À son apogée dans les années 80, le Kronk Gym produisait à Detroit des champions comme une chaîne de montage produit des voitures. Mais le déclin de la ville et de son industrie automobile a lentement mais sûrement eu raison du gymnase.

Le glas a sonné en 2006. Au début de cette année, la Ville de Detroit, ruinée, a annoncé la fermeture du Centre récréatif Kronk. Le légendaire entraîneur du gym, Emanuel Steward, a offert aux autorités de payer de sa poche les coûts de fonctionnement. «Il fallait absolument que le Kronk reste ouvert. Le Kronk, c'est Detroit», rappelle Steward, rencontré il y a quelques jours dans un hôtel du centre-ville de Montréal où il était de passage pour le combat de son nouveau protégé, Adonis Stevenson.

Mais quelques mois plus tard, des voleurs ont dérobé tous les tuyaux de cuivre du gymnase historique. Dans une ville en pleine crise, le matériau valait son pesant d'or. En septembre 2006, Steward a mis la clé sous la porte et ordonné à ses boxeurs de faire leurs valises.

A commencé une période d'errance qui a mené le Kronk de local en local, jusqu'à l'adresse actuelle, un local exigu de 1500 pieds carrés. «C'est un tout petit gym, sans douche, sans vestiaire, sans machines, car on n'a pas de place pour ça, raconte Steward. On rentre, on plie nos vêtements et on les laisse à même le sol. Après l'entraînement, on se rhabille et on va prendre une douche à la maison.»

C'est dans ce gym temporaire que le boxeur de Montréal Adonis Stevenson s'est entraîné avant son combat victorieux contre Jesus Gonzales. Un bien triste lieu pour accueillir un gym légendaire, qui a vu passer plus de 20 champions du monde, tels Thomas Hearns, Sugar Ray Leonard et Leon Spinks.

Un nouveau Kronk

Le Kronk Gym doit revivre cet été. Emanuel Steward a acheté un immeuble d'un demi-million de dollars dans une banlieue au nord de Detroit. Il prévoit injecter un autre demi-million pour équiper le nouveau Kronk, qui pourrait ouvrir dès juin, avec trois rings.

«De nos jours, les touristes qui viennent à Detroit ne parlent que de deux choses: Motown [du nom d'une influente maison de disques fondée à Detroit] et le Kronk, dit Steward. C'est ce qu'ils veulent voir. C'est ce à quoi on pense lorsqu'on pense à Detroit. Il fallait que le Kronk survive.»

Bien sûr, le gymnase ne sera plus tout à fait le même. Il sera désormais en banlieue. Le centre-ville a beaucoup changé entre 1969, année où Steward a commencé sa carrière d'entraîneur au Kronk, et aujourd'hui. La population de la ville est passée de 1,9 million d'habitants en 1950 à 713 000 en 2010. Son industrie s'est écroulée. L'ancien local est toujours abandonné.

La clientèle aussi a changé. «Les boxeurs du Kronk ne sont plus que des Noirs comme avant, il y a des Latinos, de jeunes Arabes, et c'est très bien», remarque Steward.

Le désir de produire des champions ne changera pas. Durant l'entrevue, Steward sort son téléphone et montre des photos de ses «jeunes prodiges». L'un a gagné les Gants dorés, l'autre est champion national, raconte l'entraîneur.

À 67 ans, Steward retrouvera un gymnase digne de ce nom. Et Detroit ne perdra pas son Kronk.