Ce n’est pas l’appel auquel Antoine Cyr s’attendait après avoir obtenu le meilleur résultat de sa carrière en Coupe du monde. Le fondeur de Gatineau avait fini sixième au sprint classique du Tour de ski présenté à Val di Fiemme, le 6 janvier, en Italie.

« Je m’attendais à recevoir des fleurs en quantité… »

Au téléphone, son entraîneur Louis Bouchard était plutôt mécontent de la façon dont il s’était comporté en finale, sa première sur le circuit de la Coupe du monde. L’appel a duré 10 minutes… et le skieur s’est fait poivrer pendant huit d’entre elles.

« Quand tu es coach, tu es parfois émotif, témoigne Bouchard. Je lui ai dit : c’est le fun là, mais ce n’est pas un succès aujourd’hui. »

L’entraîneur regrettait que son protégé ait changé son approche en finale par rapport aux tours précédents.

« Antoine a une force peu commune dans ce sport, les montées en pas alternatif. Il ne l’a pas utilisée en finale alors qu’il l’avait fait en qualification, en quart et en demi-finale. Tout d’un coup, il s’est senti intimidé. »

« Une claque dans la face »

Selon les deux protagonistes, le message est passé avec diplomatie, mais avec fermeté. « J’ai raccroché le téléphone et ça m’a vraiment donné comme une claque dans la face », admet Cyr, joint mercredi en Italie.

« C’était comme : je ne serai jamais capable de repercer le top 10 en Coupe du monde. J’ai quand même raté ma chance solide ! »

Le fondeur de 24 ans est « resté bête un peu ». « J’avais l’impression que c’était une conversation comme celles qu’il avait régulièrement avec Alex [Harvey], sachant qu’il a fait de nombreuses finales en Coupe du monde. »

L’intervention de l’entraîneur s’est avérée transformatrice. Le lendemain, toujours à Val di Fiemme, le spécialiste du classique a pris toute sa place dans la principale montée durant le 15 km départ groupé. Bien positionné pour le sprint final, il a abouti au pied du podium par quelques centimètres.

Si la ligne d’arrivée avait été quelques mètres plus loin, il aurait terminé deuxième ou troisième cette journée-là. Ça a été fantastique.

Louis Bouchard, entraîneur d’Antoine Cyr

Cyr est heureux de reconnaître que son entraîneur « avait raison » : « Sans ce coup de téléphone, la course n’aurait pas été la même. Jamais je n’aurais été proche de la quatrième place. Je skiais avec beaucoup plus de confiance. J’étais vraiment un athlète changé. »

Quand il a vu les nombreux appels manqués sur son téléphone après l’épreuve, il a quand même eu un petit doute…

« Je me disais : bon, qu’est-ce qu’il va me dire cette fois-ci ? “Qu’est-ce que tu as fait dans le finish ?” Mais non, je sentais qu’il était super émotif. Il m’a vraiment félicité. »

Une suite logique

Pour Bouchard, ce « déclic » n’est qu’une suite logique de l’évolution d’un athlète qui avait terminé 12e au 10 km des Championnats du monde juniors de 2018. L’hiver dernier, il a fini cinquième au relais sprint des Jeux olympiques de Pékin avec l’Ontarien Graham Ritchie.

« Alex était encore dans l’équipe quand Antoine est arrivé de Gatineau comme junior première année, rappelle Bouchard. C’était le seul parmi les autres fondeurs du centre qui était parfois capable de donner du fil à retordre à Alex dans certaines sessions d’entraînement. Ça fait longtemps que je sais qu’Antoine va y arriver. Après, c’est de l’amener à un stade où il y croit vraiment. »

Cyr est persuadé que sans l’appel de son entraîneur après le sprint du Tour de ski, il n’aurait pas non plus terminé huitième du 20 km classique départ groupé à la Coupe du monde des Rousses, en France, dimanche. Le Québécois s’est démarqué dans un peloton très relevé et sur un parcours exigeant.

« Si ce n’est pas la meilleure course de ta carrière, je ne sais pas laquelle c’est », l’a louangé Devon Kershaw, ex-membre de l’équipe canadienne, dans son émission balado. « C’était magnifiquement exécuté. »

Ironiquement, Cyr a dû pousser la note pour prendre le départ de cette Coupe du monde, où il s’est également classé 22e du sprint classique samedi. Nordiq Canada avait décidé de ne pas se présenter à cette compétition pour privilégier une préparation à la maison en vue des Championnats du monde, une hérésie pour un athlète performant comme Cyr, selon Kershaw.

Les deux parties ont donc trouvé un terrain d’entente. Grâce à un contact avec un entraîneur, Cyr a obtenu le soutien complet de l’équipe française, qui l’a hébergé et s’est occupé de ses skis. La fédération québécoise l’a aussi aidé à financer ce voyage qu’il a fait seul.

« Il y avait de bons points à prendre pour le classement général et c’était également une excellente occasion de tester ma forme puisque tous les meilleurs étaient là, a-t-il souligné. J’étais content d’y être aussi. »

Avec son coéquipier Olivier Léveillé, Cyr passera les 10 prochains jours à Livigno pour un stage en altitude en prévision des Mondiaux de Planica, en Slovénie, disputés du 22 février au 5 mars.

« On vise des résultats dans le top 20 », a indiqué Cyr, gonflé à bloc avant le grand rendez-vous de la saison.