Il y a au AFI Palace de Bucarest toutes sortes de choses. Des boutiques tape-à-l'oeil. Des comptoirs de bouffe. Des jeux pour les enfants. Une patinoire. En plus de tout ça, hier midi, il y avait aussi un champion du monde: Lucian Bute.

Ce champion, ils le connaissent très bien par ici. Bute est bien sûr ce boxeur de 31 ans, invaincu, qui a à sa taille la ceinture des super-moyens de l'IBF depuis quatre ans déjà. Mais pour les Roumains, Bute, c'est l'enfant prodige. La fierté.

Pas un hasard si hier, les jolies hôtesses en bleu portaient toutes des badges du ministère du Tourisme de la Roumanie; si Bute est ici, c'est avant tout grâce au Ministère, qui finance le combat de samedi, et qui voit en Bute une façon de promouvoir le pays.

Le message qu'on veut lancer est donc clair: la Roumanie, c'est beaucoup plus que les grues encombrantes et la pauvreté extrême qu'on peut croiser dans les rues du centre-ville de Bucarest. La Roumanie, c'est aussi Lucian Bute.

Événement, ce combat de samedi soir contre le Français Jean-Paul Mendy? Mais si. On y attend 10 000 personnes. Bute, il faut le préciser, ne revient pas souvent par ici pour le boulot; de ses 28 combats chez les pros, celui de samedi soir sera seulement le deuxième dans son pays natal.

C'est pourquoi environ 500 fans ont assisté à l'entraînement public d'hier midi, dans cet immense centre commercial. Pour voir celui qu'ils aimeraient revoir plus souvent. L'accueil a d'ailleurs été assez bruyant merci. Ils ont scandé son nom des dizaines de fois, ils ont applaudi après le moindre exercice. Et quand Bute a finalement dû partir au pas de course, ils ont été des dizaines à partir à ses trousses... y compris les membres des médias!

De retour à l'hôtel, le héros était visiblement heureux du petit bain de foule. «Je vous l'avais dit, ils sont un peu plus fanatiques par ici», a-t-il confié en souriant.

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Mon roumain n'est évidemment pas parfait, mais j'ai cru comprendre un truc en jasant (en anglais) avec des journalistes locaux hier midi: ce qu'ils veulent savoir, c'est si Bute est encore un gars de la place. Ce qu'ils veulent savoir, c'est s'il est moins roumain parce qu'il n'habite plus ici.

C'est normal. On pose les mêmes questions à nos joueurs de hockey exilés. Ce qui est clair, c'est que Bute a déménagé au Québec parce que c'est là que sa carrière allait prendre son envol.

Ce qui est clair aussi, c'est qu'il n'a pas oublié ses origines.

«Un combat à Bucarest, ça fait depuis 2007 que j'attends ça, a-t-il expliqué. Je suis content d'être ici. On ressent vraiment la chaleur des gens, on voit qu'ils apprécient. Tout le monde est heureux.

«Mais ça fait huit ans que j'habite au Québec, alors ma vie est là-bas maintenant. Je vais bientôt obtenir la citoyenneté canadienne. Au fond de mon coeur, je suis roumain, c'est ici que je suis né. Mais maintenant, ma vie est au Québec.»

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On va s'entendre sur le fait que Mendy ne représente pas une immense menace. On va s'entendre sur le fait que Bute devrait gagner assez facilement samedi soir. Mais en même temps, n'y a-t-il pas un certain danger dans un combat comme celui-là? N'y a-t-il pas trop de distractions? Trop de monde à voir, trop de mains à serrer?

Non, jure Bute.

«Ce ne sera pas plus difficile. Je sais ce que j'ai à faire. Je suis prêt. Je me suis entraîné, j'ai étudié les bandes vidéo de Jean-Paul Mendy. Je dois rester dans ma bulle pour ne pas faire d'erreurs, c'est tout. J'ai fait un entraînement normal comme avant chaque combat au Québec.»

C'est d'ailleurs là le plus grand défi de Lucian Bute: penser qu'il s'agit d'un combat «normal». Même si, dans les faits, ce n'est pas normal du tout. Bien sûr, il est adoré au Québec, par un public qui lui est fidèle. Mais ici, c'est différent. Ici, c'est un peu la fierté de tout un peuple qu'il porte sur ses épaules.

Mais il refuse de se regarder dans les miroirs qu'on lui tend gentiment.

«Je ne peux pas parler de moi... Je me souviens du combat de Leonard Dorin ici en 2002 contre Balbi, c'était pas mal bon comme ambiance.»

Ça risque d'être encore mieux samedi soir. Pas mal mieux.