Une seule des sœurs Dufour-Lapointe est assurée d’aller aux Jeux olympiques de Pékin : Maxime, à la retraite du ski depuis 2018.

L’aînée de 32 ans sera l’un des cinq mentors de l’équipe canadienne en Chine. Ouvreuse de parcours en 2010, compétitrice en 2014 et spectatrice en 2018, elle vivra donc une quatrième aventure olympique complètement différente.

Pourra-t-elle soutenir ses deux sœurs cadettes ? La question se pose à la veille de la saison de Coupe du monde.

Pour la première fois de sa carrière, Justine, médaillée d’or à Sotchi et d’argent à PyeongChang, n’a pas une qualification garantie à cette période-ci de l’année.

« C’est drôle, mais je me sens bien bien que ce soit censé être super stressant », a-t-elle assuré, jeudi matin, en marge du lancement de leur collection de vêtements Tissées serrées.

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PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Maxime Dufour-Lapointe

Je me sens à l’aise dans cet inconfort. On dirait que je sais à quoi m’attendre, je sais quoi faire. Avec l’année qu’on a vécue, je me sens plus prête à faire face à l’inconnu.

Maxime Dufour-Lapointe

Avec la pandémie l’an dernier, Justine et Chloé n’avaient que six jours de ski dans les jambes au moment d’amorcer la saison. « C’était le cauchemar », dixit Justine. Pendant tout l’hiver, elles ont eu le sentiment de courir après leur souffle.

« Je me suis sentie prête à skier et à performer aux Championnats du monde, à la dernière course de l’année, a témoigné Chloé, qui y a terminé 16e. C’est là que j’ai sorti mon gros saut. Ce n’est pas normal. En temps normal, le saut, je l’aurais sorti au début de la saison. C’était ça, le plan. Il fallait réduire le saut pour se sentir prêtes et confortables. »

Les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Après une quatrième place à l’épreuve d’ouverture de Ruka, Justine n’a pu faire mieux que sixième en duel en Suède. Au classement final, elle a pris le neuvième rang, un recul de cinq places par rapport à l’année précédente.

« C’était horrible, le sentiment de ne pas pouvoir skier à la hauteur. Tu as la pression de devoir performer. Si tu as de mauvais résultats, ça rentre [dedans] pareil. C’était vraiment inconfortable. On a vécu une année vraiment difficile sur le plan des résultats, mais aussi sur le plan émotionnel et mental. »

Ce fut encore plus compliqué pour Chloé, qui a subi une commotion cérébrale à Deer Valley. La vice-championne olympique de 2014 n’a pu faire mieux qu’une 17place en Coupe du monde. Elle a terminé la saison au 25rang, de loin son pire rang en 14 saisons. L’athlète de 29 ans devra même passer par des qualifications internes pour assurer sa place à la première épreuve de Ruka, le 4 décembre.

Cela ne semble pourtant pas l’inquiéter.

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Chloé Dufour-Lapointe

C’est certain que je dois performer aux prochaines compétitions. Mais je ne suis pas à mon mieux quand je suis stressée. Dans les deux dernières années, ma flamme est revenue. J’ai beaucoup plus d’énergie.

Chloé Dufour-Lapointe

Les deux sœurs tirent leur sérénité d’une préparation totalement différente de celle de l’an dernier. Plutôt que de prendre un mois de congé à la conclusion de la saison, elles ont skié à Saint-Sauveur et à Tremblant en avril. Fin mai, elles ont participé à un autre stage avec l’équipe canadienne à Sunshine, en Alberta.

Après un été à exercer leurs sauts sur la rampe d’eau à Lac-Beauport, elles ont retrouvé la neige en Autriche et en Suisse tout le mois dernier.

« Elles sont sorties de Zermatt pas mal plus prêtes et confiantes que d’habitude », s’est réjoui leur entraîneur Michel Hamelin.

« J’ai l’impression que mes entraînements n’ont jamais aussi bien été, a acquiescé Chloé. J’ai une constance, une attitude positive. Cette légèreté d’esprit se reflète beaucoup dans mon ski. Après 2014, je ne voulais que de plus hauts sommets. Des fois, tu te mets trop de pression, tu t’imposes trop de perfection. J’ai un peu brisé ces critères-là que je m’étais imposés et qui m’empêchaient d’évoluer. »

Les mois loin du ski en 2020 lui auront servi à ça. « Moi, la COVID, ça m’a quand même fait du bien, a dit celle qui vise ses quatrièmes JO. J’ai réalisé que j’avais encore la flamme et que je voulais continuer et profiter de cette dernière expérience olympique pour moi. J’y vais avec le sourire et je veux profiter de chaque journée. »

Justine tend aussi à croire que ces Jeux seront ses derniers.

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Justine Dufour-Lapointe

Je ne me vois pas nécessairement aller aux prochains Jeux et m’engager pour quatre ans de plus. J’aurai peut-être vécu trois Jeux avec mes sœurs. J’ai un peu de misère à m’y voir seule. J’ai 27 ans. Pour mon âge, j’ai quand même déjà eu beaucoup d’impact dans mon sport.

Justine Dufour-Lapointe

Assise entre les deux, Maxime se faisait un plaisir d’écouter ses deux sœurs raconter leur approche de cette dernière aventure olympique.

« Je les trouve bien, je les trouve sereines, a constaté l’étudiante en médecine. Quand tu prends ta retraite, tu veux regarder en arrière et être contente de chaque minute et fière de tout ce que tu as accompli. Au-delà des performances, des Jeux, des médailles, c’est de la route pour t’y rendre que tu te souviens. »

Feu vert pour le saut désaxé

Avec tout ce temps sur la neige, Justine et Chloé Dufour-Lapointe ont eu amplement l’occasion de pratiquer le saut désaxé qu’elles comptent intégrer à leur descente dès le début de la saison et surtout aux JO de Pékin. « Chaque camp d’entraînement qu’on fait, en une journée, il faut se rendre à ce saut-là, a expliqué Chloé. On le rentre le plus vite possible. On est fières de nous. C’était ça le plan, c’est là où on est rendues. Ça va donc très bien. »