Ne cherchez pas Régis Lévesque aujourd'hui au Centre Bell. Le légendaire promoteur n'assistera pas à la première conférence de presse en vue du combat du 25 mai entre Lucian Bute et Jean Pascal. L'homme de 77 ans ne s'en cache pas: personne ne l'a invité et il s'en désole.

«C'est rare que les deux organisations, GYM et InterBox, ne m'approchent pas pour les aider. Ça fait six ans que je n'ai plus rien, déplore Régis Lévesque. Je leur aurais rapporté 100 fois ce que je leur aurais coûté.»

Régis Lévesque, que nous avons rencontré hier dans ses «bureaux» du Deli Beaubien, un restaurant de l'Est de Montréal, n'est pourtant pas étranger au choc Pascal-Bute. Il est en quelque sorte le père spirituel du «combat local», cette recette toute simple qui consiste à faire se mesurer deux pugilistes issus du même coin de pays.

«Ça fait deux ans qu'ils auraient dû faire ce combat-là au lieu de petits combats de championnat du monde dont tout le monde se fout, lance Lévesque entre deux gorgées de café. Ce combat-là est un naturel: tu mettrais une petite fille de 7 ans pour faire la promotion et t'aurais la même assistance.»

Lévesque a fait les beaux jours de la boxe au Québec, des années 60 à la fin des années 90. Il a «promoté» des dizaines de duels, a réservé le Forum une centaine de fois et a caressé un instant le projet d'organiser un affrontement dans un avion pour contourner un interdit de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Il a travaillé aux côtés de boxeurs comme Fernand Marcotte, Donato Paduano et Eddie Melo, un Portugais que Lévesque présentait comme un Italien «parce que c'est plus vendeur».

Lors de l'annonce du choc Pascal-Bute, certains amateurs de boxe ont déploré que Jean Pascal sacrifie un combat de championnat du monde contre Chad Dawson au profit d'un duel local sans véritable enjeu. «Ces gens-là sont des imbéciles, coupe Régis Lévesque. Ils ne comprennent rien!»

Le promoteur ressort un exemple des années 70. «Donato Paduano a attiré 12 400 spectateurs contre Fernand Marcotte. Contre Jean-Claude LeClair, c'étaient 13 000 spectateurs. Contre Joey Durelle, c'étaient 12 000. Mais là, on a fait venir Emile Griffith, un grand boxeur américain, un ancien champion du monde. Il y a eu 5000 spectateurs au Forum. Un désastre. Pourquoi? Parce que c'est pas un local.»

Pascal est plus fort

Lévesque admet que Pascal-Bute pourrait être le plus grand combat de la boxe québécoise. «Ça se pourrait. Ça va être un grand combat, croit-il. Et ça pourrait durer trois ans leur affaire avec les revanches.»

Entre les deux boxeurs, son choix est simple. «Ma prédiction, c'est Pascal par décision ou par K.-O. Parce que Pascal a plus souvent fait 12 rounds difficiles. Bute, lui, a déjà été dans les vapes deux fois», rappelle le vieux routier, en référence à ses duels contre Librado Andrade et Carl Froch.

«L'entraîneur de Pascal doit lui apprendre à garder Bute dans les câbles. Parce que Bute aime boxer au centre du ring. Alors, il ne faut pas le laisser faire ça», juge Lévesque, qui compare Pascal à Eddie Melo, un boxeur «qui avançait en simonac». «Si j'étais l'entraîneur de Pascal, je n'hésiterais pas à parier 20 000 $ sur lui!»

L'homme, qui a dédié 52 ans de sa vie à la boxe, refuse de faire une croix sur sa carrière. Le dernier combat qu'il a organisé remonte à 2007 et opposait Dave Hilton à Adam Green. Se considère-t-il comme retraité?

«Pour le moment, je suis retraité, mais si je trouvais un beau prospect, je sortirais de la retraite», admet Régis Lévesque, qui rêve encore de faire boxer Dave Hilton. Son plan? Hilton contre Joachim Alcine ou David Lemieux. Parce qu'enfin, les championnats du monde, c'est bien beau. Mais il n'y a rien de mieux qu'un combat local. Parole de Régis Lévesque.

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LES TROIS GRANDS COMBATS DE RÉGIS

Eddie Melo contre Fernand Marcotte, le 31 octobre 1978

«Eddie n'avait pas 17 ans lors de leur premier combat. Comme il n'était pas majeur (Melo avait 18 ans selon sa fiche, NDLR), c'était pas légal de le faire boxer à Montréal. Alors, on a fait ça à Verdun. Marcotte, lui, était au pic de sa carrière. Melo criait à Marcotte: "Mon sale, même si j'ai 17 ans, je vais te battre." C'était un vrai dur, un vrai bagarreur. Il n'y en aura jamais un autre comme Melo.» Eddie Melo l'a finalement emporté par décision partagée.

Photo archives La Presse

Eddie Melo et Fernand Marcotte

Mario Cusson contre Dave Hilton, le 4 décembre 1983

«Dans ce temps-là, la carrière de Cusson montait, celle de Hilton montait et on a mis les deux ensemble au Forum. Tout était vendu. Il y avait 18 400 spectateurs là-dedans. Ça braillait pour avoir des billets.»

Eddie Melo contre Gary Summerhays, le 11 mars 1980

«Le Centre Paul-Sauvé pouvait contenir 5800 spectateurs. Il y en avait 8000 ce soir-là. Ils étaient deux par marche. On ne pouvait marcher nulle part et on ne voyait rien à cause de la fumée de cigarettes. Les gens me demandaient des billets parce qu'il n'y en avait plus. Ils me criaient: "Lévesque, je suis venu de Verdun en autobus, t'as pas rien qu'un billet?" À la fin, j'ai dit d'ouvrir les tourniquets. On a laissé le monde entrer gratuit. Encore à ce jour, c'est le record au Centre Paul-Sauvé. Mais j'avais pas le droit de laisser entrer plein de monde de même!»

Photo Denis Courville, archives La Presse

Dave Hilton et Mario Cusson