Marianne St-Gelais a longtemps donné l’impression d’être un livre ouvert. Certains chapitres plus intimes étaient cependant restés fermés. Deux ans après sa retraite, l’ex-patineuse de vitesse était prête à se dévoiler totalement.

Le résultat ? Sa biographie intitulée La vie pas toujours olympique de Marianne St-Gelais, lancée ces jours-ci et écrite par l’autrice, romancière et essayiste Rose-Aimée Automne T. Morin.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Rose-Aimée Automne T. Morin et Marianne St-Gelais

Sous la forme de 30 leçons de vie, St-Gelais, 30 ans, raconte les hauts et les bas de la vie d’une athlète projetée sous les feux de la rampe après ses deux médailles d’argent aux Jeux olympiques de Vancouver, en 2010.

Tout y passe : l’apprentissage parfois difficile de la victoire, la famille, les amours, l’argent (elle a gagné entre 30 000 $ et 100 000 $ par année), la célébrité, le rapport au corps, la « dérape » après la retraite. Même les sacres sont inclus dans ce texte écrit au « je » dans lequel le sujet s’est reconnu.

« Je voulais que ma mère le lise et qu’elle dise : ‟Ce n’est pas comme ça que je t’ai élevée !” » a lancé St-Gelais, hilare, lundi matin, dans les bureaux de KO Éditions.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Marianne St-Gelais lance son livre La vie pas toujours olympique de Marianne St-Gelais.

La triple médaillée olympique trace un portrait sans fard du monde du sport de pointe. « Je sais ce que ça prend pour être performante, écrit-elle. C’est simple : c’est un déséquilibre. Il faut être complètement désaxée pour gagner. » L’athlète primant, l’être humain en prend pour son rhume, constate-t-elle sans regret.

Celle qui dédie son livre à ses « futurs enfants » ne voudrait pas les voir emprunter le même chemin qu’elle.

« Je ne leur souhaite pas du tout, en plus », a-t-elle insisté en entrevue après avoir expliqué plus tôt : « C’est juste que ma connaissance du sport de haut niveau me permet de savoir où tu peux aller. Ça peut tellement être des montagnes russes, tu as tellement besoin de belles personnes autour de toi. Beaucoup de choses entrent en ligne de compte. Si c’est ce qu’ils ont envie de faire, je vais les encourager, c’est certain. »

Deux ans après ses succès-surprises à Vancouver, qu’elle associe à son « enfance » sportive, St-Gelais a très mal vécu le départ de son entraîneur Sébastien Cros, parti entraîner les Russes.

Le successeur, Frédéric Blackburn, en a payé le prix, au point de se faire bouder par son athlète aux Jeux olympiques de Sotchi, en 2014. St-Gelais raconte y avoir vécu son « adolescence », ce qui s’est soldé par un échec sportif, hormis la médaille d’argent au relais. Sur sa messagerie Facebook, un homme lui a suggéré de se regarder dans le miroir plutôt que de chialer, l’invitant à mettre fin à ses jours. À partir de là, elle a cessé de suivre ses réseaux sociaux pendant les grands évènements.

Après une remise en question, c’est pourtant Blackburn qui l’a relancée et menée à un premier titre mondial individuel au 1500 mètres, sa distance la moins naturelle. Le préparateur mental Fabien Abejean a également joué un rôle fondamental dans sa capacité à concilier ses craintes de ne pas être à la hauteur. Les deux hommes, comme la plupart des personnes importantes dans la vie de St-Gelais, témoignent dans le livre.

Séparation

Les Jeux de PyeongChang furent ceux de l’« âge adulte ». Double vice-championne mondiale, la native de Saint-Félicien s’est plantée d’un bout à l’autre, une déconvenue avec laquelle elle est aujourd’hui très sereine. Elle s’est cependant découvert des aptitudes de mentor auprès de sa coéquipière Kim Boutin, triple médaillée.

À son retour à Montréal, elle a annoncé sa séparation d’avec Charles Hamelin, qui partageait sa vie depuis 11 ans. Encore aujourd’hui, elle est persuadée que cette rupture imminente – ils ne se sont pratiquement pas adressé la parole en Corée du Sud – n’a pas eu d'impact sur ses prestations sur la glace.

« Personnellement, je ne pense pas que ça a fait en sorte que j’ai eu une disqualification ou que j’ai piqué dans la glace. J’en suis convaincue à 100 %. Oui, j’avais des idées dans la tête. En lisant le livre, on comprend que ce n’est pas arrivé drastiquement aux Olympiques. Ç’a été un build-up sur plusieurs années, j’ai envie de vous dire. Cette pression-là, je [vivais] avec depuis un moment déjà. Ce serait faux de dire que j’avais la tête complètement libre. Mais ça n’a pas affecté mes performances. »

Les deux premières années de sa retraite, que St-Gelais décrit comme une « dérape », ont été difficiles. Elle a (un peu) fait la fête, daté l’ex de sa petite sœur – ce qu’elle regrette encore – et a eu une aventure de quelques mois avec un homme marié et père de famille, une « erreur » qu’elle ne se pardonne pas.

Elle s’est lancée dans le gym et a dû apprendre à composer avec l’image de son corps : « Près de trois ans après ma retraite, j’ai encore de la misère à accepter ce dont il a l’air. »

Bref, elle s’est cherchée hors du cadre enveloppant du sport de haut niveau. Paradoxalement, elle semble avoir trouvé sa voie comme nouvelle entraîneuse au Centre régional canadien de Montréal, où elle dirige des jeunes de 16 à 19 ans.

À bien y réfléchir, elle ne détesterait pas qu’ils lisent la leçon 18, intitulée « On n’échappe pas à sa crise d’adolescence ».

« C’est peut-être correct qu’ils connaissent aussi ce côté-là de moi. Je suis un modèle, une idole pour eux. J’ai un peu envie de casser cette espèce de moule-là. Je suis un entraîneur, je suis une coach, je n’ai pas envie qu’ils me voient avec l’œil de Marianne la triple médaillée. J’ai envie qu’ils me voient comme la personne qui peut les amener à devenir de meilleurs athlètes et à se dépasser au quotidien. »

Son nouvel amoureux, Élie, l’« a poussée à goûter à l’autonomie ». « Grâce à lui, j’ai appris que tout était possible, écrit-elle en guise de conclusion. La liberté, la confiance, l’indépendance, le couple, l’émancipation. […] Quel soulagement que de naître à 30 ans. »

PHOTO FOURNIE PAR KO ÉDITIONS

La vie pas toujours olympique de Marianne St-Gelais, Rose-Aimée Automne T. Morin, KO Éditions, 192 p.