Les aventuriers de l’Arctique ressentent les impacts des tensions géopolitiques. La fermeture d’un camp de base géré par des Russes, essentiel à plusieurs expéditions, a forcé Vincent Colliard à mettre de côté son rêve de rejoindre le pôle Nord en ski.

De son côté, le coureur Patrick Charlebois espère que les organisateurs du marathon du pôle Nord, auquel il devait participer en avril, trouveront une autre façon de transporter les participants sur place.

À l’origine, Barneo était une base scientifique que les Soviétiques installaient chaque année sur la banquise à proximité du pôle Nord. Depuis environ 25 ans, Barneo sert de camp de base pour les touristes et les aventuriers de l’Arctique.

Un milliardaire suédois, Frederik Paulsen, a acquis le camp de base en 2018, mais a conservé le personnel russe, des experts spécialisés dans la construction et la gestion d’une base dans ces conditions très particulières.

Le camp n’a pas ouvert en 2018 en raison d’un conflit entre cette équipe russe et des pilotes ukrainiens. La pandémie a empêché l’ouverture de la base en 2020 et en 2021, et l’invasion russe en Ukraine a fait obstacle à une réouverture en 2022.

Cette année, le gouvernement norvégien n’a pas accordé de permis de travail aux 35 experts russes essentiels à l’ouverture du camp. Et cette semaine, les autorités norvégiennes ont refusé d’autoriser les vols qui devaient relier la base au territoire norvégien de Svalbard, des liaisons essentielles au projet.

L’Administration de l’aviation civile norvégienne a expliqué que ces vols auraient un impact environnemental beaucoup trop élevé dans cette région très fragile, déjà aux prises avec les conséquences des changements climatiques.

Vincent Colliard s’interroge sur les raisons invoquées. « À mon humble avis, ça relève plutôt des tensions géopolitiques. »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE VINCENT COLLIARD

La photo crève-cœur : Vincent Colliard revient à Montréal sans avoir pu mettre en œuvre son projet de rallier le pôle Nord en ski.

Il espérait rallier le pôle Nord à partir de l’île de Ward Hunt, au nord de l’île d’Ellesmere, en solo, une expédition à l’image de celle que sa conjointe Caroline Côté a récemment accomplie dans un temps record en Antarctique.

Au pôle Nord, il devait prendre un vol nolisé vers la base de Barneo, puis vers la civilisation.

« Je préparais tout mon équipement à Montréal sans avoir la confirmation de l’ouverture de la base de Barneo, raconte-t-il. Je me suis dit qu’il fallait que je me rende quand même à Resolute Bay avec tout mon équipement pour être en mesure de prendre le dernier vol nolisé vers Ward Hunt, le 17 ou le 18 mars. J’avais calculé que ça prenait ça pour atteindre le pôle Nord avant le 28 avril, soit la date prévue pour la fermeture de la base de Barneo. »

À Resolute Bay, dans l’île de Corwallis, il n’avait toujours pas de confirmation au sujet de l’ouverture de Barneo. Il a dû prendre une décision déchirante : rentrer à Montréal parce qu’il était trop risqué de partir sans avoir l’assurance de passer par Barneo au retour.

L’abandon de son expédition a été crève-cœur, sur le plan financier (il y a mis 30 000 $ US) et sur le plan personnel.

« Je passe un peu de temps avec Caroline qui, elle, va guider une expédition au Groenland. Moi, je viens de refuser une occasion de guider au Svalbard parce que je suis trop confus dans ma tête, j’ai vraiment besoin de faire un bon reset. »

Cela pourrait passer par une expédition en Antarctique à la fin de 2024.

Patrick Charlebois dans l’attente

Patrick Charlebois, lui, a encore espoir de faire son marathon autour du pôle Nord cette année. Selon le plan original, les participants devaient établir leur camp de base à Barneo en avril, puis prendre un hélicoptère pour se rendre au pôle Nord.

Les organisateurs ont d’abord essayé de faire appel auprès du gouvernement norvégien, sans succès. Ils examinent maintenant la possibilité de trouver un brise-glace pour se rendre à proximité du pôle et tenir l’évènement comme prévu.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le coureur trifluvien Patrick Charlebois s’est donné plusieurs défis dans le passé, comme courir sept marathons en sept jours sur sept continents en 2017.

« Ils ont demandé s’il y avait de l’intérêt de notre côté parce qu’on parle quand même de plus de temps pour nous rendre, raconte M. Charlebois. J’ai levé la main : par tous les moyens, je veux aller au pôle Nord. »

Des entreprises commerciales organisent des croisières en brise-glace au pôle Nord, mais celles-ci ont généralement lieu en été. Ces croisières sont souvent entièrement réservées des mois à l’avance et peuvent coûter entre 48 000 et 70 000 $ CAN.

Le projet orignal de marathon, via Barneo, coûtait un peu moins de 27 000 $ CAN. Il sera remis à 2024 si ces efforts de dernière minute ne fonctionnent pas.

« On est un peu surpris parce que ça s’est fait à la dernière minute, indique Patrick Charlebois. C’est ça qui est plate. Mais je continue mon entraînement comme prévu. »