Une question taraude les amateurs de boxe depuis la cuisante défaite subie par Lucian Bute en mai dernier: l'ancien champion du monde pourra-t-il rebondir? Dans un jargon propre aux amateurs de sport, plusieurs se demandent «s'il a le mental» pour le faire.

À moins de deux mois de son retour dans le ring, prévu pour le 3 novembre contre le Russe Dennis Grachev (12-0-1, 8 K.-O.), le clan Bute ne laisse rien au hasard. À commencer par «le mental» du gaucher. Après avoir utilisé les services d'un psychologue sportif pendant un an en 2007, Bute a décidé de renouer avec l'expérience.

«On avait déjà eu recours à un psychologue sportif dans le passé, mais on avait mis ça de côté. Après une défaite de même, des doutes s'installent et des psychologues sont formés pour ce genre de situation, explique l'entraîneur Stéphan Larouche. Qu'on pense à Tiger Woods, qui tout d'un coup arrête de gagner, à des joueurs de tennis qui ne gagnent plus, à de grands athlètes qui s'enfargent.»

La différence entre les cas que cite Larouche et celui, précis, de son champion, réside dans le caractère souvent cruel des défaites à la boxe. Tiger Woods et Rafael Nadal finissent rarement leur journée avec des points de suture aux sourcils et une ecchymose de la grosseur d'un abricot sous un oeil.

«La façon dont ça a eu lieu, c'est sans équivoque avec humiliation. Lucian a perdu de la pire façon qu'il pouvait perdre, admet Larouche. C'est pire qu'un K.-O. d'un coup de poing. Il a été puni round après round.

«Donc, c'est clair que Lucian a été atteint psychologiquement, poursuit l'entraîneur. Certains boxeurs ne se remettent jamais d'une défaite comme ça. Lucian sait qu'il ne s'est pas vraiment présenté dans le combat. C'est une des bonnes raisons qui expliquent sa défaite.»

Les athlètes lucides s'en tirent mieux

L'histoire de la boxe est jonchée de noms de boxeurs qui ne sont jamais revenus d'une dure défaite. Roy Jones n'a plus été le même après s'être fait passer le K.-O. par Antonio Tarver. Mike Tyson a envoyé Michael Spinks à la retraite. Manny Pacquiao a fait la même chose à Ricky Hatton en 2009 (ce dernier devrait annoncer son retour à la boxe lors d'une conférence de presse demain).

Mais d'autres s'en sont mieux tirés. «Vladimir Klitschko est un bon exemple. Il a été arrêté par Lamon Brewster en 2004 et est parvenu à revenir et à devenir le champion iconique que l'on sait, rappelle le psychologue sportif Robert Schinke. Donc, ça peut se faire.»

Schinke, professeur à l'Université Laurentienne de Sudbury, connaît bien les boxeurs. C'est lui qu'a consulté Bute pendant un an dès 2007. Il s'occupe aussi de Jean Pascal et a travaillé avec Éric Lucas. Même s'il ne connaît pas le nom du spécialiste qui travaille aujourd'hui avec Bute - Larouche préfère ne pas le nommer -, il s'imagine très bien le genre de travail entrepris.

«Le premier pas pour permettre à un athlète de rebondir consiste pour lui et pour son entourage à comprendre ce qui a déraillé. Ils doivent être hautement analytiques pour réussir. Il ne faut pas juste se dire que ç'a été un mauvais jour, fait valoir le psychologue. Non, il faut admettre sa responsabilité et identifier comment réparer les choses. Il faut aussi croire dans la possibilité de réparer les choses. Quand ces éléments sont réunis, les chances de rebondir sont plus élevées.»

Pour Stéphan Larouche, le coupable est en grande partie l'excès de confiance. Bute et son équipe étaient à Nottingham «dans une bulle» qu'ils croyaient inaccessible. «C'est surtout sur ça qu'on doit travailler», dit-il.

Robert Schinke pense qu'on saura très tôt si Bute s'est remis de sa défaite. «Le test sera lorsqu'il reviendra dans son coin après un round difficile» contre Grachev. Son regard, son expression faciale en diront long sur son état.

La mission est périlleuse pour Bute et Larouche, qui n'ont d'autre choix que d'y faire face. «Il y a deux options. Soit Carl Froch a fait beaucoup de dommage dans sa tête et qu'il ne s'en remettra jamais, soit, grâce à Carl Froch, il va devenir un meilleur boxeur, fait valoir l'entraîneur. Lucian croit fermement à la deuxième option.»