Estimant qu’il aurait dû remporter l’or aux Jeux olympiques de Pékin, Mikaël Kingsbury a pris sa revanche en décrochant le globe de cristal couronnant le champion de la saison de Coupe du monde en l’emportant aux finales de Megève.

Mikaël Kingsbury a entendu les « reproches » au sujet des Jeux de Pékin, où il a dû se contenter de la médaille d’argent après s’être un peu trop retenu.

Il a sa petite idée sur le sujet – il estime qu’une juge avait probablement une dent contre lui –, mais il n’était pas question que le scénario se répète aux finales de la Coupe du monde.

Avec une mince avance de 12 points sur son rival Ikuma Horishima, le skieur acrobatique canadien n’avait d’autre choix que de le devancer à l’épreuve en simple de Megève pour remporter le petit globe de cristal couronnant le champion de la saison, vendredi soir.

Auteur d’une performance magistrale en finale 2, son ami japonais ne lui a pas rendu la tâche facile.

Dernier à s’élancer sous les réflecteurs, Kingsbury a survolé les bosses printanières de la station savoyarde, réalisant un temps canon qui lui a valu le maximum de points. Il restait à connaître l’appréciation des juges de ses sauts et de ses virages.

Après quelques secondes d’attente, il a plissé les yeux pour lire les résultats au tableau. Quand il a compris qu’un « 1 » était juxtaposé à son nom, l’athlète de Deux-Montagnes a poussé un énorme cri de joie avant de célébrer sa 73e victoire dans l’aire d’arrivée. Il a posé les mains sur son casque avant de l’enlever et le remettre, un peu sous le choc.

« Je le voulais plus que tout », dira-t-il plus tard après avoir brandi le fameux globe de cristal, pourtant son 19e, en visioconférence avec les médias québécois.

C’était juste vraiment spécial de me retrouver en haut du parcours et de savoir que mon principal rival était en première position. On était à 12 points l’un de l’autre et j’étais le dernier à partir. Si certains m’ont reproché de ne peut-être pas avoir assez poussé aux Jeux olympiques, là j’ai fait tout le contraire. Ça faisait partie du plan.

Mikaël Kingsbury

Cette vitesse s’est avérée déterminante puisqu’il a devancé Horishima, mieux noté pour les deux autres composantes, par seulement quatre centièmes de point (86,27 vs 86,23).

S’il a « tout mis sur la table », l’athlète de Deux-Montagnes ne pense pas que l’issue de la compétition aurait dû être aussi chaude. Avec un temps de référence fixé à 22 secondes, il n’a pas été récompensé de plus de 20 points, le maximum autorisé, pour sa descente une demi-seconde plus rapide (21,49 secondes).

« J’aurais pu y aller plus tranquille, mais quand tu le sens bien… Je voulais gagner sans équivoque. Ça n’aurait pas dû finir serré comme ça. »

Chose certaine, Kingsbury devait absolument l’emporter pour conserver sa priorité sur Horishima, qui a mené une lutte de tous les instants depuis le début de la saison. Médaillé de bronze aux JO, le Japonais est monté sur le podium à chacune des épreuves de Coupe du monde en simple, signant trois victoires contre cinq pour le Québécois.

« Ikuma a été incroyable, l’a-t-il louangé. Ça a été de loin la saison la plus difficile de ma carrière. Il n’a pas manqué un podium et j’ai quand même été capable d’aller chercher le globe de cristal. Je suis fier de ce que j’ai réussi avec probablement le plus grand rival que j’aie jamais eu. »

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Ikuma Horishima lors des Jeux olympiques de Pékin

Le Suédois Walter Wallberg, l’homme qui avait mêlé les cartes en remportant l’or à Pékin, a cette fois terminé troisième malgré une excellente prestation (85,13 points).

Invité à préciser sa pensée sur les « reproches » qu’il aurait reçus après les JO, Kingsbury a indiqué qu’il croyait en avoir fait assez pour gagner un deuxième titre. Il regrette la sévérité d’une juge qui, selon lui, « essaie toujours de ne pas me faire gagner ».

