Le secret le mieux gardé de la boxe québécoise tentera de devenir champion du monde de la WBC ce soir à Las Vegas. Stéphanie Morin raconte son parcours.

Benoit Gaudet a déjà pris son rendez-vous chez le tatoueur.

Gagne ou perd, le boxeur a l'intention d'immortaliser à même sa peau le combat de championnat du monde qu'il dispute ce soir à Las Vegas contre le Mexicain Humberto Soto. La vie de Benoit Gaudet peut se lire en entier sur le grain de sa peau. Sur le bras droit, les dessins évoquent sa passion pour la boxe. Le bras gauche, lui, est celui du coeur. Des deux, c'est le plus coloré.

 

«Je me suis fait tatouer le portrait de mes parents, les initiales de ma fille de huit mois, Charlie-Rose, le portrait de ma blonde, Julie. Ça fait 15 ans qu'on est ensemble...» explique le boxeur de 29 ans.

Les tatouages et le look rebelle ont longtemps été la marque de commerce de Gaudet. Son entraîneur, Stéphan Larouche, se souvient: «Quand je l'ai connu, il devait peser 75 livres et avait une petite face de malcommode. Au Jeux du Canada, en 1995, il portait des bottes noires qui lui allaient jusqu'aux genoux, un manteau de cuir à pitons, il avait le crâne rasé... Le chef de mission de l'équipe du Québec, Claude Harvey, m'avait demandé s'il pouvait enlever son anneau dans le nez pour la cérémonie d'ouverture!»

«J'ai eu une période où je m'habillais comme un vrai punk, admet Gaudet. Je suivais le look de mon grand frère, Sébastien. J'avais les allures du punk, j'aimais la musique punk, mais je n'avais pas l'attitude destructrice. Je n'étais pas méchant, ni vandale. Mais je grouillais.»

Grouillant. Aucun adjectif ne définit mieux cet hyperactif à qui quelques enseignants désespérés auraient bien voulu administrer du Ritalin. «Il fallait toujours l'avoir à l'oeil, admet sa mère Liliane Bissonnette. Il bougeait sans arrêt, parlait tout le temps. C'était essoufflant.»

Pour évacuer son trop-plein d'énergie, une seule solution: le sport. Benoit Gaudet les a tous essayés, du hockey au rollerblade en passant par le soccer, le baseball et le basketball. La boxe? Elle est entrée dans sa vie presque par hasard. «Un de mes amis allait au club de boxe de Drummondville et j'ai décidé de le suivre. J'avais 10 ans. Dès que je suis entré, ça été un coup de foudre. J'étais un fan des films de Rocky et tout ce que je voulais, c'était taper dans des sacs de sable!»

L'ami s'est vite lassé. Pas lui. Pendant 15 ans, il a passé des heures au gymnase, parfois au grand dam de son entraîneur de l'époque, Denis Chapdelaine. «Au début, il venait plus pour jouer que pour apprendre. Il courait, il roulait partout avec ses rollerblades! C'était un petit tannant. Je pense que des fois, ses parents l'amenaient au gym pour se donner un petit répit!»

«La boxe l'a sauvé, ajoute sa mère. Il brûlait ses énergies sur le ring.»

Quand la boxe ne suffisait pas pour le vider complètement, il enfilait ses rollerblades et allait rouler quelques heures. «Il sautait les rampes de l'escalier de l'église en se faisant filmer, se rappelle sa mère. Il était vraiment cowboy. Il est chanceux de ne s'être jamais rien cassé.»

Gymnase de fortune

Après la fermeture du club de boxe de Drummondville, il s'est retrouvé à s'entraîner dans un gymnase de fortune aménagé dans le sous-sol de Denis Chapdelaine.

«C'était minuscule, 16 pieds par 12, pas plus, avec des rails au plafond pour pouvoir déplacer les sacs. Les murs étaient pleins de trous. Je les défonçais avec mes coudes si je reculais trop. Il fallait faire attention: un des murs était en béton!»

De 1998 à 2001, il a sué entre ces quatre murs. Souvent seul. «Il fallait que j'aille jusqu'à Saint-Hyacinthe pour trouver des partenaires de sparring. J'attachais mes gants tout seul. J'avais développé toute une technique pour mes cordons.»

Malgré les difficultés, il s'accroche. Avec succès. Au championnat du monde de boxe amateur de 1999, à Houston, il remporte le bronze chez les coqs et devient le premier Québécois de l'histoire à vaincre un Cubain.

Aux Jeux de la Francophonie de 2001, tout bascule. Il est battu par un boxeur qu'il avait vaincu six fois auparavant. Pour lui, c'est l'électrochoc. Il décide de s'associer à Stéphan Larouche avec, comme objectif, les Jeux d'Athènes en 2004.

Ses Jeux ont été brefs: après avoir battu le champion olympique de 1996, le Thaïlandais Somluck Kamsing, il s'est incliné à son deuxième combat contre le Coréen Seok Hwan Jo. Sa carrière chez les amateurs était bel et bien finie.

L'humiliation, puis la revanche

«Son arrivée chez les pros s'est bien passée, dit Stéphan Larouche. Jusqu'à ce qu'il se fasse passer le K.-O. par Henry Arjona à la première minute du premier round de son combat à Saint-Jérôme.»

Pour rebâtir sa confiance, il aurait pu affronter deux ou trois jambons. Mais Larouche et Interbox avaient décidé de tenter le tout pour le tout: une revanche contre Arjona, chez lui à Drummondville, dans son tout premier combat principal en carrière. Bonjour la pression! Gaudet a tenu le coup: il a battu le Mexicain par décision unanime devant 3000 spectateurs comblés.

Ce soir, les Drummondvillois seront encore nombreux à regarder le combat de Gaudet à la télé. Parmi eux, Denis Chapdelaine. «J'ai travaillé avec Benoit pendant 15 ans. Sa ténacité et sa persévérance m'impressionnent. C'est tout un exemple à suivre.»

GAUDET 20-1-0, 7 K.-O. CHAMPION NABA DES SUPER PLUMES, BENOIT

Quatrième aspirant WBA. neuvième aspirant WBC. Date de naissance : 18 décembre 1979.

Lieu de naissance : Drummondville. Grandeur : 1 m 72. Portée : 60 cm Droitier.