Plus de deux mois nous séparent du combat du 26 mai entre Lucian Bute et Carl Froch. Mais déjà le Montréalais a gagné une bataille. En acceptant de se rendre en Angleterre «dans la gueule du loup», Lucian Bute a fermé le clapet à tous ceux qui lui reprochaient de ne se battre que dans le confort du Québec.

Le changement de perception n'a jamais été plus visible que mercredi, à la Cage aux sports de la Place Versailles, où avait lieu une conférence de presse pour faire la promotion du duel. Les Anglais qui avaient fait le voyage de Nottingham n'ont cessé d'envoyer des fleurs au Québécois.

«Jamais dans nos rêves les plus fous aurait-on crû pouvoir attirer Lucian Bute en Angleterre. Il a démontré quel genre de boxeur il est en acceptant ce défi, a lancé le promoteur de Carl Froch, Eddie Hearn. Certains ont dit qu'il aimait se battre dans sa cour contre des adversaires de deuxième ordre. En mai, il va briser cette perception en acceptant d'affronter en Angleterre l'un des meilleurs super-moyens.»

«Il vient vraiment dans la gueule du loup, a poursuivi le promoteur, dans un complet immaculé, un porte-document Louis Vuitton sous un bras. On parle de 9000 fans anglais et d'une poignée de fans de Montréal. Pour cela, Lucian, nous te respectons. Tu démontres que tu es un guerrier.»

La réputation de boxeur peu aventureux colle à Lucian Bute (30-0, 24 K.-O.) depuis quelques années déjà. Le Québécois d'origine roumaine a défendu sa ceinture à neuf reprises depuis qu'il est champion du monde IBF des super-moyens (168 livres), toujours devant ses partisans. Les 21 combats qu'il a livrés depuis 2005 ont tous eu lieu à Montréal ou Québec, à l'exception de deux qui se sont déroulés dans son pays d'origine.

De bons mots pour Bute

L'annonce du combat du 26 mai est venue changer tout ça. Le commentateur d'ESPN Dan Rafael a bien illustré le sentiment de plusieurs amateurs de boxe. «Je tire mon chapeau à Lucian Bute pour sa volonté - son envie même - de quitter sa zone de confort au Québec pour défendre son titre à Nottingham, a écrit Rafael sur son blogue le 8 mars. Il le fait parce que c'est ce que font les vrais guerriers.»

Le changement s'est même opéré chez Carl Froch (28-2, 20 K.-O.), qui accusait encore Bute en novembre dernier de «rester à la maison et de faire de l'argent», de manquer de «couilles» comparé à Jean Pascal et déclarait que ce dernier était «dix fois meilleur que ne le sera jamais Bute», dans le cadre d'une entrevue avec un média anglais.

Le même Carl Froch avait l'air d'un enfant d'école mercredi. Le boxeur de 34 ans s'est levé et a applaudi quand Lucian Bute, 32 ans, a pris le micro pour s'adresser à la foule. Il n'a plus voulu comparer les deux coqueluches de la boxe locale, arguant que Pascal et Bute avaient «des styles complètement différents».

«Lucian Bute a mon respect et il faut lui rendre le mérite qui lui revient. C'est un grand champion, il n'a pas connu la défaite et j'ai beaucoup, beaucoup de respect pour lui», a dit Carl Froch au micro, alors que Lucian Bute, assis à côté, mimait de jouer du violon.

Froch, boxeur à la langue bien pendue, n'a toutefois pas pu s'empêcher de piquer son adversaire. Mais gentiment. «Il n'a encore jamais affronté un boxeur qui se trouve au sommet de la division, a affirmé l'Anglais. Ce qui a changé, c'est qu'il a maintenant accepté de venir se battre dans ma cour et de m'affronter, moi qui suis l'un des meilleurs boxeurs de la division.»

Si un boxeur peut faire ce genre de reproches, c'est sûrement Froch. Le cogneur réputé pour son style brouillon mais imprévisible a livré ses sept derniers combats contre des adversaires estimés, cinq d'entre eux sur la route.

C'est pour affronter cet homme que Bute va se livrer aux loups le 26 mai au FM Arena de Nottingham. Il sait que sa marche vers le ring sera terrible. «Ce seront dix minutes difficiles», admet-il.

Mais que Lucian Bute ressorte des câbles champion du monde ou champion déchu, il aura déjà gagné un combat. Celui contre ses détracteurs.