(Serre-Chevalier) La boule au ventre et son snowboard bien rivé, Pierre Vaultier s’élance avec fluidité à 2400 mètres d’altitude sur un parcours de folie accroché aux falaises, celui dont il a rêvé et qu’il a rendu réel à Serre-Chevalier, station de sports d’hiver des Hautes Alpes.

Plus de deux ans après avoir proposé « Shapes », un projet vidéo où il dévalait un parcours qu’il avait lui-même dessiné, Pierre Vaultier a poussé encore plus loin le’pumptrack’de neige idyllique dans un nouvel opus, « Reshapes » (Redbull.com).

Le’pumptrack », c’est un parcours de bosses et de virages au cours du duquel le snowboarder doit’pomper » (mouvements des jambes pour garder de la vitesse) pour réaliser des envolées acrobatiques.  

Double champion olympique de snowboardcross, Vaultier a d’abord imaginé un pumptrack proche de la perfection avant de taper encore plus fort avec un parcours extrêmement engagé.

« Pour “Shapes”, on a enlevé tout ce qui ne servait à rien, c’est-à-dire que dès que la planche est en l’air on retire ce qu’il y a en dessous, c’est une ligne épurée. Ça a dépassé toutes mes attentes. Avec’Reshapes », on est monté d’une gamme, avec des gaps (écarts) plus gros et une vitesse plus élevée. Le set-up (configuration) est atypique avec un départ dans les rochers. Ce ne sont pas des choses que j’ai l’habitude de faire », raconte Vaultier à l’AFP lors du tournage de la vidéo.  

C’est en octobre 2021 que Vaultier et plusieurs shapers (ceux qui façonnent les modules) ont débuté le chantier du parcours, soit 300 mètres de pente, 14 modules et 1500 m3 de neige. « On a mis trois modules dans la falaise. Il y a de la douleur dans la présence de ces tas de neige, comme les Égyptiens il y a 4000 ans avec les Pyramides ! », lance Vaultier, amusé.

45 secondes à 65 km/h

Il lui aura fallu attendre février pour que toutes les planètes soient alignées et lancer enfin le tournage de la vidéo. La veille du premier jour de tournage, toute l’équipe s’est réunie pour un ultime briefing. « Y avait un vent fort hier matin, mais ça n’a pas trop décaillé, c’était béton, y a un peu de travail à faire sur les murs, mais on n’a pas perdu en volume », lance le shaper surnommé Blue Max.

Le lendemain, le vent ne souffle pas et le soleil est plutôt au rendez-vous. Il fait huit degrés, la ligne de rêve de Vaultier est d’un blanc étincelant. Tout est prêt pour le grand spectacle, même le public, perché sur des télésièges bondés dans un ballet incessant et qui encourage le snowboarder avant de filer sur les pistes de la station de Serre-Chevalier (Hautes-Alpes).

Très tendu, Vaultier, qui mesure le risque encouru en raison notamment de la prothèse qui lui a été posée au genou gauche il y a un peu plus d’un an, enchaîne quelques runs (parcours), mais pas complets. « Ça va être chaud », glisse-t-il, vêtu d’un blouson rouge et d’un pantalon noir.

Après avoir déjoué les voiles nuageux qui font de l’ombre sur la piste, Vaultier monte en puissance et en confiance. « Ça va être dur, mais ça va rentrer », assure-t-il.

Il est temps de faire un run complet. Déposé en motoneige près de l’aire de départ, Vaultier grimpe sur le module de lancement à l’aide d’une échelle. Et déroule à quelque 65 km/h les 300 mètres du parcours avec une quasi-légèreté en 45 secondes intenses.

C’est l’euphorie dans l’équipe, mais aussi sur les télésièges. « Les images sont dingues ! ».  

« J’avais la peur au fond de mes tripes comme j’ai rarement ressenti », confie le champion.

Au total, Vaultier aura signé une vingtaine de runs complets sur trois jours pour monter la vidéo.