(Beaupré) Assis dans la neige, poing droit dans les airs, Eliot Grondin savait que le podium lui était pratiquement acquis.

Quelques secondes plus tôt, il avait franchi la ligne d’arrivée dans un nuage de neige. Dans une ultime tentative pour projeter le nez de leur planche vers l’avant, les trois premiers finalistes ont terminé la course sur les fesses.

« Je me doutais que c’était probablement pour la deuxième ou la troisième place. Je ne savais pas où était le quatrième. Je me doutais que ce serait un podium, mais ça se passe tellement vite que tu n’as aucune idée. »

Meneur de la finale pendant la majorité de la descente, Grondin a abouti au troisième rang après visionnement de la photo d’arrivée par les juges. L’Allemand Martin Nörl et l’Américain Jake Vedder l’ont devancé, dans l’ordre.

Grondin, vainqueur de la veille, est donc monté sur le podium pour la deuxième journée consécutive, dimanche, à la Coupe du monde de snowboardcross du Mont-Sainte-Anne, ultime compétition de la saison.

« C’est une fin de semaine de rêve », a acquiescé Grondin, drapeau canadien sur les épaules, après avoir été acclamé par les siens pendant la cérémonie protocolaire.

À sa grande surprise, le Québécois de 21 ans a également grimpé sur la troisième marche du podium pour son classement final de l’hiver.

« Il y a seulement 10 jours, j’étais huitième au cumulatif, a-t-il rappelé. Je réussis un super bon week-end ici et me voilà troisième. Oui, j’ai peut-être eu une saison difficile, mais [de conclure] les trois dernières Coupes du monde en grande finale comme ça, ça fait du bien. Ça va rendre mon été un peu plus facile mentalement. »

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Eliot Grondin (à gauche) traverse la ligne d’arrivée. L’Américain Jake Vedder (à droite) a terminé deuxième tandis que l’Espagnol Lucas Eguibar a pris la quatrième place.

Le vice-champion olympique à Pékin avait terminé deuxième en 2021. « Espérons que l’an prochain, ce soit le Globe. Mais je suis vraiment super content de mes dernières semaines. En fait, depuis les Mondiaux et la préparation qui a été faite avec l’équipe. Juste de réussir à revenir en grande finale, à gagner et à me mesurer aux meilleurs gars… »

Les compétiteurs ont dû composer avec les flocons et des conditions de neige molle après une tempête qui avait laissé près de 30 centimètres de neige depuis la veille.

« C’était assez intense, rien ne tenait dans les virages, a relaté Grondin. C’était pratiquement des champs de bosses. La neige était molle. Vers la fin, il commençait à mouiller dans les lunettes, tu ne voyais pas vraiment où tu allais. »

Fidèle à ses habitudes, l’athlète de Sainte-Marie, en Beauce, a produit un excellent départ en finale, se donnant une priorité d’une ou deux longueurs de planche sur ses trois poursuivants. Il a conservé une avance jusqu’à la dernière ligne droite.

« Idéalement, à la sortie du quatrième virage, j’aurais eu quelques longueurs de planche de plus, pour que ça tienne vraiment. Mais tu es en grande finale, en Coupe du monde. Réussir à dominer du départ et laisser les autres en dehors de l’aspiration, c’est faisable, mais ce n’est vraiment pas facile.

« Je me doutais que ça reviendrait. Hier [samedi], ça a réussi à tenir, mais pas autant aujourd’hui [dimanche]. L’Espagnol [Lucas Eguibar, 4e] touchait ma planche en ligne droite. On se rentrait dedans un peu. Je voulais juste rester en ligne droite le plus possible. Je les voyais revenir et j’espérais juste que ce soit assez pour un podium. »

Le podium

Martin Nörl a comblé l’écart pour devancer d’une infime marge l’Américain Jake Vedder, pourtant persuadé de l’avoir emporté. Avec cette victoire, l’Allemand a conservé sa place au sommet du classement et mis la main sur son deuxième Globe de cristal de suite.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Martin Nörl

« C’était le but, de remporter le Globe », a expliqué Nörl, qui se méfiait surtout d’Eguibar, son plus proche poursuivant.

« Lucas était juste derrière moi. Je savais que je devais être meilleur que lui. J’avais profité de son aspiration et ma planche était super rapide. À l’arrivée, je ne savais pas si j’étais premier, deuxième ou troisième, mais je savais que Lucas était derrière moi et que j’avais gagné le Globe. À la fin, j’ai vu la photo d’arrivée. Gagner est encore mieux ! Que ça se conclue comme ça, c’est simplement parfait. »

Vice-champion mondial en titre, Nörl, 29 ans, ne s’est pas fait prier pour vanter les mérites de Grondin. « Eliot est encore jeune et il a déjà gagné beaucoup de choses, a souligné l’Allemand. On n’a pas fini de le voir. »

C’est un f***ing bon planchiste, mes excuses pour mon langage. Sur le plan personnel, c’est également un très bon gars. Je l’aime.

L’Allemand Martin Nörl, au sujet du Québécois Eliot Grondin

Gagnera-t-il un globe un jour ? « Oui, il n’y a aucun doute. »

Maëlle Ricker, co-entraîneuse-chef de l’équipe canadienne, voit aussi grand pour son protégé après cette « fin de semaine parfaite pour lui ».

« L’année prochaine, il va être encore plus fort », a prédit la médaillée d’or olympique de Vancouver en 2010. « Ça va être vraiment cool de le suivre en route vers les Jeux olympiques en Italie en 2026. […] Il n’a que 21 ans, mais il a l’expérience de quelqu’un de plus vieux. Ça montre qu’il va être un champion pendant des années. »

En tapant sur sa poche, Ricker a raconté qu’elle possédait dans son téléphone une photo d’elle avec Eliot, qui avait 11 ans quand elle a gagné l’or aux Championnats du monde de Stoneham en 2013.

« Il était tout petit comme ça… C’est cool de revenir courir au Québec 10 ans plus tard. Maintenant, il est grand et il est champion. »

Grondin a apporté sa contribution pour transmettre lui-même le flambeau en s’adonnant à une séance de signatures à la conclusion des cérémonies.

« Avoir la chance d’avoir une Coupe du monde au Québec, c’est super cool pour les jeunes qui font le sport, a-t-il témoigné. Ça montre l’envergure de tout ça. C’est bon pour la relève, plein de monde va voir ça. C’est super bon pour le sport, surtout au Québec. »

Grondin s’est fait le porte-voix de tous les planchistes en affirmant que tout le circuit souhaite que Mont-Sainte-Anne devienne un évènement annuel. Chose certaine, c’est l’intention de Canada Snowboard de planter sa tente au même endroit l’hiver prochain.