Laurent Dubreuil a probablement senti l’onde de vent quand Tingyu Gao a viré près de lui. Mis en orbite par le départ le plus rapide de l’histoire, le Chinois était en route vers une course magistrale sur une glace polonaise qui n’a pas très bonne réputation.

Son temps : 34,26 secondes. « Ouf ! », s’est dit le Québécois, champion du monde en titre, qui s’apprêtait à s’installer sur la ligne de départ de ce premier 500 m de la saison à la Coupe du monde de Tomaszów, vendredi.

Dubreuil a compris à ce moment que l’or n’était probablement plus à sa portée.

« Je voyais que les temps des gars étaient vites, mais je pensais pouvoir les battre. Quand Gao a fait sa course, j’ai fait : “Bon ben, on va viser l’argent pour cette fin de semaine !” »

Le patineur de Lévis ne s’est pas dégonflé. Jumelé à Tatsuya Shinhama dans l’avant-dernière paire, il a franchi la distance en 34,68 secondes, terminant à 14 centièmes de son rival japonais, qui a gagné l’argent.

Troisième, Dubreuil ne crachait pas sur cette médaille de bronze en dépit de son statut de monarque de la discipline.

« Je ne suis pas un assez bon patineur pour être déçu d’une médaille de bronze », a-t-il confié en toute franchise. « Oui, il y a deux rangs à aller chercher, mais je suis très content de commencer mon année sur le podium. »

Médaillé de bronze aux JO de PyeongChang, Gao était arrivé en Pologne entouré d’une aura de mystère. Son chrono de 33,82, quatrième de l’histoire, réalisé en septembre sur une glace en altitude dans son pays, faisait jaser. Vendredi, il a montré qu’il faudrait compter sur lui en cette saison olympique, même au niveau de la mer (où les temps sont plus lents).

Ça m’a surpris, c’est une course absolument exceptionnelle. C’est un temps impensable, quelque chose qu’on n’aurait pas pu imaginer avant de le voir le faire. C’est sûr que ça m’a sorti de ma game.

Laurent Dubreuil

Le champion mondial s’est reproché trois erreurs dans sa course : un pas de droit mal exécuté après 50 mètres, une trop grande tension dans le deuxième virage qui lui a fait perdre un peu d’inclinaison et, surtout, sa volonté trop affirmée d’aller chercher Shinhama dans la dernière ligne droite.

« J’ai fait l’erreur de perdre ma concentration sur ma propre technique. J’essayais de le battre. Ç’a été contre-productif parce qu’il creusait l’écart. J’ai été un peu sorti de mon plan de match et je n’ai pas été capable de me concentrer sur ma propre course. Ça a fait une course un peu plus sur le guts et l’effort que sur l’exécution. »

La prestation de Dubreuil a empêché une razzia asiatique. Le Japonais Yuma Murakami et le Sud-Coréen Jun-ho Kim ont respectivement fini quatrième et cinquième. Les Asiatiques étaient absents de la bulle sanitaire d’Heerenveen, où se sont déroulés deux Coupes du monde et les Championnats du monde la saison dernière.

« Ça rend ça plus serré, plus relevé, a constaté Dubreuil. Comme compétiteur, je préfère gagner moins de médailles, mais savoir que j’ai battu les meilleurs au monde, que d’en gagner plus parce qu’ils sont restés chez eux. »

La suite

Dubreuil pourra se reprendre dimanche avec un deuxième 500 m et un 1000 m. « Mon but n’est pas de me faire battre par Gao sur les huit courses de Coupe du monde d’automne, a-t-il prévenu. C’est sûr qu’il a une avance en ce moment, mais ça peut changer. Mon but, c’est que ça change. »

La surprise du jour a été la contre-performance de la dernière paire, composée des Russes Ruslan Murashov et Pavel Kulizhnikov, relégués tout en bas du classement du groupe A, aux 19e et 20e rangs. Kulizhnikov, qui a déjà été suspendu deux ans pour dopage, est triple champion mondial de la spécialité.

« C’est vraiment incompréhensible, s’est étonné Dubreuil. Kulizhnikov est le meilleur patineur de 500 m de l’histoire. Qu’il finisse dernier, c’est très bizarre. Mais je ne pense pas qu’il y a beaucoup de gens qui ont de la peine pour eux en ce moment. »

Gilmore Junio (35,22) et Alex Boisvert-Lacroix (35,30), les deux autres Canadiens en lice dans le groupe A, ont terminé respectivement 16e et 17e. Boisvert-Lacroix était satisfait de s’être rapproché de Junio, qui l’avait devancé par une demi-seconde le mois dernier aux Championnats canadiens.

Ayant obtenu sa place à la suite d’une contestation en arbitrage, Boisvert-Lacroix n’a su qu’il y a une semaine qu’il prendrait part à la compétition. Le Sherbrookois de 34 ans assure ne pas avoir ressenti de pression additionnelle.

« C’est certain que si j’avais fini dernier du groupe A avec un 36 secondes, j’aurais été un peu déçu, et ç’aurait été un peu étrange. Au contraire, je m’améliore. Je me rapproche à huit centièmes de Gilmore. Mon niveau va s’améliorer de course en course. Je n’ai pas de doute que je vais montrer que j’ai ma place ici. »

Deux autres Canadiens sont montés sur le podium : Ted-Jan Bloemen a gagné l’argent au 5000 m, tout comme Isabelle Weidemann au 3000 m.

Valérie Maltais a quant à elle pris le 12e rang au 3000 m. « Je trouve que j’ai un peu trop rushé mon début de course et que j’ai dépensé trop d’énergie, a indiqué la Saguenéenne. Ç’a été extrêmement coûteux à la fin. C’est une glace où il faut toujours continuer à travailler, qui glisse beaucoup moins qu’à Calgary. »

Maltais aura l’occasion de se racheter dès samedi avec le 1000 m, où elle a surpris avec une victoire aux championnats nationaux, et le départ en groupe.