Personne ne peut prédire ce qui va se passer sur le ring samedi soir à Nottingham. Mais au moins une chose est certaine: Lucian Bute et Carl Froch sont tous deux prêts pour la guerre, prêts à se livrer un combat de 12 rounds sans compromis.

«Lucian a sparré un total de 120 rounds de boxe. Ce n'est pas facile de se préparer pour Carl Froch. Il faut être prêt pour la guerre, pour 12 rounds, pour 36 minutes de guerre», prévient l'entraîneur du boxeur québécois, Stéphan Larouche.

Larouche a lancé cet avertissement mercredi dans l'Albert Hall. La salle de réunion nichée dans un immeuble historique, en plein coeur de la petite ville anglaise, a accueilli la conférence de presse finale. À trois jours de ce combat primordial pour la carrière des deux athlètes - le titre de Bute est en jeu et sa réputation aussi - la «guerre» est déjà un peu commencée.

Il fallait voir Lucian Bute (30-0, 24 K.-O.) entrer dans la salle suivi de son entraîneur, de son promoteur, de deux gardes du corps et d'une quinzaine d'autres proches. Le champion IBF des super-moyens est allé s'asseoir à une longue table avec son adversaire placé à l'autre extrémité, sa ceinture dorée devant lui et le cri de ses fans en sourdine.

«On ne se sent pas comme quatre gars tout seuls dans un pays étranger», remarque Larouche.

Lucian Bute est en fait en Angleterre depuis plus d'une semaine. Il a finalisé son entraînement loin des médias à Sheffield. Puis, il s'est amené dimanche sur les lieux du combat. Quelque 300 de ses fans sont attendus ici dans les prochains jours. Dans «l'enfer de Nottingham», comme l'a baptisé Jean Pascal, qui a subi l'une de ses deux seules défaites ici même contre Carl Froch, on n'est jamais trop nombreux.

«Je me sens comme à Montréal. Cette semaine, je recherche ce feeling-là. Je suis entouré de gens du Québec. À partir de demain, on va être encore plus nombreux, a expliqué Lucian Bute, chez qui tout trahissait la confiance. Tous les gens des médias, tous les gens du Québec qui sont proches de moi sont ici. Les vrais fans vont venir aussi. Je suis vraiment content.»

Froch veut pincer Bute

Les Québécois ne se promènent pas ici en pays conquis, mais presque. Le promoteur de Carl Froch (28-2, 20 K.-O.) s'est chargé de les rappeler à l'ordre. «Je me rappelle que Jean Pascal est arrivé ici confiant il y a trois ans, avec une grosse équipe, a raconté Eddie Hearn, un homme d'affaires au chic bien anglais et toujours sur son trente-et-un. Il était très heureux lors de la conférence de presse, joyeux comme seul celui qui n'a encore jamais perdu un combat peut l'être. Mais le samedi soir, il n'était plus si joyeux. Et on verra ce qui se passera ce samedi soir.»

Bien sûr, les Anglais ne sont pas fous. Ils voient bien que Lucian Bute est le grand favori. Il l'est chez les parieurs, mais même auprès des connaisseurs de boxe anglais. L'ancien champion du monde lourd-léger Johnny Nelson, natif de Sheffield et aujourd'hui analyste chez Sky Sports: «Mon coeur est avec Carl Froch, mais ma tête me dit que Bute va l'emporter.»

Le héros local ne s'en fait pas. Carl Froch a paru aussi confiant que son adversaire mercredi. «S'il pense qu'il peut venir à Nottingham, ma ville. C'est ma forteresse ici et les miens vont me donner des ailes samedi dans l'arène, en chantant et en criant, a insisté Froch. Je suis à moitié insulté que le gars se pointe ici avec l'intention de me battre.»

Le boxeur à «moitié insulté» a dévoilé sa stratégie mercredi: Froch promet de commencer fort et de chercher le coup de massue. «Je suis convaincu que je vais le pincer dès le début. Il a déjà été mis K.-O. chez les amateurs et quant à moi, il a été mis K.-O. chez les pros aussi. Merci à Lucian Bute d'être venu ici, mais il a commis une grave erreur.»

À côté, Stéphan Larouche écoutait avec un sourire en coin. Dans la salle planait un vague sentiment d'expectative mêlé à une impression de danger. Un mélange propre aux veilles de grands combats. L'entraîneur a le mieux résumé ce que les fans, tant anglais que québécois, ressentaient à ce moment précis.

«Ce sera une grande soirée pour la boxe», a lâché Larouche. Voilà un point sur lequel tous peuvent s'entendre. Car ces boxeurs-là ont assez vadrouillé pour savoir qu'à ce niveau, un seul coup de poing peut tout faire basculer.