jiu-jitsu. Même s'il cela n'a pas bien paru dans The Ultimate Fighter, j'ai un bon jiu-jitsu. Je suis ceinture mauve, je suis allée deux fois au Brésil et je faisais des compétitions avant.»

Occasions ratées

Sa blessure l'a également obligée à rater un duel contre Jessica Andrade à Brasilia, au mois de septembre. Elle ne cache pas qu'elle aimerait avoir la chance d'affronter une adversaire du même genre, en 2015.

«Pour la grandeur, la grosseur et son style agressif, c'était une combattante idéale pour moi. Techniquement, je savais que c'était quelqu'un que je pouvais battre et, en plus, elle était classée numéro 6. C'était une belle opportunité, et je n'avais absolument rien à perdre en allant à la guerre avec elle. Mais je suis certaine que l'UFC me donnera une autre belle opportunité pour le prochain combat.»

En attendant de voir ce que la prochaine année réservera à la combattante de 31 ans, le chemin parcouru au cours des 18 derniers mois est de nature à la satisfaire. Elle se souvient de combats annulés à la dernière minute et, par conséquent, de camps d'entraînement effectués pour rien.

En 2013, elle avait aussi raté une chance en or en perdant dès le premier épisode de la populaire émission The Ultimate Fighter. «Pas confortable» avec ce concept et avec les apparitions publiques, elle estime qu'elle n'était pas mentalement prête pour faire face à l'adversité pendant de longues semaines.

Par contre, la situation a été bien différente quand elle a affronté Elizabeth Phillips lors de l'UFC 174, à Vancouver. Malgré un oeil gauche rapidement enflé, elle a remporté sa première victoire par décision partagée.

«Je voulais vraiment me battre dans l'UFC avant la fin de ma carrière. C'était déjà une première victoire d'y arriver, mais je voulais aussi gagner mon combat. J'aurais aimé avoir une victoire plus convaincante, peut-être avec un K.-O, mais j'avais pris le combat à deux semaines d'avis. On a fait un bon show et les gens ont aimé le combat. Ça aussi, c'était super important pour moi.»

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Une planche de salut pour une jeune rebelle

Si Valérie Létourneau a disputé son premier combat dans l'UFC au mois de juin, à l'âge de 31 ans, cela fait tout de même plus d'une quinzaine d'années qu'elle s'est lancée corps et âme dans les arts martiaux.

Dès ses premiers cours de kickboxing, elle a découvert autant une véritable passion qu'une planche de salut lui permettant de remettre de l'ordre dans sa jeune existence.

«J'étais très rebelle, plus jeune. Ma mère n'avait pas trop de contrôle sur moi et je suis entrée en centre d'accueil fermé de 13 à 15 ans. Pour sortir, une des choses que je devais faire était de choisir un sport et de le pratiquer deux fois par semaine. J'ai choisi le kickboxing et, un an plus tard, je disputais mes premiers combats amateurs», explique-t-elle.

Comme le hasard fait parfois bien les choses, son école de kickboxing a commencé à enseigner le jiu-jitsu brésilien. Le nom du professeur? Un certain Georges St-Pierre qui, au fil de sa propre ascension, est devenu une inspiration pour Létourneau. Car parallèlement, l'appel des arts martiaux est devenu trop fort pour la jeune femme originaire de La Prairie, sur la Rive-Sud de Montréal.

«Quand je faisais des combats de kickboxing, je ne pouvais pas emmener mon adversaire au sol et quand je faisais du jiu-jitsu, je ne pouvais pas frapper. Je voulais faire le mélange des deux et, avec les arts martiaux mixtes, je pouvais faire tout ça en un sport.»

Franchir les obstacles

Il reste que les barrières étaient nombreuses pour une combattante qui osait s'aventurer dans l'octogone, il y a quelques années. Outre les résistances sportives - le premier combat féminin dans l'UFC n'est ainsi survenu qu'en février 2013 -, la question de l'acceptation est aussi incontournable. Comment expliquer à sa famille, à ses amis ou à ses collègues d'entraînement que l'on souhaite vivre des arts martiaux?

Si ses partenaires, au gymnase, lui ont initialement réservé quelques sourires en coin, elle a reçu un appui total de ses proches. «Ma mère n'était pas surprise puisqu'elle savait que j'avais un caractère assez explosif. Mes amis n'étaient pas si surpris et tout le monde m'encourageait, car je n'étais pas dirigée vers les sports avant. J'étais plus vers les drogues et l'alcool vraiment jeune. Même si c'est un sport violent, ils trouvaient ça cool que je choisisse ça plutôt que ma vie d'avant.»

Létourneau est devenue professionnelle en 2007. En plus des entraînements quotidiens, elle a senti le besoin d'effectuer quelques voyages au Brésil et en Thaïlande afin de se perfectionner. Elle avoue que, malgré le manque de ressources, elle n'a jamais songé à faire autre chose de sa vie.

«J'ai tout mis là-dessus parce que j'aimais ça. C'est une passion, cela ne m'aurait même pas dérangée de rester dans la rue pour continuer à faire mon sport. Mais maintenant, je peux en vivre, c'est vraiment le fun.»

Photo Martin Chamberland, archives La Presse

Valérie Létourneau