Laurence St-Germain gagne sa vie à coups de dixièmes de seconde. C’est pourquoi sa notion du temps qui passe est quelque peu altérée. À la veille d’une autre saison, elle est maintenant mûre pour grimper sur le podium et guider les jeunes vers la terre promise.

Le Canada n’a jamais pu compter sur autant de skieuses de talent. L’équipe nationale est équilibrée, tant en âge qu’en potentiel, et la cohésion au sein de cette brigade semble inébranlable.

C’est lors d’un camp d’entraînement en Nouvelle-Zélande, l’été dernier, que St-Germain a réalisé qu’elle était la slalomeuse la plus expérimentée de la formation. Avec la retraite d’Erin Mielzynski, c’est au tour de la Québécoise d’épauler la prochaine génération.

« On dirait que c’est là que ça a cliqué que j’étais la plus vieille », raconte l’athlète de 28 ans en retenant son rire pour ne pas déranger ses coéquipières qui regardaient un film dans la pièce d’à côté dans leur hébergement de Levi, en Finlande.

La double olympienne a de l’expérience à revendre et elle compte bien en faire profiter les Sarah Bennett, Ali Nullmeyer et Amelia Smart qui la côtoient quotidiennement. « Avant, il y avait Erin. Je pouvais lui poser des questions, mais maintenant c’est moi qui me fais poser des questions. C’est gratifiant. »

Même si l’athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges est joviale et s’exprime avec aisance, elle est tout de même de nature discrète. Elle se rappelle qu’à ses débuts sur le circuit de la Coupe du monde en 2015, elle se retenait parfois de lever la main. Elle se souvient qu’elle trouvait l’entraînement difficile, ce qui est tout à fait normal, puisque l’équipe nationale réunit la crème de la crème.

Elle veut donc s’assurer que ses coéquipières soient à l’aise dans tous les aspects de leur quotidien, surtout à l’entraînement.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Laurence St-Germain

Dès que tu arrives sur l’équipe canadienne, c’est sûr qu’il y a plus de pression de performance. On a un bon groupe de jeunes, donc je veux m’assurer qu’elles soient bien encadrées et qu’elles continuent de progresser.

Laurence St-Germain

La nouvelle étoile Polaire de la constellation canadienne devra s’adapter à sa nouvelle réalité. Elle est maintenant la référence. Dans une discipline comme la sienne, où les athlètes font la navette entre les aéroports, les hôtels et les montagnes, l’esprit de groupe est précieux.

La recrue Sarah Bennett confirme que l’impact de St-Germain est déterminant : « Laurence était là pour moi tout le temps qu’on était en Nouvelle-Zélande. C’est l’exemple d’une coéquipière parfaite. Si j’ai un modèle à suivre pour savoir comment devenir une bonne coéquipière, c’est Laurence. »

Un podium dans le viseur

En 2021, elle a réalisé la meilleure saison de sa carrière. L’année dernière, elle a skié davantage en montagnes russes.

Elle garde quand même en mémoire certaines bribes de la plus récente saison. Comme sa deuxième descente à Schladming, en Autriche, où elle a enregistré le deuxième temps de la manche. Un exploit d’envergure, considérant que « c’est zéro une piste pour moi », précise-t-elle.

St-Germain connaît assez bien le circuit et son potentiel pour penser qu’il est réaliste de viser le podium cette saison. Elle est parvenue à se classer une douzaine de fois en carrière parmi le top 10. Elle ne veut plus causer la surprise. Elle veut skier à la hauteur de son talent.

C’est ce que je voulais changer dans mon approche dans la course. Je vise le podium. Il faut que je me pousse à penser que je suis capable. C’est ça, mon but, et quand j’attaque le départ, c’est pour ça.

Laurence St-Germain

Il y a de plus en plus de mouvement sur le podium. Même en fin de vingtaine, rien n’indique un ralentissement de sa part, au contraire. D’ailleurs, des skieuses comme Michelle Gisin, Ana Bucik et Lena Duerr continuent de progresser à 28, 29 et 31 ans. St-Germain estime que « les athlètes skient de plus en plus longtemps. Je me sens bien, je suis encore motivée. Je ne vois pas pourquoi ça ne pourrait pas arriver prochainement. »

À l’entraînement, la Québécoise se fait davantage confiance. Entre chaque piquet, elle apprend. Entre chaque course, elle s’améliore. Plus à l’aise sur le plat, les sections à pic lui donnaient du fil à retordre par le passé. Dorénavant, elle s’abandonne et fait confiance à ses jambes, son instinct et son esprit. Elle s’est rendu compte que ce qui n’était pas sa force n’était pas pour autant un défaut.

« À Schladming, j’ai juste attaqué la piste, même où je pouvais faire des erreurs. Je veux me rendre en bas le plus vite possible, peu importe le dénivelé. »

C’est au nord de la Finlande, là où la nuit domine le jour, que sa quête s’entamera. Celle d’atteindre le sommet et d’y conduire aussi ses coéquipières.