« Si je veux un podium, je n’ai pas le choix de faire un triple cork. »

Telle a été la réflexion de Laurie Blouin après sa première journée de compétition aux X Games, la semaine dernière. La Québécoise venait de terminer au cinquième rang en descente acrobatique (slopestyle) ; un résultat qui l’a déçue, dans une épreuve où elle avait remporté le bronze en 2021 et en 2022.

Ce soir-là, elle a donc passé un coup de fil à sa psychologue sportive. Elle lui a parlé de son désir de tenter un triple saut désaxé (triple cork), une manœuvre qu’aucune planchiste n’avait encore réalisée en compétition avant cette journée du 28 janvier.

« C’est nouveau, dans le monde des filles. C’est gros. C’est de repousser ses limites », explique l’athlète de 26 ans à La Presse.

La veille, la Canadienne Megan Oldham était devenue la première à compléter la manœuvre en skis. « D’avoir vu Megan le faire, ça m’a encore plus crinquée, motivée », lance Blouin.

À son premier essai, la native de Stoneham a tenté le coup. Elle a chuté à l’atterrissage, mais elle venait de « briser la glace ». « C’était un stress de moins, dit-elle. Le premier est toujours un peu plus stressant. »

Elle s’est donc présentée plus confiante au deuxième essai. Autre chute.

Même résultat au troisième essai.

« De ne pas l’atterrir, ça me fâchait encore plus. J’avais juste le goût de remonter et de l’atterrir », raconte-t-elle.

C’est la dernière tentative qui fut finalement la bonne. Déterminée, Blouin s’est élancée de son côté opposé, a réalisé la manœuvre de toute beauté avant d’atterrir sur sa planche sous les cris de la foule. Exultant, la Québécoise est restée étendue sur la neige quelques secondes au bas de la piste avant de se relever.

Résultat : une médaille de bronze. Son sixième podium en carrière aux X Games.

« D’avoir atterri ça en compétition… Oui, j’y pensais, mais en même temps, je ne pensais pas que ça allait arriver un moment donné. D’avoir été dans le bon état d’esprit et de l’avoir fait, je suis vraiment contente. »

La Japonaise Reira Iwabuchi, qui avait elle aussi réussi la manœuvre un peu plus tôt, a remporté l’or. La Néo-Zélandaise Zoi Sadowski-Synnott s’est pour sa part emparée de l’argent.

Autrement dit : Oldham, Iwabuchi et Blouin sont devenues, en une seule compétition, les trois premières femmes à réaliser le triple cork en compétition. Une journée historique, rien de moins.

Ça va vraiment avoir un gros impact. J’espère que ça peut inspirer d’autres femmes et jeunes filles à pousser le snowboard encore plus.

Laurie Blouin

Plaisir et satisfaction

Laurie Blouin avait prévu célébrer son résultat avec ses amis après la victoire, mais la fatigue l’en a empêchée. Les descentes, rapides et en altitude, sont exigeantes physiquement. C’est donc vendredi qu’elle soulignera l’exploit avec des amis, avant de s’envoler pour la Coupe du monde de Calgary le 7 février.

Disons que sa performance aux X Games a de quoi l’enthousiasmer pour les quatre dernières compétitions de la saison, dont trois en descente acrobatique. « C’est sûr que c’est motivant ! », s’exclame-t-elle.

Quant à savoir si elle compte livrer d’autres triples sauts désaxés prochainement, Blouin explique que le grand saut de 75 pieds de long des X Games était propice à ce genre de manœuvre.

« Essayer ça sur un saut de 50 pieds, ça m’intéresse un peu moins. Ça va dépendre de la compétition et du saut, si ça me permet d’être à l’aise de ne pas être obligée de le garrocher en malade. […] Quand j’en aurai fait 60, ce sera OK, mais je suis encore au début, alors je préfère avoir un plus gros saut pour le faire et être à l’aise. »

Jusqu’ici cette saison, Blouin a pris part à deux Coupes du monde. Victime d’une blessure à un talon avant les finales à Edmonton, elle a terminé sixième au grand saut. À Laax, elle a pris le 13e rang en slopestyle après avoir, croit-elle, « atterri une super belle descente ». « C’est un sport jugé et ça arrive qu’on se fait juger un peu bizarrement. »

Blouin est donc impatiente de se rendre à Calgary. Quelle que soit la compétition, c’est le podium qu’elle vise… « mais pas trop en même temps », précise-t-elle. « Ma mentalité, c’est d’avoir du fun et d’être satisfaite avec les descentes que je fais et mes manœuvres. »