Les parents de Mikaël Kingsbury, Julie Thibaudeau et Robert Kingsbury, ont accueilli La Presse dans leur demeure de Deux-Montagnes.

Plus de 20 ans plus tard, la feuille est toujours là, collée au plafond au-dessus du lit de l’ancienne chambre de Mikaël Kingsbury. Sous l’image des anneaux olympiques, trois mots : « Je vais gagné [sic] ».

Mikaël, 9 ans, écoutait l’épreuve de bosses des Jeux olympiques de Salt Lake City avec son père, en 2002, quand il a décidé d’aller imprimer le logo olympique. Ce n’est que plus tard cette journée-là que ses parents, Julie Thibaudeau et Robert Kingsbury, ont remarqué la feuille au plafond, dans sa chambre. Une autre feuille identique se trouve sur le côté de la tête de lit. Avant de s’endormir, le soir, le petit skieur rêvait.

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Une des deux feuilles avec le logo olympique dans l’ancienne chambre de Mikaël Kingsbury

« Je lui avais déjà expliqué le pouvoir de la visualisation, nous raconte le paternel. Je lui avais déjà expliqué que tes rêves peuvent devenir réalité. On enseignait à nos enfants que sky is the limit. Tu peux faire ce que tu veux dans la vie. »

L’ancienne chambre de Mikaël, située au sous-sol de la jolie demeure familiale de Deux-Montagnes, fait presque penser à un petit musée. Nombre de souvenirs y sont entassés : sur le bureau, des dizaines de photos ; sur la tête de lit, un amas de peluches.

« Quand je vais aux Jeux olympiques, j’achète des souvenirs pour ses futurs enfants. […] Je suis quétaine ! », s’exclame Mme Thibaudeau.

À l’étage principal, sur le meuble de télévision, s’alignent les fameux globes de cristal. Ils sont presque tous là – Mikaël en a apporté quelques-uns dans sa nouvelle maison, acquise à la fin de décembre.

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Les globes de cristal remportés par Mikaël Kingsbury

Au cours des dernières semaines, le triple médaillé olympique s’est assuré d’ajouter deux autres globes à sa collection ; ses 22e et 23e en carrière. Il a ainsi surpassé le record de son sport, qui appartenait jusque-là à la Suissesse Conny Kissling.

Au début du mois de février, lors de la Coupe du monde de Val Saint-Côme, l’ex-champion olympique Jean-Luc Brassard affirmait à La Presse que Kingsbury « vient d’un milieu familial formidable axé sur l’épanouissement et non les résultats ».

Voilà ce qui nous a menés ici, à Deux-Montagnes. Là où le roi des bosses s’est forgé…

Les valeurs humaines

Mikaël Kingsbury a été initié au ski à l’âge de 4 ans ; ses parents possédaient un chalet à Saint-Sauveur, sur le bord des pistes. Le ski est devenu une activité familiale pour le clan de trois enfants – l’aîné, Maxime, et la benjamine, Audrey, ont aussi fait du ski de haut niveau. « C’est un virus qui a passé chez nous ! », lance Julie Thibaudeau en souriant.

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Le tout jeune Mikaël Kingsbury (à gauche) avec son grand frère Maxime

Mikaël était un naturel ; quel que soit le sport qu’il essayait, il excellait. Mais le ski et la planche à neige ont gagné son cœur.

« Il trouvait un carton chez nous l’été et il se mettait les deux pieds dessus », se remémore Robert Kingsbury.

Le sport a rapidement pris une grande place dans la vie du jeune homme. Dès ses premières compétitions, il a connu du succès. À la maison, il utilisait des crayons pour répéter ses sauts. Il reproduisait avec sa bouche le bruit des skis qui changent de direction dans la neige.

Il voyait le mouvement, il décortiquait. Les entraîneurs me disaient qu’il avait un grand sens aérospatial.

Julie Thibaudeau

« Les gens venaient nous voir et nous disaient : “Vous êtes dans le trouble, vous autres ! Il est bon !” », se souvient-elle.

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Les parents de Mikaël Kingsbury, Robert Kingsbury et Julie Thibaudeau

Mais les parents ne souhaitaient qu’une chose : que leur fils traverse l’adolescence avec une passion. « On voulait qu’il ait un groupe d’amis comme lui, aussi », dit Robert Kingsbury.

On valorisait plus les valeurs humaines que les résultats. Le plus beau compliment qu’on avait, c’est quand les gens venaient nous voir et nous disaient combien [Mikaël] est une bonne personne, combien il joue un rôle avec les jeunes des autres pays.

Robert Kingsbury

Notre conversation est interrompue par un appel sur le cellulaire de Mme Thibaudeau : c’est Mikaël, en direct de l’Italie. « Je voulais juste vous dire que je vais bien », signifie-t-il à ses parents en convenant de les rappeler un peu plus tard.

« Ça, c’est obligatoire ! Sinon, il est dans le trouble ! », lance la maman en riant après avoir raccroché.

Être heureux

Petit Mikaël est devenu grand ; grand athlète, grand ambassadeur de son sport. Ses parents, comme son frère et sa sœur, regardent chacune de ses compétitions, peu importe l’heure et l’endroit.

À ce jour, Kingsbury a remporté un total absolument prodigieux de 78 victoires en Coupe du monde et de 6 en Championnats du monde. Au fil des années, tout le monde s’est habitué à voir le Québécois gagner. Tellement qu’une deuxième place est presque devenue un échec.

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Des médailles remportées par Mikaël Kingsbury

« Il a créé quelque chose. Il s’est mis dans une position où il crée des attentes », reconnaît Robert Kingsbury.

« Mais on le prend de la bonne façon, renchérit sa conjointe. On prend ça positivement. »

Elle rappelle néanmoins : « C’est beau, une deuxième place ! Sinon, t’es heureux quand, dans la vie ? Il faut savourer nos succès ! »

Même après tant d’années, les parents peinent à réaliser les exploits de leur fiston. « Il revient ici et il a ses mêmes amis d’enfance, sa même petite vie. Il s’informe de ses nièces », note M. Kingsbury.

Leur fils vit de sa passion. Il est épanoui. C’est tout ce que les parents ont toujours souhaité pour leurs trois enfants.

« L’important, c’est que chacun trouve sa voie et soit heureux », conclut Julie Thibaudeau.