S'il est vrai que Lucian Bute n'a présentement qu'une chose en tête - le combat de samedi contre Brian Magee -, ça ne veut pas dire qu'il n'a pas commencé à songer à la suite de sa carrière. Au contraire. Voilà déjà plusieurs mois qu'il se prépare physiquement en fonction des méga-combats qui suivront.

On en a eu la preuve quand Bute s'est présenté à la Place Versailles pour l'entraînement public qu'il a tenu devant plusieurs centaines de personnes, mardi midi dans l'Est de Montréal. Quand le champion IBF des super-moyens s'est retrouvé torse nu pendant quelques instants, le temps de changer de chandail, on a pu constater qu'il avait renforcé la puissace de ses bras. Les nouveaux muscles apparus aux épaules et dans le dos en étaient une manifestation éloquente.

Quelques secondes plus tôt, le Montréalais d'origine roumaine avait multiplié les exercices visant à mettre en valeur son endurance et sa vitesse.

Cette forme resplendissante, fruit du travail du nouveau préparateur physique embauché par InterBox, Alain Delorme, Bute ne l'affichait pas seulement parce qu'il affrontera un gaucher ce samedi au Centre Bell. C'était aussi dans le but de préparer le terrain, déjà, pour les combats de grande envergure qui risquent de suivre au cours des prochains mois.

«Avant chaque combat, Lucian se prépare pour les gros combats qui vont suivre, a reconnu Stéphan Larouche, l'entraîneur de Bute. Quand le gros combat arrive, tu n'as pas le temps de tout changer, ça doit faire partie d'un long processus de développement. Et tu fais des mouvements dans un combat ou en sparring, parfois, qui vont t'aider trois combats plus tard.

«Un boxeur qui a un bon coffre d'outils le fait fréquemment et régulièrement.»

«On a changé beaucoup de choses et je pense que c'est visible, a indiqué Bute en parlant de son corps plus sculpté que jamais. Je suis content, j'ai encore plus confiance en moi. Je me sens bien et c'est le plus important. C'est pour mon futur, pour ma carrière.»

Cet avenir, c'est un éventuel combat contre Mikkel Kessler, l'une des figures de proue de la division des super-moyens. Remis de sa blessure à l'oeil, celui-ci serait prêt à affronter Bute cet automne, après un combat de préparation qu'il disputerait en juin chez lui au Danemark.

Renan St-Juste, l'un des protégés de l'écurie québécoise, pourrait justement être l'adversaire de Kessler lors de ce duel initial, a indiqué Jean Bédard, le président d'InterBox. C'est d'ailleurs dans le but de venir voir St-Juste boxer, et pas seulement Bute, que le clan Kessler prévoit se présenter à Montréal samedi, a-t-il affirmé.

Ensuite, comme l'a déjà laissé entendre le réseau américain Showtime, qui a une entente de trois combats avec le clan Bute, le vainqueur du duel Bute-Kessler affronterait le gagnant de la finale du tournoi Super Six.

«Normalement, ce combat-là qu'on allait faire (samedi), ça devait être Kessler, a fait savoir Larouche. C'est ce que Showtime voulait. Malheureusement, (Kessler) n'était pas prêt.»

Même si Bédard a confirmé en début de semaine qu'un duel contre Kessler était un scénario envisagé à moyen terme, Larouche a assuré que, fidèle à ses habitudes, Bute ne se laissera pas déconcentrer de son objectif à court terme, c'est-à-dire la victoire aux dépens de Magee.

«On a l'habitude de traverser la rivière quand on arrive au pont, pas avant», a souligné l'entraîneur.

Gaucher contre gaucher

Kessler, c'est bien beau... Sauf que, comme l'ont rappelé Bute et Larouche, le combat de samedi représente un défi lui aussi, si ce n'est qu'à cause du fait que Magee est un gaucher. Bute est gaucher lui aussi, mais qui a l'habitude d'affronter des droitiers.

«Tout le monde parle comme si ce sera un combat facile, a noté Bute. Mais sérieusement, je m'attends à un combat très difficile contre Magee. Je l'ai vraiment pris au sérieux. Je suis concentré sur ce combat-là, et après on va voir quelles opportunités vont arriver.

«À ce niveau-ci, il n'y a plus de combats faciles.»

«La préparation contre un gaucher, c'est très spécifique, a souligné Larouche. Ça demande beaucoup de concentration car tout ce qui est inné ne fonctionnera pas ce soir-là, il faut que tu changes des choses. La seule chose qui est la même, c'est de lancer des coups de poing. Sauf que ça se passe à l'envers.»

Magee, lui, a joué la carte de la modestie et du respect, mardi. Quand on lui a demandé s'il se sentait insulté qu'on parle plus de Kessler que de lui, cette semaine, l'Irlandais de 35 ans n'a pas mordu à l'hameçon.

«Je ne m'inquiète pas de ça, je me concentre sur mon combat, a-t-il dit. En ce qui me concerne, il n'y a pas de meilleur boxeur que Lucian Bute. Et c'est moi qui l'affronte, pas Mikkel Kessler.

«Je devrai être dans la meilleure forme de ma vie, aucun doute. (Bute) est le meilleur boxeur au monde dans notre division. Je devrai disputer le combat de ma vie. On va travailler fort et faire du mieux qu'on peut.»

Au contraire d'un Bernard Hopkins, Magee semble avoir choisi le rôle du gentleman depuis son arrivée en sol québécois. Mardi, pendant qu'il s'échauffait au début de l'entraînement public, il a multiplié les sourires et les tapes de main à l'endroit des spectateurs qui entouraient le ring. Il a même invité une fillette, puis un adolescent, à mimer une séance de sparring avec lui.

«Les gens de Montréal m'ont donné un bon accueil», a dit Magee.