Immigré à 9 ans, champion du monde de boxe à 31, déchu à 32, ressuscité à 35, Joachim Alcine a connu la gloire et son revers. Samedi prochain, à Las Vegas, il espère écrire une autre page de son histoire contre l'Irlandais Matthew Macklin. Armé de ses gants et de sa Bible, ce fervent chrétien peut-il encore causer la surprise?

Il faut passer par l'entraîneur américain Anthony «Chill» Wilson pour parler à Joachim Alcine. Lui ne donne son numéro de portable à personne. Depuis qu'il a emménagé aux États-Unis il y a plus d'un an, il ne parle presque plus aux journalistes.

«Ouais, Al-ceen est juste à côté de moi, je te le passe», lâche Wilson avec un fort accent du Sud. Ils sont dans une voiture bringuebalée en plein dans les montagnes de la Californie. La réception est mauvaise, mais la voix du Québécois se fait finalement entendre au bout du fil.

Il y a tout juste cinq ans, Joachim Alcine faisait encore la pluie et le beau temps au Québec. Sa ceinture de champion du monde à la taille, il remplissait à lui seul le Centre Bell. Comme cette époque semble loin aujourd'hui!

Il a perdu à l'été 2008 son titre WBA dans un K.-O. retentissant et a subi à l'été 2010 une défaite par K.-O. technique au premier round. On murmurait qu'il était fini. Puis, sa victoire contre le jeune espoir David Lemieux en décembre dernier a pris tout le monde par surprise. «Si Joachim s'était toujours battu comme ça, il serait resté champion du monde!», avait lancé après le verdict un Yvon Michel abasourdi.

Causer une autre surprise

Aujourd'hui âgé de 36 ans, Alcine rêve de causer une autre surprise samedi prochain à Las Vegas. Une victoire contre l'Irlandais Matthew Macklin (28-4, 19 K.-O.) diffusée au réseau HBO pourrait lui ouvrir bien des portes.

«Je suis prêt. Je vais tout faire pour l'emporter. Je suis dans une forme splendide qui n'a rien à voir avec ma condition contre David Lemieux. Je suis encore plus en forme», assure Alcine (33-2-1. 19 K.-O.) au bout du fil.

Macklin se bat à l'irlandaise et Alcine se prépare en conséquence. Il attend un boxeur agressif, tout comme l'a été Lemieux lors de leur affrontement de décembre dernier au Centre Bell. «Lemieux avait commencé très offensif et moi, j'avais un peu reculé dans les premiers rounds. C'était une erreur de commencer lentement, une erreur que j'ai souvent faite dans ma carrière. On a fait des ajustements et le plan contre Macklin est de sortir très agressif.»

Le Québécois dit avoir trouvé un équilibre dans sa nouvelle vie américaine. On le sent soulagé de s'être éloigné de médias montréalais qui lui ont souvent fait la vie dure, même s'il assure que son choix de déménager n'avait rien avoir avec ça.

«C'était simplement plus simple de vivre ici. Puisque j'évolue surtout aux États-Unis, que mon entraîneur est là, c'était logique. Aussi, je m'entraîne mieux dans la chaleur, et l'une de mes trois filles tombait souvent malade à cause du froid.»

Son secret est dans la Bible

Il exerce son français en lisant son «livre de vie», la Bible. «C'est un livre de tous les jours. Ma force vient de la parole de Dieu et elle m'a donné beaucoup de sagesse. Dans le passé, je ne connaissais pas la Parole, je vivais dans l'ignorance.»

A-t-il jamais été découragé dans les moments les plus sombres de sa carrière? Jamais, tranche-t-il. Dieu lui a donné la force de continuer, dit ce croyant vaguement prédicateur.

Son déménagement aux États-Unis lui a d'ailleurs permis de côtoyer d'autres athlètes croyants, comme lui. «La majeure partie des athlètes aux États-Unis pensent comme moi et remercient le bon Dieu après une victoire. Au Québec, les athlètes ne comprennent pas qu'on n'y arrive pas que par soi-même. Ils ne comprennent pas la part de Dieu.»

Ce fils du quartier Saint-Michel, arrivé d'Haïti à Montréal à l'âge de 9 ans, n'écarte pas un retour au bercail. «Rien ne dit que je ne rentrerai pas à Montréal dans les prochaines années. Je n'ai pas oublié mes frères québécois, je suis québécois en premier.»

Après tout, ce ne serait qu'un revirement de plus dans la vie mouvementée de Joachim Alcine.