(Mont-Tremblant) En haut de la piste, Mikaël Kingsbury se sentait un peu comme Tiger Woods qui doit réussir un oiselet au 18e trou pour gagner un tournoi.

Le bosseur de Deux-Montagnes avait bien observé le Japonais Ikuma Horishima exécuter une descente presque parfaite. Le temps était canon et les juges ont confirmé son évaluation : « 86,60 points ! » ont craché les haut-parleurs.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Mikaël Kingsbury

Encore une fois, Kingsbury devait sortir un lapin de son chapeau pour aller chercher la victoire à la Coupe du monde de bosses de Tremblant, samedi après-midi. « Je commence à être habitué d’avoir la pression de partir dernier. Surtout à la maison, où il y a toujours une petite coche de plus. »

La piste était capricieuse, avec des bosses trop rondes à son goût. La visibilité était moins bonne. Le moindre clignement de l’œil pouvait être fatal.

Kingsbury a senti la vague d’encouragement partir du bas de la piste et remonter jusqu’à lui. Il a inspiré, ajusté son plan – une demi-seconde plus vite qu’en ronde précédente, ça devrait le faire – et s’est dit : « Come on, mec ! »

Moins de 22,5 secondes plus tard, il balayait l’aire d’arrivée d’un large nuage de neige, obligeant les photographes à se retourner pour protéger leurs longues lentilles. Il avait réussi la descente souhaitée, filant entre les bosses avec le flegme d’un samouraï, virevoltant comme si c’était une seconde nature et, surtout, retranchant la demi-seconde prévue.

Au bas de la piste, Horishima, le Français Benjamin Cavet et le Suédois Felix Elofsson, qui composaient le podium provisoire, affichaient un regard ébahi. Les juges n’avaient plus qu’à trancher.

Finalement, Kingsbury a prévalu par 0,2 point pour signer sa deuxième victoire consécutive à Tremblant, sa troisième en quatre départs depuis le début de la saison. Sa seule « défaite » est survenue en Chine le mois dernier. Horishima l’avait emporté par... 0,6 point.

« Sans dire que je prends ma revanche, ça fait du bien d’avoir réussi à garder mon calme en haut du parcours, avec la foule de mon côté, a réagi Kingsbury. Je l’ai utilisée à mon avantage. Je suis resté concentré sur mon plan. Je suis allé couper une petite demi-seconde sur Ikuma. Je pense que c’est ce qui a fait la différence. »

De fait, la vitesse du champion olympique a permis d’effacer le léger écart qu’Horishima s’était donné dans les virages et sur les sauts.

« J’ai juste pointé mes skis un peu plus droit pour probablement une vingtaine de mètres. Après ça, j’ai simplement mis moins d’angle dans mes skis. Juste là, je savais que j’avais coupé du temps parce que je sentais que j’avais plus de vélocité en arrivant dans le saut du bas. »

Premier des qualifications et de la première finale, Kingsbury n’a pourtant pas connu une journée de tout repos.

En matinée, le double médaillé d’or des derniers Mondiaux était manifestement agacé. Sollicité de toutes parts par ses partisans, la vedette locale ne parvenait pas à trouver le bon était d’esprit. En haut et en bas du télésiège, des gens lui demandaient de se faire prendre en photo…

« Je n’aime pas me sentir mal en leur disant non. Il y avait du monde vraiment dans ma bulle. J’étais comme : ici, c’est mon espace de travail. J’ai eu un peu de misère à me mettre dedans. Quand je suis arrivé en bas [en qualifications], je n’avais pas fait la performance que je voulais. J’étais quand même en première position. J’étais content, mais en même temps : est-ce que ça va être comme ça toute la journée ? »

Finalement, Kingsbury a retrouvé son flegme pour signer sa 59e victoire à son 103e départ de la Coupe du monde. Horishima a terminé deuxième, suivi du solide Cavet (83,99 points), soit un portrait fidèle des forces en présence depuis le début de l’hiver.

« J’essayais de me laisser aller, mais pas d’être parfait, a souligné le Québécois de 27 ans. Juste de rester dans le moment présent, laisser monter mes genoux tranquillement, être bien accoté dans le devant de mes bottes. C’était mes points de repère aujourd’hui. »

Après la descente gagnante, Kingsbury a tapé dans la main de presque chacun des spectateurs massés le long des clôtures dans l’aire d’arrivée. Il est monté sur le podium pour recevoir le trophée, les fleurs et le maillot jaune de meneur au classement qu’il détenait déjà.

Ensuite, il a pris sa copine Laurence sur son dos pour dévaler le reste de la pente jusqu’à la place Saint-Bernard, où l’attendait la cérémonie de remise des médailles. Une autre bonne journée au bureau pour le « King » des bosses.