Pendant un mois en Roumanie, Lucian Bute est resté loin de la boxe. Il a soigné ses plaies auprès des siens. Jusque dans les bras de sa mère. Récit d'un mois passé en famille à retrouver le feu sacré.

Lucian Bute en a fait une tradition. Après chacun de ses combats, il saute dans un avion et rentre chez lui en Roumanie. Il atterrit à Bucarest, puis dévore la route qui mène à la maison familiale de Galati, dans l'est du pays.

Mais cette fois-là n'était pas comme les autres. Pour la première fois de sa longue carrière, Lucian Bute ne rentrait pas en héros. À l'aéroport déjà, les médias s'étaient massés plus nombreux qu'à l'habitude. La défaite de Lucian Bute avait mis le pays en panique. Comme si le héros national ne devait jamais perdre un seul combat.

Vêtu d'un complet blanc, il a patiemment répondu aux questions des journalistes roumains, comme il l'avait fait 48heures plus tôt, le 26 mai au soir, devant des journalistes québécois ébranlés par ce qu'ils venaient de voir dans un ring de Nottingham.

Ce passage devant la meute des journalistes roumains était nécessaire et obligé. Car Lucian Bute voulait rentrer chez lui. Il voulait plus que jamais se reposer parmi les siens. Bien sûr, son père Stefan et ses quatre soeurs étaient venus en Angleterre pour le combat. Mais sa mère était restée à la maison.

Maria refuse de regarder tout combat de son fils. C'est Maria qu'il allait rejoindre à Galati. Quand elle l'a aperçu dans le cadre de la porte, elle savait très bien ce qu'il venait de se passer. Elle n'avait rien vu de son combat contre Carl Froch, de la défaite de son fils au 5e round après un duel violent, brutal. Mais les voisins lui avaient tout raconté.

«On n'a même pas parlé, explique Lucian Bute lorsqu'on lui demande de raconter ses retrouvailles avec Maria. On a commencé à pleurer tous les deux. Il n'y avait à rien à dire.»

C'est là, à Galati, dans les bras de sa mère, que Lucian Bute a entrepris de guérir de sa défaite. Pour remonter un jour dans un ring et, qui sait, redevenir champion du monde, le boxeur devait passer quelques semaines parmi les siens, loin de la boxe.

«Quand je suis arrivé en Roumanie, j'ai dit aux gens: Je suis ici pour relaxer. Je veux laisser la boxe de côté et rester auprès de ma famille», raconte Bute, rencontré cette semaine à Montréal. «Ils ont compris ça. Pendant un mois, les médias m'ont laissé tranquille.

«J'étais à Galati, à Bucarest, je me suis promené pas mal. Je suis resté beaucoup dans ma famille, plus que d'habitude. Parce que j'avais besoin de ces choses-là, de rester avec la famille, le monde qui m'aime comme je suis. Pas Lucian Bute le champion. Le monde qui me connaît depuis que je suis jeune. Les gens qui sont des vrais amis. Parce que, quand tu es champion, tu es entouré de plein de monde. Pas nécessairement des vrais amis.»

La boxe a pris le dessus

Les premières nuits de l'ancien champion du monde en Roumanie ont été agitées. «Quand je montais dans mon lit, je revoyais tout le temps le combat. Je me posais tout le temps les mêmes questions: Pourquoi ça s'est passé comme ça? Pourquoi ci, pourquoi ça...»

Puis, quelques médias roumains l'ont écorché. Un journaliste a même suggéré qu'il aurait fait exprès de perdre. Bute dit aujourd'hui qu'il ne leur en veut pas. «Il y a des gens qui m'ont critiqué. Il y a des gens qui ont compris. Après cette défaite-là, tu vois qui sont tes vrais amis, ceux qui restent derrière toi même quand ça va mal.»

Son entraîneur et son promoteur l'appelaient parfois de Montréal. Mais jamais pour parler de boxe. «On parlait de la vie», raconte Stéphan Larouche.

Puis, au fil des jours, les choses se sont tranquillement placées. Le boxeur a retrouvé le sommeil. Le goût de la boxe, qu'il n'avait jamais perdu, a fini par prendre le dessus. Bute a mis la main sur un enregistrement de sa défaite et l'a regardé plusieurs fois.

Un jour, le téléphone du promoteur Jean Bédard a sonné. C'était Bute. Il lui a dit qu'il rentrait à Montréal le 26 juin, soit un mois jour pour jour après le combat contre Froch. Puis il lui a dit qu'il voulait le rencontrer, qu'il voulait préparer la suite. Quand? «J'arrive mardi soir, on se voit mercredi matin», a lâché le boxeur.

À ce moment précis, Bédard a été rassuré. Celui avec lequel il travaillait depuis des années était de retour. Bute n'avait pas dit son dernier mot.