Qui, dans cette salle, avait déjà vu Jean-Paul Mendy auparavant? Je vais être parfaitement honnête: pas moi. Non, je n'avais jamais vu ce Mendy, qui est arrivé sans faire de bruit dans la salle de conférence du Marriott de Bucarest, hier midi, avec ses deux associés.

Il n'a presque pas parlé, le Mendy. Il faut dire qu'ici, tout le monde n'en a que pour le héros local, Lucian Bute. Alors on ne connaît pas plus ce mystérieux boxeur français de 37 ans, qui va se battre contre Bute samedi soir, principalement parce qu'il a été frappé de manière illégale par un rival, Sakio Bika, à son combat précédent.

C'est bien ça. Jean-Paul Mendy est ici parce qu'il a gagné sa dernière bagarre par disqualification.

Le mec est invaincu en 30 combats, mais cela ne suffit pas à effacer les doutes. En gros, on se demande ce qu'il fait ici. Hier, un journaliste roumain a ouvertement remis en doute les qualités de Mendy, comme s'il n'avait pas d'affaire là. «On n'est pas venus pour faire de la figuration», a répondu son entraîneur Laurent Boucher.

C'est un sujet délicat dans le clan Bute. D'ailleurs, Bute lui-même, un type charmant, sympa, chaleureux et tout et tout, perd un peu patience quand il entend que Jean-Paul Mendy n'est ici que pour prendre le chèque et repartir au plus vite.

«Quelqu'un a dit lors de la conférence de presse que c'est un adversaire faible, a raconté Bute. Chacun a droit à son opinion. Mais ça faisait longtemps que je rêvais de ça, de boxer ici. Et lui, il est l'aspirant obligatoire.»

C'est le bout qu'il ne faut pas oublier, selon Lucian Bute. «Jean-Paul Mendy, c'est pas moi qui l'ai choisi; c'est l'IBF qui l'a choisi. On a fait une offre à Mikkel Kessler, il a refusé. Qu'est-ce que je peux faire?»

Trop cher, Kessler

Le groupe InterBox a bel et bien fait une offre à Mikkel Kessler, solide cogneur danois de 32 ans qui a une fiche de 44-2 et qui est surtout connu au Québec pour avoir essentiellement mis un terme à la carrière d'Éric Lucas en 2006. Lucas a bien tenté de revenir ensuite, mais après Kessler, il n'a jamais été le même.

Ce Kessler, donc, a été pourchassé par les gens d'InterBox, mais sans succès. «Ce n'est pas parce qu'on n'a pas essayé, mais financièrement, c'était difficile, a admis le président d'InterBox, Jean Bédard. Il ne voulait pas vraiment sortir du Danemark, et nous, on ne voulait pas vraiment aller là-bas. Il est très populaire chez lui, et Lucian est très populaire au Québec. Ce n'était pas possible de s'entendre.»

Ce qui nous ramène à Jean-Paul Mendy. L'aspirant obligatoire. Celui qui a obtenu sa place sur le même ring que Bute, en vue de la carte de samedi soir à Bucarest. Celui qui a été choisi par l'IBF pour se battre en combat de championnat du titre des 168 livres.

Mais on chiale encore. On dit que Bute ne fait pas face à de «vrais» adversaires. Tous des jambons, tous des boxeurs trop «faciles», dit-on.

Le pire, c'est que Lucian Bute est un peu d'accord.

«J'attends les gros combats, moi aussi! Je sais que je suis rendu là. Je sais que j'en suis rendu à pouvoir me battre contre des Andre Ward, contre des Carl Froch. Où j'en suis, je ne peux plus me permettre de boxer contre n'importe qui.

«Tout le monde me dit que ça va être facile contre Mendy, mais il ne faut pas le sous-estimer. Il est là et il n'a rien à perdre, il va tout faire pour gagner. Je ne peux pas me permettre d'entrer dans son jeu, sinon, ça va être difficile.»

D'une certaine façon, c'est un peu comme si Lucian Bute ne pouvait pas sortir gagnant. S'il l'emporte samedi soir, ce ne sera que le scénario qui avait été prévu. C'est tout. On va lui poser une ou deux questions sur la victoire, puis on va lui parler de Kelly Pavlik, qu'il devrait affronter le 5 novembre à Atlantic City. S'il perd? On ne veut même pas y penser...

Dans le fond, tout ça n'est qu'une question de temps. Bute lui-même le dit souvent: il en est rendu là, à boxer sur le terrain des meilleurs. Des meilleurs qui, très bientôt, vont être nombreux à cogner à sa porte.

En attendant, il y a Jean-Paul Mendy...

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EN DIRECT DE LA ROUMANIE

Ce qui est bien avec les voyages, surtout celui-ci, c'est qu'on se sent loin, très loin, du quotidien habituel. Prenez les conférences de presse. À la maison, c'est souvent un peu banal. Les mêmes questions, les mêmes réponses. Ici? C'est différent. En tout cas, celle d'hier s'est vite transformée en spectacle. Deux vieux messieurs, des partisans de toute évidence, se sont permis de longs commentaires (en roumain) sur l'immensité et l'importance de Lucian Bute, pendant que le principal intéressé semblait un brin embarrassé à l'avant. Après plusieurs longues minutes, le promoteur local a rappelé à tout le monde l'importance de poser des questions sérieuses...

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Bute s'est pointé hier avec un chandail du club Steaua de Bucarest, le plus fameux club de soccer de la ville. Le chandail lui a été remis par Helmuth Duckadam, ancien gardien qui a mené l'équipe à son plus grand triomphe, en Ligue des champions en 1986. «Il avait arrêté tous les tirs de Barcelone lors de la fusillade en finale», a tenu à rappeler Bute, qui ne se souvient pas du match en question. «J'avais juste 6 ans...»

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Vu lors de la conférence d'hier: Adrian Diaconu. Le Shark semblait en grande forme, et en a profité pour appuyer son ami Bute du côté de l'estrade.

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Vu aussi hier: des hôtesses d'environ 6'1 qui faisaient admirablement bien leur travail, c'est-à-dire rester debout et applaudir aux bons moments. Fabuleux. Impossible par contre de savoir si InterBox songe à les recruter pour ajouter à leur filière de talent roumain.

Photo: AP

Lucian Bute