L'autopsie pratiquée sur le corps d'Arturo Gatti au Laboratoire de sciences judiciaires, le 1er août à Montréal, a confirmé que le boxeur est bel et bien mort pendu, et non étranglé, a appris La Presse. Rien ne laisse croire qu'il a été victime de coups importants juste avant son décès, survenu dans un hôtel d'une station balnéaire brésilienne.

En revanche, les examens toxicologiques ont détecté une substance qui provoque la somnolence. Cette substance est vendue dans des médicaments au Brésil, mais pas au Canada. Les experts québécois doivent donc se procurer les normes d'utilisation, afin de savoir si la concentration est forte ou faible.

Au départ, la police brésilienne a accusé la femme du boxeur, Amanda Rodrigues, de l'avoir étranglé avec la courroie de son sac à main. Mais après enquête, elle a écarté cette hypothèse et a conclu au suicide par pendaison. La famille de Gatti rejette cette conclusion et maintient que Mme Rodrigues a bel et bien tué son mari.

Aucune blessure ne montre qu'une ou des personnes auraient pendu le boxeur. Il n'a pas été assommé, ligoté ou battu. Une piste est explorée : quelqu'un aurait pu le droguer, de façon à pouvoir lui passer une corde au cou, le hisser sur un tabouret, puis renverser le tabouret. Une opération difficile, mais pas impossible.

Le célèbre boxeur, qui a grandi à Montréal et combattu surtout au New Jersey, a été trouvé mort dans l'appartement de deux étages d'un hôtel de Porto de Galinhas, au nord-est du Brésil, le 11 juillet. Il séjournait dans cette luxueuse station balnéaire avec sa femme et leur fils âgé de 10 mois. Selon la police de l'État de Pernambuco, Gatti s'est pendu à la rampe de l'escalier, peu après minuit. Toujours selon les policiers, il est monté sur un tabouret et l'a renversé d'un coup de pied.

Trois heures plus tard, le lien s'est rompu et son corps est tombé au sol. Mme Rodrigues dormait à l'étage avec son bébé. Selon sa version, elle est descendue à 6h pour chercher un verre de lait pour son fils. Elle a bien vu son mari sur le sol, dit-elle, mais elle croyait qu'il était soûl et qu'il dormait. Elle est redescendue vers 9 h et aurait constaté qu'il était mort. C'est à ce moment qu'elle a appelé la police.

La courroie de son sac à main, tachée de sang, a été trouvée près du corps de Gatti. Cette découverte a d'abord incité la police à arrêter Mme Rodrigues et à l'accuser de meurtre. Mais le 30 juillet, elle l'a relâchée et a annoncé que Gatti s'était pendu. Sa famille ne croit pas cette dernière version. Elle refuse que l'héritage du boxeur, qui s'élève à plusieurs millions de dollars, soit versé à sa veuve et à son bébé.

Le corps de Gatti a été transporté à Montréal, au salon funéraire Magnus Poirier. La famille a alors demandé qu'une autopsie soit pratiquée au salon même. Elle a embauché le célèbre pathologiste Michael Baden, qui anime l'émission Autopsy sur la chaîne HBO au New Jersey. Perplexe, un responsable du salon funéraire a communiqué avec le Bureau du coroner pour savoir quoi faire.

Le Bureau du coroner a indiqué que c'est lui qui avait la juridiction sur le corps, puisque lui seul a l'autorité d'enquêter sur les morts violentes. Il a répondu au salon funéraire que le corps de Gatti devait lui être confié, et que l'autopsie devait être faite au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, situé au quartier général de la Sûreté du Québec, rue Parthenais.

Le Dr Baden a assisté, mais non participé, à l'examen physique, qui s'est déroulé le samedi 1er août. En sortant de l'édifice de la rue Parthenais, le pathologiste-animateur a déclaré aux journalistes que l'examen avait révélé plusieurs surprises, notamment la présence de blessures qui, selon lui, n'auraient pas été signalées au Brésil.

Le coroner choqué

En vérité, ces «blessures» sont de simples ecchymoses, qui ne signifient pas grand-chose, a appris La Presse. Ainsi, 17 témoins rencontrés par la police brésilienne ont affirmé que Gatti et sa femme s'étaient violemment querellés dans la rue, la veille de sa mort. Des passants ont lancé des cailloux au boxeur.

Les déclarations du Dr Baden ont choqué le coroner au dossier, le Dr Jean Brochu. «Il s'agit d'un médecin américain qui n'a pas droit de pratique au Québec, alors il est très malvenu de commenter une autopsie refaite ici, a-t-il dit à La Voix de l'Est. Ce n'est pas de ses oignons, ce n'est pas de son ressort. Je désapprouve le seul fait qu'il s'ouvre la bouche à ce sujet.»

Les signes de pendaison étaient évidents lors de l'examen fait à Montréal. La pendaison crée un sillon qui a la forme d'un V inversé, la base du V se trouvant sur la nuque, à la hauteur des oreilles, près du noeud de la corde. En revanche, la strangulation laisse un sillon horizontal et égal tout autour du cou.

Les examens toxicologiques pourraient révéler des surprises. Toutefois, le plus important est l'examen de la scène par les policiers brésiliens, les photos prises et les croquis faits sur place, les objets saisis et les témoignages recueillis. Le coroner pourrait vouloir savoir, par exemple, si Gatti ou sa femme prenaient de façon régulière le médicament contenant la substance suspecte ou si les policiers ont trouvé des traces de cette substance dans un verre, et en quelle concentration.

L'ambassade canadienne à Brasilia a demandé aux autorités brésiliennes d'envoyer au Canada les rapports de police, ainsi que les rapports d'autopsie. Ces documents, qui comptent environ 80 pages, sont en chemin vers le Bureau du coroner. Ils devront être traduits et examinés en détail. À cela s'ajoutera l'analyse des résultats des examens toxicologiques faits au Québec. Tout ce travail prendra des mois, sinon un an. En attendant, tout porte à croire que Gatti s'est bel et bien suicidé.