Le lobby du MGM Grand est couvert du plancher au plafond de marbre blanc. L'architecte qui a commis ce lieu a cru bon d'ajouter des dorures aux murs et des bustes de lion. L'ensemble est rugissant, c'est le cas de le dire, et cadre parfaitement avec le style «baroque tendance LSD» si cher à Las Vegas.

C'est au pied des 6852 chambres de cet hôtel, le troisième plus grand de la planète, qu'on a choisi d'organiser hier un bain de foule en l'honneur de Floyd Mayweather. Après un an d'absence émaillé de deux mois de prison, Las Vegas retrouvait son fils prodigue.

La foule était dense dans le lobby de l'hôtel. Quatre ou cinq cents personnes ont fait le pied de grue pendant deux heures. On chuchotait que l'homme avait la réputation d'être toujours en retard. «Notre 14 h est son 16h», a noté avec esprit un jeune homme, Marco, qui s'était déplacé pour l'occasion de Los Angeles dans l'espoir de faire autographier une paire de gants de boxe.

Des touristes énervés par la cohue tiraient leurs valises et roulaient les yeux. Ils tentaient d'avancer dans la foule excitée des amateurs de boxe. «Floyd qui?» a demandé une dame qui s'est presque enfargée dans le tapis rouge. Mais elle n'a pu attendre la réponse; des gardes du corps l'enjoignaient de circuler.

«J'ai une collection de souvenirs de basketball et de boxe», a continué Marco, qui portait une casquette à l'envers. Que pensait-il du passage de Floyd Mayweather en prison pour une histoire de violence conjugale? Marco a hoché la tête. «Il a beaucoup de détracteurs parce qu'il est flamboyant», a-t-il répondu, passablement hors sujet.

La foule venue hier n'était pas là pour l'ancien détenu, mais plutôt pour le meilleur boxeur livre pour livre de la planète, qui va remonter dans le ring samedi soir contre Robert Guerrero (31-1-1, 18 K.-O.).

On voulait le voir de près, lui quémander un autographe, le toucher même. En attendant, on discutait ferme. Une question revenait sans cesse. À 36 ans, après avoir livré 43 combats professionnels qui se sont soldés par autant de victoires, Floyd Mayweather est-il sur son déclin? Va-t-il perdre samedi?

Les preneurs de paris ont décidé que non et donnent Mayweather (43-0, 26 K.-O.) gagnant par cinq contre un. Guerrero, de six ans son cadet, croit que l'âge va rattraper le maître. «Il est chaque jour un peu moins rapide, un peu moins puissant, un peu moins décisif, et je pense que Floyd le sait très bien», a fait valoir le négligé la semaine dernière.

La discussion en était là lorsqu'un VUS s'est arrêté pile poil devant le tapis rouge; la marque du bolide importe peu, sachez seulement qu'il était noir, énorme et chromé. Les lettres TMT ornaient une vitre. «The Money Team» est le nom de l'équipe promotionnelle de Floyd «Money» Mayweather.

Le champion WBC des mi-moyens (147 livres) est sorti sous le crépitement des flashs et s'est dirigé vers la foule. Il a pris une première paire de gants que lui tendait un trentenaire accompagné de ses deux parents handicapés. Des fans de boxe. Mayweather a signé.

Il a pris la deuxième paire de gants des mains de Marco, qui contenait mal sa joie. Floyd Mayweather a dû en signer une vingtaine ainsi. Les gens criaient «Money» pour attirer son attention. Des dizaines de bras étaient tendus en l'air dans l'espoir de prendre une photo simili-décente de la célébrité, histoire de montrer qu'on était là.

Le tout a duré 10 minutes, puis Mayweather a disparu dans un amoncellement de gardes du corps. Il avait fait son devoir envers ses fans mais aussi envers Vegas, le lieu de son premier combat professionnel, le 11 octobre 1996. La ville qu'il habite depuis des années.

Les gens se sont aussitôt dispersés. Il est écrit plus haut que la foule ne se souciait guère de la qualité d'ancien détenu de Mayweather, qu'elle n'était pas là pour juger celui qui, par le passé, a était mêlé trois fois à des histoires de violence conjugale. Il est écrit plus haut que la foule était là pour accueillir le meilleur boxeur de la planète.

Mais elle était aussi là pour admirer celui qui en est venu à représenter une certaine idée de l'Amérique. Celle de l'argent ostentatoire, celle où un surnom tel que «Money» est estimé convenable.

Pour rejoindre la «Strip» à partir de l'accueil de l'hôtel, il fallait passer par son casino. Des dizaines de joueurs avaient les yeux rivés sur des machines à sous. Il était 16h. L'argent tournait à Las Vegas. Floyd «Money» Mayweather, l'athlète le mieux payé du monde, était enfin de retour en ville.