C’est Marie-Michèle Gagnon qui a annoncé à sa coéquipière Valérie Grenier qu’elles participeraient au combiné alpin qui a ouvert les Championnats du monde de ski alpin, lundi à Méribel.

« J’ai dit : ‟Il va falloir qu’on demande de l’équipement à nos représentants”, parce qu’on n’avait pas de pôles, pas de protège-tibias, pas de casques… » a raconté Grenier, rapportant l’anecdote qui remontait à quelques semaines.

Sa boutade illustre que cette épreuve n’était pas prioritaire pour les deux skieuses canadiennes – de même que pour nombre de rivales du circuit qui tendent à bouder cette discipline qui récompense la polyvalence.

L’idée était plutôt de prendre des repères sur la piste Roc de fer, que seule Gagnon avait déjà dévalée il y a de cela 10 ans.

Ce n’était pas une raison pour ne pas tenter sa chance, surtout pour Grenier, un peu anxieuse de s’élancer deuxième, qui a enregistré le neuvième temps de la manche initiale de super-G, à 1,27 seconde de la meneuse Federica Brignone et à une demi-seconde du podium.

La Franco-Ontarienne semblait d’ailleurs dans le coup durant le slalom jusqu’à ce qu’une erreur la projette presque hors du parcours.

Même si les carottes étaient cuites, elle a tout fait pour se rendre jusqu’en bas, où ses parents l’attendaient. Au total des deux manches, elle a terminé 14e, à 6,63 secondes de la gagnante, l’Italienne Brignone.

« Je me suis retrouvée assise sur mes skis pendant une pin [deux portes verticales] ou un changement de terrain », a expliqué Grenier en chassant l’acide lactique sur son vélo stationnaire. « Ce n’était juste pas la chose à faire à ce moment-là. Le parcours était tournant et il fallait rester au-dessus de ses skis. Je me suis fait prendre un peu. »

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Valérie Grenier

La native de Saint-Isidore n’avait fait qu’une demi-douzaine de manches d’entraînement entre les piquets en prévision des Mondiaux. Elle s’est toutefois bien sentie et regrettait donc cette occasion ratée.

« Avec le recul, je pense que j’avais vraiment le potentiel de gagner une médaille, a estimé la gagnante du slalom géant de Kranjska Gora le mois dernier. C’est juste dommage, mais ce sont des choses qui arrivent. On peut toujours dire ça après une erreur. Il ne faut pas non plus que j’y pense trop. »

Gagnon : « Reconstruire la confiance »

Même si le combiné lui a procuré ses deux seules victoires en Coupe du monde en 2014 et 2016, Gagnon n’avait pas de grandes attentes. Elle n’a pratiquement pas touché à ses skis de slalom depuis quatre ans, moment où elle a décidé de se consacrer exclusivement aux épreuves de vitesse.

« Le but aujourd’hui était d’embarquer sur la piste pour le super-G dans deux jours », a-t-elle expliqué.

L’occasion était d’autant plus importante pour la skieuse de Lac-Etchemin qu’elle a subi une grave chute à sa dernière sortie en descente à la Coupe du monde de Cortina d’Ampezzo, le 20 janvier.

Protégée par sa veste gonflable, elle a évité le pire, même si elle a craint pour un genou et un pouce qu’elle s’était fracturé quelques semaines plus tôt, ce qui l’oblige à skier avec une attelle.

« J’avais mal partout quand je me suis réveillée le lendemain, mais on a fait vérifier mon genou et tout était correct finalement, a-t-elle relaté. C’est mentalement que ça m’a le plus affectée. Je n’ai pas tant commencé la saison en force. En supergéant, ça allait quand même bien, mais en descente, je n’avais pas la même confiance que d’habitude. »

Elle a raté la deuxième descente à Cortina avant de sortir de parcours le surlendemain en super-G.

Gagnon a donc abordé avec prudence le super-G du combiné des Mondiaux : « Je suis en train de reconstruire la confiance et je savais que je n’allais pas attaquer comme d’habitude. Je n’avais pas vraiment de chance de médaille. »

Elle a obtenu le 18temps, à 1,86 seconde de Brignone. « J’étais contente de mon approche, de ma ligne aujourd’hui. Mais je sais à 100 % que j’ai vraiment plus de gaz sous la pédale. C’était une étape importante pour pouvoir réattaquer et reprendre confiance. »

En slalom, la skieuse de 33 ans s’est « fait plaisir » malgré une rouille manifeste, réussissant le 9chrono pour se classer 10e au cumulatif (+ 4,91).

Meneuse après le super-G, Brignone s’en voulait d’avoir commis une erreur qu’elle croyait rédhibitoire après le slalom où elle partait première. Finalement, son temps a résisté à toutes les concurrentes suivantes, dont Mikaela Shiffrin. Sixième du super-G, l’Américaine semblait se diriger vers une autre médaille d’or quand un déséquilibre l’a forcée à enfourcher un piquet à trois virages de la fin.

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Federica Brignone

« C’est ce qui manquait à ma carrière, une médaille d’or aux Championnats du monde », s’est réjouie l’Italienne aux boucles brunes, en pleurs sur le podium pendant l’hymne national de son pays.

La Suissesse Wendy Holdener, championne mondiale en 2017 et en 2019, est revenue de l’arrière pour décrocher l’argent. L’Autrichienne Ricarda Hasser a causé la surprise en gagnant le bronze, le premier podium individuel de sa carrière, toutes compétitions confondues.

Shiffrin, qui accusait un retard de 96 centièmes sur la tête, a admis avoir été mise « sous pression » par Brignone.

« C’est une athlète fantastique même si elle ne skie pas souvent du slalom », a noté la nouvelle détentrice du record de victoires en Coupe du monde. « Ma seule chance de remporter l’or était de prendre tous les risques et de pousser vraiment fort, et c’est ce que j’ai fait. Ça n’a pas fonctionné à la fin. J’ai glissé, et tu sors dans le temps de le dire. »

Grenier prendra une journée de repos mardi tandis que Gagnon participera à la première descente d’entraînement. Les deux Canadiennes doivent s’aligner au super-G prévu mercredi.

« Chaque jour est précieux, a indiqué Gagnon, 8e du super-G de Lake Louise en début de saison. Je veux vraiment retrouver ces bonnes sensations sur mes skis et le feeling de vouloir attaquer. C’est ce qui me manque en ce moment. »

Les Championnats du monde de Méribel et Courchevel sont diffusés en direct sur le web par Radio-Canada et CBC.