« Elle était sur le panel olympique, a-t-il mentionné sans la nommer. C’est sûr qu’elle a dû avoir son mot à dire pour que les scores soient aussi serrés. Je ne me reproche rien des Jeux olympiques. J’aurais pu aller plus vite, oui, mais ici pour le globe, je me suis promis de tout donner. »

Avec ce 73e succès en Coupe du monde, Kingsbury fait coup double puisqu’il s’assure du grand globe cumulatif en bosses. Cette récompense lui sera remise ce samedi après l’épreuve en parallèle. Avec ce 20e globe, il s’approche donc des 22 que possède la skieuse alpine américaine Lindsey Vonn, une marque qu’il aimerait dépasser.

Le triple médaillé olympique pourrait en ajouter un autre ce samedi à l’issue de la compétition en parallèle. Un globe sera en effet décerné pour la première fois dans la discipline, où il détient une priorité relativement confortable de 80 points sur Horishima (le gagnant reçoit 100 points, le suivant 80, etc.). Kingsbury n’a qu’à passer une ronde pour s’assurer le titre.

« On peut dire que 50 % de la job est faite. Il reste que demain [ce samedi], c’est une grosse journée. J’ai confiance, j’ai été tellement solide cette année en duel avec trois départs et trois victoires. J’aime bien mes chances. »

Les Canadiens Alexandre Lavoie (14e), Gabriel Dufresne (15e) et Brenden Kelly (16e) ont pris tous les risques, mais ont fermé la marche en finale 1.

Justine Dufour-Lapointe rebondit

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Justine Dufour-Lapointe

Chez les femmes, Justine Dufour-Lapointe a mis sa déception olympique derrière elle en terminant cinquième, son meilleur résultat en un an et demi.

Victime d’une chute dramatique sur le parcours de Zhangjiakou, la Montréalaise de 27 ans a vécu un véritable apaisement dans les Alpes françaises. Elle a eu les « larmes aux yeux » à l’annonce des scores.

Ça fait vraiment du bien de me sentir calme, bien, de sortir mon meilleur ski. C’est tellement moi, cette compétitrice avec du feu dans les yeux, qui se laisse aller. J’ai eu du plaisir et c’était mon objectif aujourd’hui. Juste de skier pour moi. C’est à ça que je pensais en haut du parcours.

Justine Dufour-Lapointe

N’empêche, la benjamine des Dufour-Lapointe s’est elle aussi interrogée sur le travail des juges. « Je ne sais plus ce qu’ils veulent, a dit la double médaillée olympique. Je regarde les pointages et chaque fois, ils partent avec des points de base, beaucoup plus bas. Rendu là, on dirait que je ne peux pas me battre plus que ce que je fais. Honnêtement, il n’y a rien à faire. Même moi, je ne comprends pas. J’essaie toujours de faire le moins de fautes possible, de faire les sauts les mieux atterris. C’est un sport jugé. Parfois, j’ai l’impression qu’ils ont certains favoris. Présentement, ce n’est clairement pas moi. »

Justine Dufour-Lapointe a expliqué qu’elle n’avait pas pris part à la Coupe du monde de la semaine précédente en Italie parce que la fédération canadienne refusait de couvrir les dépenses autres que celles de Kingsbury. « J’ai préféré continuer mes vacances et garder mes sous pour venir ici en France. »

Neuvième à Pékin, sa sœur Chloé a dû se contenter de la 12e place à Megève, où les finales ont été repoussées de plus d’une heure en raison d’un brouillard persistant.

Leurs compatriotes Maia Schwinghammer (13e), Sofiane Gagnon (14e) et Berkley Brown (18e) ont suivi dans cet ordre.

Un 5e globe pour Laffont

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Perrine Laffont lors des Jeux olympiques de Pékin

Repoussée au quatrième rang aux JO, la Française Perrine Laffont a retrouvé la faveur des juges, s’imposant de justesse devant la médaillée d’or olympique, l’Australienne Jakara Anthony. La Japonaise Anri Kawamura, qui détenait le maillot jaune de meneuse jusque-là, a complété le podium.

Laffont, championne olympique de 2018, a ainsi décroché le cinquième globe de cristal de sa carrière, devançant Kawamura par un tout petit point (610 contre 609).