À peine plus d’un mois après avoir soufflé la planète en remportant l’or à l’épreuve de danse aux Jeux olympiques de Pékin, les patineurs français Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis participent aux Championnats du monde présentés jusqu’à dimanche à Montpellier, en France.

Un défi plus grand qu’on pourrait l’imaginer, alors qu’ils enchaînent entrevues, spectacles et vols d’avion depuis les Jeux, et que la COVID-19 s’est invitée dans leurs vies.

L’entrevue avec La Presse s’est déroulée peu après que Cizeron fut sorti d’isolement, lors d’une courte période à Montréal, leur ville d’adoption depuis 2014. « La COVID-19 et la folie postolympique ont compliqué les choses, mais on est encore en forme physiquement, explique-t-il en visioconférence. Ça ne nous a pas terrassés. Et tous les patineurs internationaux avec qui on s’entraîne sont dans la même posture. »

Leur objectif est quand même clair. « On veut gagner, mais la pression vient surtout du fait que beaucoup de proches vont venir nous voir à Montpellier, précise-t-il. On ne veut décevoir personne. »

Heureusement qu’ils peuvent miser sur le talent et l’expérience qui leur ont permis d’obtenir un premier sacre olympique, le 14 février dernier. « Ça n’a pas été facile, rappelle Papadakis. C’est énormément d’entraînement, de remises en question et d’angoisse. Alors, on ressent beaucoup de fierté. »

Quand on leur parle de cette journée, Cizeron évoque d’abord l’épuisement qui les accable depuis. « Nous sommes fatigués psychologiquement. Je t’avoue qu’on est retournés à l’entraînement seulement parce que les Championnats du monde arrivaient. »

Cette chape de plomb qu’ils semblent porter, malgré quelques éclats de rire ici et là, est en partie causée par le train médiatique qui a suivi leur victoire. « À Pékin, on a fait beaucoup de visioconférences et de plateaux virtuels avec un écran vert derrière nous qui nous projetait à Paris, Londres et plusieurs autres endroits. »

Le retour des héros

Après la Chine, direction Paris pour une réception au Comité olympique français dès leur sortie de l’avion. D’innombrables médias français ont alors profité de leur présence. « Pendant environ quatre jours, on a enchaîné les entrevues, dit Cizeron. C’était un vrai marathon ! Heureusement, on a fait ça dans la bonne humeur. »

Ils semblent néanmoins las de parler d’eux. « On nous demandait beaucoup ce qu’on ressentait, alors qu’on ne le savait pas encore vraiment, affirme Papadakis. C’est un peu spécial. Cela dit, c’est cool aussi, toute cette effervescence. »

  • Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

  • Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

  • Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

  • Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

  • Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis lors d’une séance d’entraînement à l’Auditorium de Verdun

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Un concentré d’attention qui s’est également répercuté en textos, en messages sur les réseaux sociaux, en stories et autres vidéos de leur victoire. « Nos téléphones ont explosé, dit Papadakis. Un mois plus tard, je n’ai pas encore eu le temps de répondre à tout le monde. Il y a tellement de longs messages que je ne veux pas écrire seulement merci avec un petit cœur. J’attends un peu et ça fait durer le plaisir. »

Si leurs proches n’ont pas pu assister sur place aux Jeux, ils ont quand même pris le temps de faire partager leur enthousiasme. « Ils ont réagi plus intensément que nous-mêmes, dit Cizeron. Ma mère était en pleurs les quatre premières fois qu’elle m’a appelé après la médaille. »

Des émotions tempérées

Quand on les écoute, on a presque l’impression que leur médaille d’or ne les touche plus autant. « Le cerveau normalise les choses rapidement, explique Cizeron. Il y a un high de quelques minutes, mais ça redescend. On ne peut pas rester extatique pendant des jours. Ça devient davantage une fierté plus intime. »

Il ajoute que l’or olympique n’est pas l’idée que plusieurs personnes s’en font. « C’est un rêve après lequel on court depuis tellement longtemps, mais dès la seconde où on l’obtient, c’est déjà dans le passé. La médaille change la façon dont les gens nous regardent, car ça nous donne un statut, mais ce n’est pas quelque chose qu’on ressent. Heureusement, car on n’est pas chaque seconde des champions olympiques au quotidien. »

Les deux athlètes ont quand même croisé des dizaines de milliers de personnes qui leur ont rappelé leur exploit depuis la mi-février. Après une tournée de spectacles en Suisse, ils sont revenus à Montréal quelques jours afin de se reposer et de reprendre l’entraînement, avant de regagner la France pour participer aux Mondiaux et à une tournée de spectacles avec l’équipe olympique dans tout le pays.

On va aller à la rencontre des clubs, du public et des enfants qui patinent. C’est une belle façon de créer un lien avec la prochaine génération. Après ça, on a des projets de spectacles en Italie et peut-être au Japon.

Gabriella Papadakis

Des spectacles lucratifs qui s’ajouteront aux partenariats avec des entreprises qui souhaitent s’associer à leur image. « Deux ou trois contrats ont débloqué depuis les Jeux, mais ce n’est pas aussi intense que ce qu’on pourrait penser, dit Cizeron. La guerre en Ukraine oblige les entreprises à revoir leur comptabilité. »

Le patineur et sa partenaire sont pourtant ouverts à de telles associations. « Comme on n’a pas de salaire en tant qu’athlètes, on se repose beaucoup sur les spectacles, les prix gagnés en compétition et les commandites, affirme Papadakis. C’est bon pour nous de mixer les sources de revenus pour préparer notre après-carrière. »

Avenir incertain

La grande question s’impose : vont-ils continuer la compétition ? Après un soupir et un éclat de rire, la patineuse affirme que leur décision n’est pas encore prise. Cizeron opine du bonnet.

C’est difficile de faire un choix éclairé dans la fatigue. On vit la fin d’un cycle. On a obtenu le Graal auquel on rêvait. On a besoin de repos. La décision va se prendre durant l’été.

Guillaume Cizeron

Ils vivront donc à Montréal au moins quelques mois encore. « Tant qu’on aura besoin de s’entraîner sur une base régulière, je veux rester, dit Cizeron. Par la suite, peut-être pas. »

Papadakis semble moins proche d’un déménagement. « A priori, j’aimerais demeurer à Montréal, mais ça va dépendre des occasions. J’ai grandi en France. Ma famille y vit encore. Mais là où je me sens chez moi, c’est à Montréal. J’y ai vécu toute ma vie d’adulte. C’est ici que j’ai construit mes repères et mes amitiés. »

À 27 ans (Papadakis les fêtera le 10 mai prochain), ils sont convaincus que leurs corps pourraient tenir le coup sur la glace encore quelques années. « Nous sommes relativement jeunes pour notre sport, répond Cizeron. D’autres patineurs continuent jusqu’à 32, 33 ou 34 ans sans blessure majeure. Nos corps seraient capables, mais on a besoin d’un moteur pour faire tourner la machine. »