Combien d'athlètes jouent leur carrière sur un match, un tir au but, en l'espace de quelques minutes? C'est sous le coup de cette immense pression que Lucian Bute a marché vers le ring samedi soir au Centre Bell.

Le champion déchu faisait son retour à la compétition plus de cinq mois après sa première défaite en carrière. Quelque 10 000 spectateurs se posaient la même question: Bute peut-il revenir au sommet, peut-il battre le Russe Denis Grachev (12-1-1, 8 K.-O.)?

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Lucian Bute (31-1-0, 24 K.-O.) l'a finalement emporté par décision unanime à l'issue des 12 rounds réglementaires (115-113, 118-110, 116-112). Mais ce combat retour, beaucoup plus serré que ne le suggèrent les cartes des juges, n'a pas convaincu tout le monde.

Contre Carl Froch, «Bute devra être meilleur que samedi soir», a ainsi lancé sur Twitter l'analyste américain Dan Rafael, reflétant l'opinion de plusieurs.

Le Montréalais d'origine roumaine a remporté une courte majorité des rounds. Mais Lucian Bute a souvent semblé retomber dans ses mauvaises habitudes, celles qui avaient mené à sa défaite contre Carl Froch en mai dernier. Trop souvent dos aux cordes, lançant trop peu de coups et tenant mal sa distance, il a échappé plusieurs rounds contre Grachev.

Le Russe a encaissé les meilleures attaques de Bute sans broncher et l'a aussi pincé à quelques reprises, dominant le milieu du combat. Le Montréalais a finalement fini en lion en dominant le 12e round.

Bute se dit «content»

En conférence de presse, Lucian Bute avait sous l'oeil gauche une vilaine coupure, résultat d'un coup de tête. «C'était tout un combat. Ce n'était pas facile après ma défaite de mai dernier, a concédé le boxeur. C'était un bon adversaire, difficile, dur et très agressif. Mais je suis content de ma performance.»

«Il vivait quelque chose de difficile ce soir. Avec la sorte de résultat qu'on a connu en mai dernier, Lucian partait vraiment de loin», a reconnu l'entraîneur Stéphan Larouche après le combat.

Se disant globalement satisfait, Larouche a admis que «ce n'était pas le meilleur combat de Lucian ce soir». Sur une note de 10, il accorde «un 6 ou 7» pour la performance de son boxeur. «Ses coups de poing ne sont pas sortis comme on l'aurait souhaité», dit-il.

De son côté, le clan Grachev a crié au vol. «J'ai gagné ce combat», s'est insurgé le Russe. Son entraîneur, Baruch Ferreira, en a rajouté: «Si ce combat avait eu lieu aux États-Unis, on aurait gagné, il n'y aurait jamais eu cette décision. Il y a beaucoup d'argent en jeu dans une revanche entre Bute et Froch. On savait qu'on ne gagnerait pas une décision ici.»

Ferreira a jeté tout son fiel sur Bute -«Lucian Bute est devenu ce boxeur qui peut juste se battre à Montréal sinon il va pleurer»- avant d'exiger un combat revanche en Californie, où est basé Grachev.

Direction Froch

L'invitation n'a pas paru intéresser InterBox, qui se consacre à un combat revanche contre Carl Froch en mars prochain à Montréal. L'Anglais doit d'abord se battre le 17 novembre à Nottingham contre Yusaf Mack. Ce n'est qu'une fois ce combat remporté par Froch que les préparatifs pourront commencer.

«Depuis le mois de mai, pour moi, c'est clair que je veux un combat revanche contre Carl Froch, a lancé Bute. S'il peut avoir lieu au mois de mars prochain, je serai content. J'ai hâte de remonter sur le ring.»

La question est maintenant de savoir si Bute a démontré samedi soir qu'il était prêt pour Froch. Chose certaine, il a bien réagi aux droites de Denis Grachev. Mais Froch n'est pas Grachev et même Larouche semblait avoir des réserves dans les minutes qui ont suivi la victoire de son poulain.

L'entraîneur disait avoir depuis la déconfiture anglaise des questions qui devaient trouver samedi soir leurs réponses. Les a-t-il trouvées? «Si j'avais obtenu toutes mes réponses, je nous donnerais 10 sur 10», a répondu l'entraîneur.

La défaite aurait pu signifier la fin de la carrière de Lucian Bute. La victoire contre Denis Grachev lui donne un second souffle. Grâce auquel Bute s'efforcera de répondre aux questions que se pose son entraîneur, mais aussi des milliers d'amateurs de boxe au Québec.

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La sous-carte

Mikaël Zewski (17-0-0 13 K.-O.) a pour sa part été expéditif. Contre Cesar Chavez (20-3-0 9 K.-O.), un adversaire à la fiche mystérieuse, il a mis moins d'un round pour en finir, l'envoyant au tapis d'une belle combinaison gauche-droite. On espère maintenant revoir Zewski, qui se bat surtout à Las Vegas, bientôt au Québec. Pour plus qu'un round, si possible.

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Cesar Chavez au tapis

Sébastien Gauthier (22-3-0, 14 K.-O.) déclarait cette semaine que, gagne ou perd samedi, il voulait livrer une guerre. Il avait le client idéal en Rodrigo Guerrero (18-4-1 12 K.-O.), un ancien champion du monde IBF à 115 livres. Les deux se sont livré un premier round d'anthologie, s'échangeant crochets et uppercuts à un rythme inhumain. Le Mexicain a dominé les premiers rounds, puis Gauthier s'est ressaisi. Le combat était chaudement disputé lorsque Guerrero a atteint le Québécois d'un crochet au corps au 8e round, l'envoyant au plancher. L'ancien champion a senti le sang et roué Gauthier de coups; l'arbitre n'a pas eu le choix d'arrêter le combat.

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Sébastien Gauthier (à droite).

On savait depuis la pesée qu'il n'y avait pas d'amour entre Schiller Hyppolite (5-1-0 2 K.-O.) et Francy N'Tetu (8-0-0 2 K.-O.). Les deux boxeurs l'ont prouvé encore une fois sur le ring. Hyppolite, de Montréal, plus rapide et habile, s'est fait un devoir de moquer son adversaire à coups de grimaces. Le boxeur de Chicoutimi le lui a bien rendu: N'Tetu s'est servi de sa puissance pour envoyer Hyppolite au tapis au 2e round. Les juges ont octroyé une victoire par décision partagée à N'Tetu, qui a réagi comme s'il venait d'unifier tous les titres de l'univers. Les deux boxeurs ne se sont pas salués.

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Schiller Hyppolite (à gauche)

Un peu plus tôt, le Roumain Bogdan Dinu (8-0-0 5 K.-O.) a pour sa part arrêté le lourd de Québec Éric Martel-Bahoéli (7-3-0 4 K.-O.).

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Éric Martel (à gauche)