Ils ont quitté leur pays avec des gants de boxe pour seul bagage. Ils ont laissé derrière eux leurs amis, leur famille et une impressionnante carrière amateur. Mais aujourd'hui, Eleider Alvarez et Óscar Rivas se plaisent bien à Montréal.

«En dehors du climat, tout est très bien ici, dit à la blague Óscar Rivas, rencontré la semaine dernière à l'entraînement. Il y a beaucoup de membres de la communauté colombienne qui nous soutiennent. On travaille à être de meilleurs boxeurs, c'est tout ce qu'on fait.»

Recrutés par le Groupe Yvon Michel après les Jeux de Pékin, ces anciens champions olympiques représentent la dernière vague de boxeurs étrangers arrivés à Montréal: il y a eu les Roumains, dont le plus connu est Lucian Bute, les Camerounais comme Olivier Lontchi et Herman Ngoudjo, puis eux.

Les Colombiens ont mis les pieds au Québec pour la première fois au printemps 2009. Ils ont emménagé dans un appartement d'Ahuntsic et s'activent depuis à monter un à un les échelons de la boxe professionnelle.

Dans l'ombre

Óscar Rivas, 24 ans, a maintenant sept victoires en autant de combats, alors qu'Eleider Alvarez, 27 ans, a livré six combats qu'il a tous remportés. Les deux combattront en sous-carte du duel opposant David Lemieux à Joachim Alcine, le 10 décembre.

Leur ascension se fait pour l'instant dans l'ombre des boxeurs locaux. Une situation qui ne devrait pas durer, selon leur entraîneur, Marc Ramsay. «Ce sont des super athlètes. Ils ont un potentiel à la Bute, à la Pascal, dit-il. Alors on ne perdra pas notre temps avec des combats contre des adversaires insignifiants. On veut leur apprendre un petit quelque chose à chaque affrontement.»

Marc Ramsay espère que le mi-lourd Eleider Alvarez pourra livrer un premier combat de championnat du monde au cours de l'année 2013. «Eleider a déjà 27 ans, alors on n'a pas de temps à perdre. C'est un boxeur très classique, avec un super jab, peut-être le meilleur jab de toute la division des lourds-légers, explique l'entraîneur. Il possède une très bonne force de frappe. C'est un boxeur très intelligent sur le ring, très complet.»

Le lourd Óscar Rivas est plus jeune, mais fait aussi partie d'une division de poids pour l'instant outrageusement dominée par les frères Klitschko. «Par contre, c'est une catégorie très prisée et un bon poids lourd dans le top 10 fait autant d'argent qu'un champion dans une autre catégorie», note Yvon Michel.

Les deux athlètes ne parlent pas français pour l'instant. Ils ont toutefois développé avec leur entraîneur une langue comprise d'eux trois seulement. «C'est un mélange de français, d'anglais et d'espagnol, explique Ramsay, amusé. Ça fait la job pour l'instant, mais ils vont devoir améliorer leur français et vont prendre des cours cet hiver.»

Le barbier et non les bars

Yvon Michel ne s'offusque pas du profil encore obscur des deux Colombiens. Lorsqu'on recrute des boxeurs à l'étranger, explique-t-il, ce n'est pas pour qu'ils deviennent des têtes d'affiche; c'est avant tout pour leurs habiletés dans le ring.

«On est conscients qu'il sera plus difficile pour eux de devenir très populaires ici, avance le promoteur. InterBox a fait un bon travail avec Lucian Bute et a prouvé que c'était possible. Alors on ne sait jamais, mais ce n'est pas notre priorité.»

La priorité des Colombiens, elle, est claire: la boxe. Les colocs se sont enfermés dans une routine qui les tient loin des bars et des boîtes de nuit.

«Quand on ne s'entraîne pas, on passe le temps dans un salon de barbier près de chez nous qui est tenu par un Colombien. On jase avec des compatriotes, raconte Eleider Alvarez. On joue au Play Station aussi et on regarde la télé. Seulement Fight Network!»