Ils font un travail de l'ombre. Dans une salle étroite ou sur les pistes à avaler les kilomètres sur des dizaines de paires de skis. Un oeil sur les prévisions météo, ils cherchent, grattent, fouillent, analysent, chauffent, parfois avec un masque sur le visage. Puis ils recommencent. Quand ils réussissent, ils reçoivent un clin d'oeil des athlètes. Quand ils manquent leur coup, ils passent dans le tordeur.

Ingrat, le rôle de farteur en ski de fond? «Quand on gagne des médailles, c'est tellement le fun», a répondu Yves Bilodeau, rencontré hier midi sur le bord des pistes. Farteur en chef de l'équipe canadienne depuis presque 20 ans, triple olympien, il a à peu près tout connu dans son sport. Mais un ratage comme aux Jeux olympiques de Sotchi, ça, il n'avait jamais vécu. «C'est mon coup le plus dur.»

Les deux mauvaises courses d'Alex Harvey en style classique, Bilodeau en assume la pleine responsabilité. «On a manqué le fartage. On a muffé la course de nos skieurs. Alex, c'est dans son plein droit (de le dire). Il s'entraîne toute l'année pour la course des Jeux olympiques. Cette journée-là, il s'attend à avoir des skis pour connaître une bonne performance. On ne lui a pas donné ces skis-là. On l'a stoppé dans son élan.»

Le coup a été dur à avaler pour l'équipe de sept techniciens. En particulier pour le Suédois Mikael Book, responsable de la cire d'adhérence sur les skis d'Harvey, la facette qui a fait défaut jusqu'ici.

Les conditions au centre Laura ont été complexes. Du jamais vu, selon Bilodeau. D'un côté de la montagne, de la soupe et 10 degrés Celsius, de l'autre, de l'ombre et -5. Pour ajouter à la difficulté, le tout se mettait à varier à quelques minutes du départ. Certains pays, comme la Suède, ont réussi à merveille, d'autres, comme la Norvège, qui compte trois fois plus de techniciens que le Canada, ont connu leur part d'ennuis.

Les relais féminin et masculin des derniers jours ont permis aux Canadiens de trouver des solutions. Mais Bilodeau et son équipe sont sur le qui-vive en prévision des relais sprint de demain: de la neige est attendue, ce qui représentera un autre défi, surtout avec le sel qui a été épandu sur les pistes pour en protéger l'intégrité... mais pas partout. «Il faut tout recommencer à zéro», constate Bilodeau.

Malgré ses récents déboires, Harvey n'est pas inquiet. «Il y a eu des journées cette année où on avait les meilleurs skis, et par beaucoup», a souligné le fondeur de Saint-Ferréol-les-Neiges. Comme lors du prologue au Tour de ski, où Devon Kershaw et lui ont fini deuxième et premier. «Je leur fais entièrement confiance.»